FONDÉ le 25 mars 1304 par la reine de France Jeanne de Navarre, l’Hôtel-Dieu, avait pour fonction de recevoir les pauvres malades, pèlerins, orphelins et nécessiteux pour les « substanter, médicamenter, panser et soigner ». Son administration avait été donnée à douze religieuses cloîtrées de l’ordre de Saint-Augustin, gouvernées par une prieure. Constamment, les Augustines préservèrent le Trésor et le sauvèrent même de la nationalisation à la Révolution. Au XIXe siècle, l’Hôtel-Dieu devint « hospices civils » puis « hôpital général » au XXe siècle. La dernière Augustine, décédée en 1966, confia les clés des greniers à Micheline Rapine, qui travaillait à l’hôpital et avec qui elle s’était liée d’amitié. Juste avant de mourir, la religieuse lui précisa de prendre grand soin de ce qu’elle allait trouver. Micheline Rapine découvrit, sous la poussière, l’exceptionnel Trésor. En 1981, elle sera assermentée pour sa protection et, en 1992, l’association Arts et Histoire de Château-Thierry sera créée pour veiller à la conservation et la restauration de près de sept siècles d’histoire.
Peintures, sculptures, mobilier, orfèvrerie, faïences, broderies…
C’est Anne de la Bretonnière, prieure de l’Hôtel-Dieu à la fin du XVIIe siècle, qui nota précautionneusement, sur les pages de son journal intime, l’inventaire de tous les dons (plusieurs sont aujourd’hui classés monuments historiques) faits à l’Hôtel-Dieu, en particulier ceux de M. et Mme Stoppa, son oncle et sa tante. Cette générosité charitable témoignait de leur grande richesse, mais aussi du profond amour qu’ils portaient à leur nièce. Proche du roi Louis XIV, le Suisse Pierre Stoppa fit un brillant mariage avec une Gondi et réussit sa carrière militaire jusqu’au plus haut grade, celui de lieutenant général des Suisses et Grisons en France. C’est dire si le mécénat d’un tel couple, qui n’hésita pas à pourvoir l’hospice de terres et d’œuvres d’art, mais aussi de médicaments et de linge, permit à l’Hôtel-Dieu de connaître sa période de prospérité à la fin du XVIIe siècle.
Aujourd’hui, on traverse les salles avec enchantement : on entre dans la chapelle XVIIe siècle ornée du mausolée des Stoppa, classé monument historique et attribué au célèbre sculpteur François Girardon ; on s’arrête devant un chapier, étonnant gardien de luxueux tissus brodés ; on admire un rarissime escalier en bois d’époque Louis XIII ; on traverse les cellules et les cuisines des sœurs où quelques-uns de leurs portraits émeuvent, ainsi que des salles où foisonnent mobilier raffiné et œuvres d’art ; enfin, on atteint l’apothicairerie, reconstituée en 1996 dans le style Régence par l’ébéniste Michel Verron.
Un délicat crucifix d’ivoire nous accueille.
Sur la droite, s’élèvent les étagères d’exposition avec un Saint-Jean-Baptiste en bois et un bel ensemble de vases de pharmacie en faïence grand feu commandé à la manufacture de Nevers par la pieuse Mme Stoppa. À l’origine, quatre cents pots, malheureusement réduits en nombre, suite à un incendie. On voit aujourd’hui encore, sur ceux qui restent, les traces brunes du passage du feu. En face, sur la gauche, se trouve un ensemble rarement conservé de nos jours : le laboratoire. Un imposant alambic de cuivre rouge, des mortiers, de nombreuses bouteilles et verreries (soufflées à la main sur place), un pilulier, une balance, un trébuchet ou encore une presse à suppositoire, des mesures en étain et un clystère du Dr Léguisier nous font revivre l’intense activité du laboratoire. Et l’on imagine la silhouette de Marie Anne Déon, cette apothicairesse de dix-huit ans seulement qui se distingua dans les temps révolutionnaires, à partir de 1792, lorsque les Augustines furent contraintes à un exil de neuf ans. Elle travailla si bien à l’administration des drogues et à l’assistance des médecins que le maître apothicaire Quequet déclara : « la dite jeune Déon par son application, son zèle et son intelligence s’est mise à même de remplir au vœu de l’administration dans la place qu’elle occupe à la pharmacie ». C’est elle qui réorganisa l’apothicairerie, alors logée au sous-sol, insalubre et inapproprié à la conservation des remèdes. C’est elle aussi qui sauva de la destruction et de la confiscation une partie des biens du Trésor, à ses risques et périls. Les archives racontent même qu’elle était mal vue par les révolutionnaires et qu’on aurait essayé de la tuer !
Aujourd’hui, ce n’est pas simplement de l’admiration qui nous transporte, c’est une grande émotion à la pensée de ces douces sœurs qui donnèrent leur vie, autant pour le soin de leurs malades que pour celui de leur Trésor, qu’elles savaient unique.
11 rue du Château.
Visites possibles du vendredi au dimanche pour les individuels, du mercredi au samedi pour les groupes (sur réservation).
Renseignements : Office de Tourisme de la région de Château-Thierry.
Tél : 03 23 83 51 14 – e-mail : accueil.ot@ccrct.com.
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