IL EST RARE que les pharmaciens adjoints soient invités à s’exprimer sur leur exercice quotidien, leurs préoccupations, leurs aspirations. Le « Quotidien » a voulu leur en donner l’occasion à travers une grande enquête, menée en collaboration avec la section D de l’Ordre des pharmaciens. La participation a été massive : 619 adjoints ont répondu à ce questionnaire par courrier ou sur notre site Internet quotipharm.com. La répartition en fonction de l’âge, du sexe et de la localisation des participants est conforme à la population globale des adjoints (au nombre de 25 312 en 2009). Il semble toutefois que l’enquête ait mobilisé davantage de salariés à temps complet que la moyenne. Fondée sur une participation volontaire, cette enquête permet de dégager quelques tendances sur le métier d’adjoint, auxquelles des représentants professionnels apportent nuances et commentaires. Voici donc un profil esquissé de l’adjoint d’officine, à l’aube de cette nouvelle décennie.
Bonne entente
Premier constat, il n’y a pas de fracture au sein de la profession, entre pharmaciens employeurs et salariés. Dans près de la moitié des cas, la collaboration professionnelle est bonne avec le ou les titulaires. Elle est même excellente pour 17 % des adjoints. Dans un quart des cas, cette relation est qualifiée de moyenne. Seulement 9 % des répondants la jugent mauvaise, et 4 % la trouvent très mauvaise.
À entendre les adjoints, il fait bon vivre à l’officine, de manière générale. Dans leur grande majorité (77 % des participants), ils ont le sentiment de travailler en équipe. L’ambiance de travail est bonne pour les trois quarts des adjoints. Elle ne l’est pas pour 20 % des participants et pas du tout pour 7 %. Au final, seulement 13 % des adjoints estiment que leurs conditions de travail sont mauvaises, voire très mauvaises. 30 % des adjoints les trouvent moyennes ; la moitié les juge bonnes et 10 % excellentes.
Implication massive
Autre point positif, l’implication massive dans l’entreprise officinale. La moitié des adjoints se considèrent assez impliqués dans leur travail. Ils sont même très impliqués dans le tiers des cas. En revanche, cette motivation n’est pas au rendez-vous pour 20 % des adjoints. Dans leur grande majorité (80 %), ils souhaiteraient être plus impliqués encore. Les adjoints prennent des décisions, qu’ils soient ou non en présence du titulaire. Un sur deux gère les commandes et les stocks, se charge de l’éducation sanitaire et se frotte aux tâches administratives. Dans une moindre mesure, ils s’occupent des procédures de qualité (30 % des participants), de la gestion du personnel (19 %), des linéaires et de la vitrine (28 %) et sont responsables d’un rayon (38 %). Le quart des adjoints voudraient davantage s’investir dans l’assurance-qualité ou la formation de l’équipe. Des activités pharmaceutiques en dehors de l’officine sont revendiquées par 22 % des participants à l’enquête.
Les adjoints se font une idée bien précise de leur métier. Pour 62 % des répondants, c’est le travail au comptoir. On en apprécie l’implication en équipe (41 % des réponses), l’absence de responsabilité entrepreneuriale (49 %), la souplesse dans l’aménagement des horaires et le choix du lieu de travail (38 %). S’agissant des qualités requises, il faut d’abord avoir de solides connaissances et le sens de la communication (88 %). Dans 8 cas sur 10, les adjoints estiment qu’ils doivent faire preuve de capacités d’adaptation et de méthode pour exercer en officine. L’aspect commercial du métier et l’esprit d’initiative sont importants aux yeux de 65 % des participants.
Reconnaissance et salaire : quelques déceptions
S’ils affichent une bonne entente avec leur titulaire, seulement la moitié des adjoints s’estiment leur égal. Des désaccords peuvent survenir avec l’employeur. Le plus souvent, ils sont liés au manque de reconnaissance (42 % des réponses) et à la mauvaise définition des tâches à accomplir (43 %). En effet, les missions de l’adjoint ne sont pas clairement formalisées dans 80 % des cas. Au passage, on note qu’un peu plus de la moitié seulement affirme exercer un contrôle effectif sur l’activité des préparateurs.
Moins de la moitié (44 %) des adjoints considèrent que leur métier est valorisant. Les perspectives d’évolution sont minces à l’officine. 80 % des adjoints estiment tout bonnement qu’ils n’en ont pas.
Autre source potentielle de conflit, le salaire. Il entre en ligne de compte dans le tiers des désaccords. Plus du tiers des participants trouvent leur rémunération insuffisante. Elle est cependant perçue comme correcte pour 44 % des adjoints et bonne pour 20 %.
Dans un quart des cas, c’est l’organisation des congés qui pose problème avec l’employeur. La proportion est la même, s’agissant de la remise en cause de l’indépendance professionnelle. Finalement, lorsqu’un différend porte sur la déontologie, 42 % des pharmaciens se rangent à l’avis de leur titulaire. Ce qui n’empêche pas le quart d’entre eux d’envisager un départ. Et 10 % d’en faire part à leurs représentants ordinaux. Sur ces questions d’éthique, les syndicats sont sollicités dans seulement 3 % des cas.
Un net mécontentement se manifeste à l’égard des représentants des adjoints. Pour 80 % des participants, la section D de l’Ordre des pharmaciens ne serait pas proche de leurs préoccupations et ne prendrait pas suffisamment en compte leurs problématiques. La perception est la même vis-à-vis des syndicats de salariés.
Formation initiale inadaptée et manque de perspective.
Point noir des diplômés en pharmacie, leur formation initiale n’est pas suffisamment adaptée à l’exercice quotidien. C’est l’avis d’une bonne moitié d’entre eux. Ils savent qu’il y a du mieux en la matière, mais ils demandent que le contact avec le patient-consommateur se fasse plus tôt et plus souvent au cours des études. Les adjoints réclament plus de notions de gestion, de management, de comptabilité et de communication avant de quitter la faculté.
Formation continue sur la bonne voie
La formation professionnelle continue est une préoccupation pour la grande majorité des adjoints. Neuf sur dix la savent obligatoire. 52 % disent la pratiquer occasionnellement et 42 %, régulièrement. La mise à jour des connaissances est effectuée par le biais de la presse professionnelle (dans trois quarts des cas) ou lors de soirées à l’initiative de l’UTIP ou des laboratoires. De plus en plus, on se forme sur Internet (60 % des répondants). Comme acteurs de la formation, il y a aussi les organismes agréés (35 %), la faculté (23 %) ou les congrès et événements professionnels (18 %). Pour 80 % des participants, l’outil de formation donne satisfaction. Parmi les récents sujets abordés figurent le diabète, l’orthopédie, la nutrithérapie, l’aromathérapie ou encore la grippe A et les médicaments techniques.
Dans leur formation, les adjoints sont nombreux à s’intéresser à l’assurance-qualité. La moitié des participants en respectent les principes dans leur officine. Et 40 % se sont engagés dans la mise en œuvre du dossier pharmaceutique.
42 % veulent devenir titulaires
Concernant l’avenir, la moitié des adjoints en ont une vision précise pour les dix années à venir. Dans 42 % des cas, ils veulent devenir titulaires. Une même proportion voudrait prendre des parts dans une officine. Plus généralement, dans les trois quarts des cas, les adjoints sont favorables à un montage financier avec prise de parts dans une ou plusieurs officines. Le schéma qui a la cote est la société d’exercice libéral, la SEL (pour 58 % des participants). Avant même d’être réalisable, la société de participation financière des professions libérales (SPF-PL) attire 16 % des adjoints. Pour ceux qui veulent rester salariés, ce sera dans la même pharmacie (pour 35 % des participants) ou bien dans une autre (25 % des réponses). Une réorientation hors de l’officine peut être envisagée. Le quart des adjoints fixés sur leur avenir ont indiqué qu’ils voulaient totalement changer de métier. Moins de 10 % d’entre eux caressent l’idée d’une carrière dans l’industrie, la répartition pharmaceutique ou la grande distribution. Notons au passage que six adjoints sur dix ne sont pas prêts à se déplacer pour aller travailler dans une autre région.
Nouvelles perspectives
S’ils se disent privés de perspectives, les pharmaciens adjoints ne sont pas indifférents aux applications de la loi HPST et aux propositions du rapport Rioli. En grande majorité (83 % des réponses), ils sont favorables à la création d’un entretien avec le patient pour effectuer des dépistages ou un contrôle tensionnel. Un même pourcentage serait prêt à prendre en charge la gestion du médicament au sein de maisons de retraite. Par ailleurs, les deux tiers des participants sont pour l’installation d’un local multimédia permettant de se connecter avec un patient ou un médecin. Et dans 83 % des cas, les participants appellent de leurs vœux une rémunération mixte qui prenne en compte la marge sur le médicament et l’acte pharmaceutique. Mais ils demandent à voir. Seulement la moitié des adjoints pensent que la profession va réellement leur offrir de nouvelles perspectives dans les années à venir.
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