C’EST EN 1957 que la compagnie Sandoz, à Bâle, commença à tester l’activité cytostatique de métabolites fongiques, en recourant à des techniques de screening conçues par l’un de ses pharmacologues, Hartmann F. Stähelin (1925-2011). Près d’une dizaine d’années plus tard, en 1966, sur la proposition des pharmacologues Aurelio Cerletti et Max Täschler, le laboratoire créa un laboratoire d’immunologie confié à Sandor Lazary, au sein de l’unité de pharmacologie que dirigeait alors Stähelin. Sa mission : découvrir des immunosuppresseurs moins toxiques que l’azathioprine qui constituait la référence de l’époque… À cette fin, Lazary et Stähelin développèrent un test permettant d’évaluer simultanément, sur une souris unique, l’activité immune des composés par un test d’hémagglutination innovant ainsi que l’activité cytostatique. Ils isolèrent rapidement un composé fongique satisfaisant ces exigences, l’ovalicine, mais qui se révéla trop toxique pour être développé.
L’un des directeurs scientifiques de Sandoz, Konrad Saameli, initia en 1970 un programme de screening incluant toutes les substances de l’échantillothèque du laboratoire. Cette même année, Jean-François Borel (1933-) rejoignit le laboratoire pour remplacer Lazary à la tête du département d’immunologie. L’extrait 24-556, provenant de Tolypocladium inflatum, un champignon recueilli sur l’Hardangervidda (un plateau norvégien) et testé par Stähelin en décembre 1971, montra une certaine activité antifongique mais, surtout, Borel constata fin janvier 1972 qu’il exprimait des qualités immunosuppressives aussi excellentes qu’originales puisqu’il agissait sélectivement sur les lymphocytes impliqués dans la réponse immune.
Il était aisé de le produire en quantité par fermentation : Arthur Rüegger et ses collègues purent de ce fait le purifier dès 1973. La chromatographie permit d’en isoler deux peptides appelés « cyclosporine A » et « cyclosporine B » en raison de leur structure cyclique et de leur présence dans les spores du champignon. Seule la cyclosporine A se révéla assez puissante et fut étudiée par la suite sous le code 27-400 par Borel - grâce au test d’hémagglutination conçu par Lazary et Stähelin -. Elle devint rapidement la « ciclosporine ».
Une découverte polémique.
La première publication évoquant cette découverte sortit en 1976 avec la signature de Borel en avant-plan. La ciclosporine fut confiée à l’un des pionniers de la greffe d’organes, Roy Y. Calne (1930-), qui la testa sur des patients ayant bénéficié d’une greffe rénale à l’hôpital Addenbrooke (Cambridge) et au cancérologue Ray L. Powles (1938-) du Royal Marsden Hospital de Londres qui étudia son intérêt dans les suites de greffe de moelle. Leurs résultats furent publiés en décembre 1978, après des études cliniques que compliqua la faible hydrosolubilité du produit et la difficulté à le mettre en forme galénique.
Mais le succès considérable de ce médicament ne fut pas sans susciter une polémique… Borel s’appropria sa découverte et passa sous silence la participation de ses collègues. Les dissensions qui l’opposèrent à Stähelin nécessitèrent la création d’une commission indépendante du laboratoire (devenu entre-temps Novartis) qui reconnut en juin 2001 que la ciclosporine avait des pères… multiples et que les contributions de Stähelin et de Borel à sa découverte étaient également importantes. Qu’importe aujourd’hui : elle constitua, pour de nombreux patients « toute la différence entre la vie et la mort ».
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