LE 18 SEPTEMBRE dernier, lors des Journées du Patrimoine, une nouvelle salle a été inaugurée à la Fondation Condé : la salle des curiosités biologiques et pharmaceutiques. Nicole Daval, directrice des établissements de la Fondation, est fière d’en présenter chaque objet, exposé de manière permanente. Elle nous rappelle que le vin blanc faisait du bien au duc d’Aumale et que la poudre de vipère était utilisée par la marquise de Sévigné, une des illustres convives du Grand Condé dans son château de Chantilly, au XVIIe siècle. La visite s’annonce étonnante. Les objets les plus hétéroclites se côtoient pour former un ensemble d’une richesse insoupçonnable sur l’histoire de la pharmacie : au centre, sur la table, par exemple, se trouve un objet rarissime appelé « sébile à boulet », sorte de grande écuelle de bois dans laquelle un boulet de fer se déplace pour mélanger, broyer, triturer, pulvériser la substance choisie. Instrument des siècles passés, Flaubert, que l’on sait très intéressé par la médecine, y fait référence dans son roman Bouvard et Pécuchet. Autre curiosité, un « gaper » datant du XVIIIe siècle, c’est-à-dire une tête d’homme en bois peint qui tire la langue, sur laquelle on peut voir une pilule ; il s’agit d’une sculpture traditionnelle juchée comme enseigne des anciennes pharmacies néerlandaises. Enfin, on est tenté d’essayer l’étrange instrument anglais appelé « magneto-electric-machine » destiné à soulager la nervosité, et même toute autre maladie ! L’expérience est amusante et le miracle fait que l’on se sent tout de suite mieux, à moins que ce ne soit qu’une impression…
La visite se poursuit avec les nombreux pots à onguents (dont certains sont en belle faïence de Delft du XVIIIe siècle), crachoirs, piluliers, flacons à élixirs, canards, mortiers, irrigateurs, clystères de toutes les tailles, trébuchets, thermomètres, conserves de matières animales, végétales et minérales, vieille trousse de pharmacien, alambics, pressoir et animaux naturalisés… On se demande alors d’où provient ce laboratoire reconstitué, digne d’un alchimiste de talent, où ne manque que l’odeur des vapeurs des diverses préparations. Il s’agit de la collection de Claude Lanchy, ancien pharmacien-biologiste, aujourd’hui pensionnaire du centre gériatrique, qui ne cessa de chiner et de collectionner toutes sortes d’objets pharmaceutiques à partir de 1942, pour en faire don à la fondation Condé l’année passée (à laquelle s’ajoute la collection de sa femme, Françoise Lanchy, constituée de petites poupées mises en scène pour illustrer des passages de l’œuvre de la comtesse de Ségur se rapportant à la santé des enfants). Grâce à la générosité du couple Lanchy, la fondation Condé peut s’enorgueillir aujourd’hui de posséder une véritable salle d’exposition pharmaceutique, qui complète à merveille le musée déjà existant situé dans la petite chapelle Saint-Laurent.
La pharmacie des princes de Condé.
C’est Sarah Gillois, animatrice du patrimoine de la ville de Chantilly qui nous raconte l’histoire de la chapelle Saint-Laurent transformée en musée de la pharmacie des princes de Condé. À l’origine, il s’agit d’une des sept chapelles (dont les noms reprennent les sept basiliques romaines) construites entre 1532 et 1538 par le connétable Anne de Montmorency aux alentours du château. Elle fut détruite en 1724, lors de la construction des grandes écuries, pour être reconstruite dans le style du XVIIIe siècle dans la cour de l’hospice Condé. Ce dernier fut fondé en 1647, d’abord sur la commune de Vineuil, sous le nom de « Charité », par la petite-fille du connétable et mère du Grand Condé, Charlotte de Montmorency, puis transféré à Chantilly, en 1736, par Louis-Henri duc de Bourbon, prince de Condé. Il se dota alors d’une salle de chirurgie et d’une pharmacie dont les pots sont aujourd’hui exposés dans la chapelle Saint-Laurent. Le plus extraordinaire dans l’histoire de la chapelle est probablement son transfert de quelques mètres, en 1981 (pour dégager un passage), qui prit trois jours : scellée sur un bloc de béton, elle fut déplacée à l’aide de câbles reliés à des vérins hydrauliques. À l’intérieur, les 121 pots de pharmacie, datés de 1786-1787 aux armes des Condé avec les fleurs de lys royales (et la brisure au centre, indiquant qu’il s’agit d’une branche cadette) constituent une des collections les plus homogènes et harmonieuses qui existe (seuls deux pots sont manquants), arrivée par l’intermédiaire d’un certain Bazin, marchand de faïences rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris. Sur une étagère, se trouve aussi une très belle collection de pots commandés par le duc d’Aumale.
Pots, vases, urnes, soupières, chevrettes et cassolettes, tous marqués d’un cartouche, sont classés Monuments historiques depuis 1975. Aujourd’hui, la Fondation Condé de Chantilly (la plus vieille fondation de France) met en valeur sa riche histoire à travers ses belles collections pharmaceutiques.
Renseignements et réservation : Office de Tourisme de Chantilly, 60, avenue du Maréchal Joffre, 60500 Chantilly - 03 44 67 37 37 ; www.chantilly-tourisme.com ; accueil@chantilly-tourisme.com.
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