IL EST des médicaments qui doivent aux drogues : la rispéridone est ainsi indirectement associée à la diéthylamide de l’acide lysergique, le « LSD » synthétisé en 1938 par Albert Hofmann (1906-2008) et connu depuis 1943 pour induire des hallucinations que l’on su rapidement être associées à une action agoniste sérotoninergique.
La recherche sur les antipsychotiques privilégiait dans les années soixante la seule piste des antidopaminergiques. Il faut dire que Paul Janssen (1926-2003) avait découvert les propriétés neuroleptiques de l’halopéridol en 1958 et montré qu’il s’agissait d’un puissant antagoniste D2. De plus, les amphétamines, agonistes dopaminergiques, induisaient des comportements évocateurs d’une psychose. Au total, la schizophrénie passait pour résulter d’une hyperdopaminergie et les stéréotypies induites chez l’animal par les amphétamines servaient de modèle expérimental pour son étude et la recherche de nouveaux antipsychotiques. Le LSD en revanche, ne pouvait être utilisé comme modèle expérimental de schizophrénie car il n’induisait pas chez l’animal de comportement susceptible d’être corrélé aux réactions psychotiques chez l’homme et car l’halopéridol n’exerçait aucun antagonisme visible de ses effets sur l’animal.
Un double effet.
L’intuition géniale de Paul Janssen et de Francis C. Colpaert (1950-2010) fut d’utiliser le comportement discriminatif en pharmacologie comportementale pour le screening des antipsychotiques – une approche qu’ils avaient appliquée antérieurement aux travaux sur le fentanyl -. L’épreuve est simple : l’animal apprend à effectuer une réponse comportementale (appui sur un levier donné) s’il reçoit une substance active et une autre réponse (appui sur un autre levier) s’il reçoit du sérum physiologique. Une réponse correcte (appui sur le levier correspondant à la drogue s’il en a reçu et sur l’autre sinon) est récompensée par l’accès à de la nourriture.
Dès 1971, la pharmacologue américaine Ira D. Hirschhorn (1946-2013) avait montré que le rat discriminait l’action du LSD ; en 1978, on associa cette discrimination aux effets agonistes sérotoninergiques de la drogue. Ces observations motivèrent Janssen et Colpaert à rechercher un antipsychotique exerçant une activité antisérotoninergique en utilisant le LSD comme modèle.
La pirenpérone, la sétopérone puis la ritansérine constituèrent des candidats, exerçant une inhibition de la discrimination du LSD. L’association à l’halopéridol de la ritansérine, un antagoniste 5-HT2, améliora les signes négatifs (dépression, etc.) de la schizophrénie en réduisant l’incidence des effets extrapyramidaux. Ceci conforta l’équipe de Janssen à rechercher une molécule unique inhibant à la fois la transmission sérotoninergique et dopaminergique.
La lenperone et le benpéridol furent testés avec succès ; parmi les benzisoxazoles, la rispéridone, synthétisée en 1984, se révéla combiner au mieux l’action anti-5-HT2 et anti-D2. Ses essais cliniques furent d’emblée concluants : cet antipsychotique « atypique » fut agréé par la FDA en 1993.
La rispéridone constitua ainsi, 25 ans après l’halopéridol, une innovation dans le domaine du traitement de la schizophrénie dont Paul Janssen se plaisait à souligner avec malice le bon profil de tolérance : « Si les psychiatres me remercièrent d’avoir découvert l’halopéridol, les patients, eux, me remercièrent pour la rispéridone ».
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