« JE SUIS d’aucune époque ni d’aucun lieu », écrit-il dans ses Mémoires. Un véritable caméléon qui change de nom à chaque ville d’Asie et d’Europe qu’il traverse. Il se dit « noble voyageur » et se donne bientôt comme mission d’aimer et de soigner son prochain, où qu’il aille. Il semblerait qu’il soit né à Palerme, en 1743, sous le nom de Joseph Balsamo. Puis, d’Égypte en Arabie, il devient tour à tour le comte d’Harat, le comte de Fénix ou le marquis d’Anna, en même temps qu’il s’initie à des secrets de médecine. C’est à Malte qu’il aurait définitivement adopté le nom d’Alexandre, comte de Cagliostro.
Guérisons miraculeuses.
Il arrive en France en 1780 et s’installe à Strasbourg. Le prince-évêque de la ville, le puissant cardinal de Rohan, le prend sous sa protection et l’introduit au sein de la haute société parisienne où il se fait rapidement remarquer par ses talents de prophète et de guérisseur. Le charme de Cagliostro ne fait que s’accroître lorsqu’il explique aux dames de la noblesse qu’il est le disciple du mystérieux comte de Saint-Germain, qui avait beaucoup fait parler de lui en disant détenir le secret de l’immortalité.
On commence alors à murmurer son nom dans toutes les villes d’Europe et à lui prêter des guérisons miraculeuses. Certains rapportent que ses cures merveilleuses qu’il pratique à Strasbourg ont soigné plus de quinze mille malades. Et son plus fidèle allié, le cardinal de Rohan, raconte partout comment il a guéri son cousin, le prince de Soubise. Ainsi, à Strasbourg, la foule vient écouter ses discours, tandis que, à Paris, ses amis se réunissent autour de lui dans l’appartement que lui loue la marquise d’Orvilliers, dans l’hôtel de Savigny, au 1, rue Saint-Claude. On imagina même qu’une des pièces servait de loge maçonnique où Cagliostro pratiquait peut-être le rite alchimique de la transmutation !
Médecin ou falsificateur ?
Mais très vite, deux clans se dressent : ses détracteurs, qui comptent en première ligne les membres de la faculté des Sciences, et ses admirateurs, parmi lesquels le cardinal de Rohan, le baron Louis François Ramond de Carbonnières, conseiller du cardinal et passionné de botanique et de minéralogie, le banquier et riche négociant de Bâle, Jacques Sarasin, qui doit à Cagliostro la guérison de sa femme, ou encore le célèbre physionomiste suisse Johann Kaspar Lavater, qui s’interroge sur sa pratique de la médecine et de la pharmacie.
Alors que Lavater lui demande, en proie au doute, quelles sont les sources de ses connaissances, Cagliostro lui répondra : « In herbis, verbis et lapidarius », signifiant que tout est « dans les plantes, les paroles et les minéraux ». Même s’il ne voit pas en Cagliostro un charlatan, Lavater revoit cependant vite son jugement et finit par écrire à son ami Goethe, lui aussi très curieux d’en savoir plus, que le défaut de Cagliostro est de ne jamais répondre précisément à ses questions. La frontière lui semble donc très mince entre le médecin et le falsificateur. Cette pensée est renforcée par les nombreux libelles qui circulent contre Cagliostro dans le monde médical. Il est traité de marchand d’Orviétan et d’élixirs de charlatans. Ses controverses avec des docteurs en médecine sont nombreuses comme celle avec le Sieur d’Osterlag, accoucheur, qui s’insurge contre ses méthodes peu orthodoxes.
Visionnaire.
Pourtant, le succès de Cagliostro ne décline pas. Il le doit sans doute aux nombreuses guérisons effectives qu’il pratiqua mais aussi à son talent de visionnaire. Il demandera, par exemple, qu’un centre de soins soit construit à Strasbourg, équipé d’une pharmacie et de tous les équipements nécessaires à la prise en charge des malades. Ce projet n’aboutira pas mais s’inscrit dans une volonté de moderniser le monde médical. Visionnaire, il le sera aussi lorsqu’il prédira la démolition de la Bastille et la convocation des États généraux, quelques années avant la Révolution. Mais là où il entre vraiment dans l’histoire, c’est lorsqu’il se voit impliqué dans la fameuse affaire du collier de la reine Marie-Antoinette. Il sera alors embastillé puis devra fuir la France pour l’Angleterre, puis l’Italie où il sera emprisonné à vie à la Rocca de San Leo, accusé d’être coupable de pratiquer la franc-maçonnerie par la justice pontificale.
C’est à ce moment que la réalité dépasse la fiction. Cagliostro devint une légende, un personnage de roman. Qu’il soit le marchand d’élixirs fabuleux, l’orateur de génie, le prédicateur, le guérisseur, l’héritier de Paracelse, le charlatan orgueilleux ou le fondateur de la franc-maçonnerie dite égyptienne en France, dont il était le grand Cophte, il ne cessa d’intriguer et de fasciner. Les bustes sculptés par Jean-Antoine Houdon sont toujours la preuve de sa grande renommée dans la société parisienne du XVIIIe siècle.
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