Entretien avec PHILIPPE BECKER et CHRISTIAN NOUVEL, Fiducial
LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Lors de votre conférence sur la première installation à Pharmagora, vous avez fait passer des messages de prudence aux candidats à l'achat d'une officine. Cela signifie-t-il que les acquéreurs doivent attendre que les prix de vente des officines baissent ?
PHILIPPE BECKER.- Nous avons tenté d'expliquer qu'il y a actuellement un réel décalage entre les prix de vente affichés et la rentabilité des officines, et qu'il y a donc des risques importants pour les primo accédants qui disposent d'un apport personnel peu important. À notre avis, les prix vont baisser à brève échéance. Peut-être pas dans des proportions énormes, mais de façon néanmoins sensible.
Votre analyse semble toutefois battue en brèche par les statistiques de la société Interfimo, qui font apparaître un maintien des prix en 2008. Qu'en pensez-vous ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Les ventes qui ont eu lieu en 2008 étaient basées sur des perspectives économiques différentes de celles d'aujourd'hui. En d'autres termes, le marché n'a pas anticipé la stagnation, voire la baisse du chiffre d'affaires que nous constatons depuis le second semestre de 2008. Il faut avoir à l'esprit qu'acheter une officine trop cher n'est pas grave si l'on fait progresser le chiffre d'affaires de 5 % par an pendant les trois premières années d'exploitation. Mais, actuellement, qui peut bâtir un dossier prévisionnel avec une telle hypothèse ?
Mais vous conseillez aux jeunes diplômés d'acheter une pharmacie le plus tôt possible. N'est-ce pas contradictoire avec votre message de prudence ?
PHILIPPE BECKER.- Non, pas du tout, car notre message est un message de bon sens financier. Il faut acheter son officine ou les parts d'une société le plus tôt possible, car le temps est un allié lorsqu'on rembourse un emprunt à long terme. En revanche, s'il faut acheter rapidement, il faut le faire à un bon prix économique.
Qu'est-ce qu'un bon prix économique ?
PHILIPPE BECKER.- L'idéal absolu est de payer une officine cinq fois son excédent brut d'exploitation, à condition que le stock soit correctement financé. Mais nous ne rêvons pas et nous savons que le marché est prêt à surpayer les officines, car de nombreux jeunes diplômés veulent encore s'installer. Disons que jusqu'à six ou six fois et demie l'excédent brut d'exploitation normatif, l'achat n'est pas encore un non-sens…
Mais on ne trouve pas d'officine à ce prix !
CHRISTIAN NOUVEL.- Si, et davantage qu'on peut le penser ! Il s'agit de toutes les officines qui ne plaisent pas au marché parce que trop petites, ou situées dans des quartiers populaires ou en milieu rural. Le jour où il a été dit que seules les grosses officines avaient un avenir, on a condamné des milliers d'officines et on a créé en même temps une bulle spéculative sur les plus grosses pharmacies.
En ce moment, on trouve même des pharmacies dont le prix est inférieur à leur valeur économique. Certaines, il est vrai, souffrent parfois d'un ou de plusieurs handicaps, par exemple quant à leur emplacement. Mais avec un peu d'idée ou d'audace, il y a parfois de réelles opportunités à saisir.
PHILIPPE BECKER.- C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous continuons, contre vents et marées, à présenter dans nos conférences le cas du rachat d'une petite officine. Notre but est de favoriser une analyse objective par les futurs acquéreurs. Les règles financières sont souvent déplaisantes à entendre, mais elles sont faites, justement, pour éviter les catastrophes qui surviennent en général par péché d'orgueil…
Quelle rémunération un pharmacien primo accédant peut-il espérer dans ses premières années d'installation ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Il faut que le dossier prévisionnel "passe" avec une rémunération proche de son salaire net de pharmacien adjoint. En général, les futurs installés ont un train de vie qui correspond à leurs revenus, et il nous paraît donc indispensable que ce train de vie soit préservé, pour des raisons psychologiques évidentes. Le plus souvent, au terme de deux ou trois ans, la rémunération progresse bien, mais à condition bien sûr d'être sérieux dans sa gestion et de bien exploiter le potentiel commercial de l'officine que l'on a acquise.
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