COMME toutes les apothicaireries, le lieu est à la fois merveilleux et insolite. On promène son regard sur les innombrables inscriptions de noms de remèdes, et l’on se perd dans les méandres des mystères des sciences médicales et des sciences naturelles, du temps où elles se rencontraient dans un même lieu pour donner naissance à des potions extraordinaires.
C’est Frédérique Coobar, chargée du développement touristique et culturel de Besançon, qui nous ouvre la lourde porte de l’ancienne pharmacie, surmontée d’un imposant Dieu le Père. Le grand réfectoire, qui servait de laboratoire, conserve des étains et un bel alambic. L’apothicairerie est entièrement boisée, brillante d’un éclat doré. Partout, étagères, placards et niches sont revêtus d’un manteau étincelant. Les détails du décor, les pilastres sculptés, se distinguent par leur finesse. Une richesse parvenue jusqu’à nous dans son état d’origine grâce à l’activité de l’hôpital qui se poursuivit jusqu’en 1980. Les sœurs hospitalières y étaient alors encore présentes, héritières des sœurs de Beaune des premiers jours, qui avaient été appelées jadis par le richissime chancelier Rolin.
Chevrettes, pots-canons et bouteilles, en faïence bleues et blanches, se découvrent dans leur apparat de palmettes, de fleurs ou de godrons. Sur toute une série de pots, on admire le décor d’origine italienne, dit « a compendario », dont la particularité est d’être composé d’un motif bleu et jaune simplifié. Du Nevers, du Lyon, du Franc-comtois, sortis des fours de la grande époque des productions manufacturières de céramiques, le XVIIe et le XVIIIe siècle. Le tout est posé avec soin sur les hautes étagères de bois doré, finement embellies d’entrelacs et de feuilles d’acanthe. Au centre de ces étagères, en face de l’entrée, dans une grande niche, les trois pots de monstre, probablement en faïence de Nevers, conservent avec fierté la thériaque et la confection d’Alkermès qui étaient, pour l’époque, les panacées. La confection d’Alkermès était, en particulier, un remède de la pharmacopée maritime du XVIIIe siècle qui contenait du kermès animal, du corail, du santal et de la cannelle.
Pierres précieuses.
La partie herboristerie est également remarquable par ces nombreuses boîtes de conservation des simples, appelées layettes, dont les inscriptions dorées ressortent dans la pénombre du lieu. Les placards, eux, sont peints en faux marbre, et, au faîtage, une surprenante balustrade dorée rappelle les décors de théâtre. Celui qui donnait le spectacle, à l’origine, était un apothicaire de Besançon, Gabriel Gascon, nommé maître-apothicaire de l’hôpital Saint-Jacques, qui aurait eu pignon sur rue. Sa grande boutique était à la fois belle et mystérieuse, pharmacie et cabinet de curiosité en même temps, antre d’un esthète et d’un alchimiste, remplie de toutes sortes d’onguents, de plantes, d’écorces, d’animaux morts et empaillés, de breuvages, d’élixirs et même de pierres précieuses. Il légua l’intégralité de son officine, ainsi qu’une coquette somme d’argent, à l’hôpital Saint-Jacques, alors que sa construction venait de s’achever, en 1703, grâce à la bienfaisance de Monseigneur de Grammont, archevêque de Besançon (dont un magnifique buste en marbre se trouve toujours dans l’apothicairerie). On y soignait les indigents, les malades et les enfants démunis.
La Franche-Comté venait d’être rattachée à la France par Louis XIV et le bâtiment de charité s’enorgueillit donc d’une imposante grille d’entrée et d’une large cour d’honneur entourée de belles arcades à l’aspect monacal.
« Une des particularités de cette apothicairerie, c’est la présence de pierres précieuses », précise Frédérique Coobar. Le lapis-lazuli, par exemple, était utilisé contre la langueur, la topaze pour la vue, le corail pour la perte de sang… Ces gemmes étaient très prisées dans la thérapeutique d’autrefois, plus pour leur vertu magique que pour leur réelle efficacité. La lithothérapie, ou médecine par les pierres, est connue depuis l’Antiquité. On garde une pierre sur soi en amulette, ou bien on l’absorbe sous forme de poudre, une de ces poudres miracle que l’apothicaire préparait dans un mortier, peut-être celui qui se trouve toujours au centre de l’apothicairerie, et qui date du XVIe siècle. En vertu de la devise similia similibus curantur, les pierres devaient soigner les organes dont elles avaient la couleur. Et, parfois, on mélangeait même plusieurs pierres pour en faire des électuaires dont les deux plus connus sont l’electuarium de gemmis et la confection d’Hyacinthe : saphir, jade, perle, opale, agate, quartz, or, argent et même diamant, toutes ces pierres étaient réputées pour guérir. L’apothicaire qui possédait ces gemmes était assurément un marchand malin pour faire fortune et s’attirer une clientèle de haut rang. Ce qui était probablement le cas de Gabriel Gascon, dont l’officine témoigne encore aujourd’hui de son train de vie.
Visites toute l’année sur rendez-vous. Renseignements à l’office de tourisme de Besançon. Besançon Tourisme et Congrès, tel : 03 81 80 92 55.
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