Ces suspensions de ventes prises par arrêté ministériel dès mars 2020 sont à replacer dans le contexte de l'époque. Au tout début de la crise sanitaire, le ministère avait interdit, en raison d'un risque de surconsommation, la vente en ligne de spécialités composées exclusivement de paracétamol, d'ibuprofène, d'acide acétylsalicylique (aspirine) et de produits contenant de la nicotine et utilisés dans le traitement de la dépendance tabagique.
Concernant ces derniers produits, des médias diffusaient en effet des informations - erronées - sur une action protectrice de la nicotine contre le virus. Par ailleurs, à la mi-mars 2020, la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’ibuprofène ou l’aspirine, était contrindiquée par le ministère de la Santé qui les suspectait d’aggraver l’infection au SARS-CoV-2. À tort, comme l’ont révélé des chercheurs quelques mois plus tard.
Une prorogation injustifiée
Jugeant ces suspensions de ventes abusives, les pharmaciens en ligne ont saisi le Conseil d'État dès octobre 2020. La décision est tombée le 19 novembre. S'il ne conteste pas le bien-fondé des restrictions ordonnées par le ministère de la Santé entre le 23 mars et le 11 mai 2020, le Conseil d’État estime qu’au-delà de cette date et jusqu’au 10 juillet 2020, ces dispositions ne sont plus légitimes : « les risques ayant initialement justifié les mesures prises s’étaient atténués ». Par ailleurs, rappelle-t-il, dans sa décision du 19 novembre 2021, « la levée progressive des mesures de confinement strict par le décret du 11 mai 2020 rendait plus aisé l’accès physique aux professionnels de santé ». Par conséquent, l’AFPEL et Philippe Lailler sont même fondés à soutenir que les dispositions contestées étaient illégales à compter du 12 mai 2020. C’est ainsi que le ministère de la Santé devra verser à chacun une somme de 500 euros.
Une satisfaction pour ces pharmaciens en ligne qui, désormais, sont bien décidés à demander réparation auprès du tribunal administratif. Selon Cyril Tétart, président de l’AFPEL, le préjudice subi sera calculé sur la base des ventes de ces produits, réalisées sur Internet, pendant les périodes de référence de 2019 et de 2021. À titre indicatif, pour son propre site, lasante.net, le manque à gagner sur sa marge est estimé 20 000 euros.