VILLE DE BAYONNE, Pays Basque, au cœur des années 1920… C’est là où l’histoire prend son souffle premier. En ce lieu, en cette époque, Félix Campan exerce le métier de pharmacien. Tout proche de lui, le massif des Pyrénées où les beaux jours voient paître quantité d’ovins. Parmi eux, des troupeaux entiers de brebis qui sillonnent la montagne et n’hésitent pas à pourfendre le rempart de quelques buissons épineux pour aller trouver, au-delà, l’herbe si tendre à croquer. Si les flans des bêtes, molletonnés de laine, ne souffrent en rien de ces escapades, il n’en va pas de même des mamelles dont la chair fragile est quotidiennement mise à mal. Des petites plaies qui passent inaperçues jusqu’au moment de la traite, où elles se rappellent douloureusement au souvenir des animaux. Durant toute la belle saison, les bergers sont confrontés au même problème. Pour prévenir ces fâcheuses situations, ils utilisent un baume protecteur et nourrissant dont ils enduisent les mamelles des brebis. De grande renommée et communément utilisé, le produit porte le nom de Baume du Pérou. D’une redoutable efficacité, ce principe actif est obtenu à partir du tronc scarifié à chaud d’un arbre appelé Baumier du Pérou, connu sous le nom scientifique de Myroxylon balsamum (L.) Harms. Originaire d’Amérique centrale, l’arbre produit un exsudat dont les propriétés sont appréciées de longue date, les Indiens d’Amérique l’ayant utilisé comme remède traditionnel depuis fort longtemps.
Grâce à lui, le troupeau peut continuer de paître en toute tranquillité, préservé des griffures végétales. Mais les animaux ne sont pas les seuls à profiter des bienfaits de l’onguent… Les bergers, en effet, montrent des mains en parfait état. Nulle trace de gerçure alors qu’ils passent tout leur temps en prise avec l’air vif de la montagne. Une explication s’impose : l’intégrité de la peau est garantie par l’application régulière du baume. C’est du moins le rapport de cause à effet auquel se livrent les compatriotes de Félix Campan. Le pharmacien, cependant, pousse la réflexion plus loin. S’il montre de telles propriétés, pourquoi ne pas intégrer le baume du Pérou à une préparation cutanée destinée à protéger toutes les mains de sa clientèle ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Voilà l’onguent réalisé ! Sa composition laisse une large place au baume du Pérou - 4,95 grammes par dose exactement - que viennent agrémenter trois excipients, la cire d’abeille jaune, la vaseline et la paraffine liquide.
À la pommade, il faut désormais donner un nom, et quoi de plus évident que de rendre hommage au cadre qui lui a servi d’inspiration ? Le Baume des Pyrénées est ainsi lancé. Ses indications sont larges : conseillé dans le traitement d’appoint des irritations cutanées, il se destine à soulager les gerçures, les petites brûlures et toutes les affections de la peau causées par le froid et l’humidité.
Perpétuelle transmission.
Pendant de nombreuses années, la pommade fait les beaux jours de la pharmacie Campan. L’officine a d’ailleurs inscrit le nom de sa spécialité sur sa façade. Son efficacité assurant rapidement sa renommée, la formule, dès 1940, fait son apparition dans les pages du Dictionnaire des spécialités pharmaceutiques édité par Louis Vidal. Quatre ans plus tard, le produit obtient son visa : il est alors fabriqué et commercialisé par le Laboratoire du Baume des Pyrénées. En revanche, Félix Campan ne préside plus depuis plusieurs années à la destinée de son invention. Il l’a confié, au même titre que sa pharmacie, à Marcel Audibert, avant que le fameux onguent n’échoie à Louis Halty, un pharmacien originaire de Cambo-les-Bains. C’est à Biarritz que le nouveau propriétaire va s’établir et fonder les laboratoires Halty qui, désormais, assurent la production du Baume des Pyrénées.
Quand, dans les années 1980, Pierre Fabre intervient dans la destinée du produit, celui-ci est déjà distribué - et de longue date - dans toute la France. Racheté par le Laboratoire qui deviendra le groupe pharmaceutique que l’on connaît, il est tout d’abord diffusé par le LEM (Laboratoire Européen du Médicament), une entité Pierre Fabre dédiée à la santé familiale. Par la suite, il sera commercialisé sous la bannière Pierre Fabre Pharmacie avant de rejoindre les Laboratoires Plantes & Médecines, devenus Naturactive en 2009. D’un visa au moment de son lancement, la formule bénéficie aujourd’hui d’une AMM, mais ne voit pas sa composition changer… ni son conditionnement. Un tube métallique en forme de cartouche actionné par poussoir. Cet étui au caractère authentique est un merveilleux messager des valeurs que véhicule son contenu : un produit multi-usage relevant de la tradition familiale, qui se transmet de génération en génération dans une idée d’efficacité perpétuelle et perpétuée. Ses utilisateurs, en près d’un siècle, n’ont d’ailleurs pas changé. Toute personne susceptible de souffrir de gerçures des mains, et, plus spécifiquement, les travailleurs manuels au métier difficile (maçons, ouvriers du bâtiment…), les sportifs exposés aux rigueurs extérieures et tous ceux qui s’exposent aux petites brûlures ménagères ou aux coups de soleil sont des adeptes potentiels du Baume des Pyrénées.
Fort de sa notoriété, le nom du produit - une partie du moins - va inciter au développement de références dermocosmétiques. Deux baumes à lèvres (soin et protection solaire) sont ainsi lancés dans les années 1980. Puis c’est une gamme de trois formules réparatrices, baptisée Les Pyrénéennes, qui va être conçue au seuil de l’an 2000. Autant d’expériences qui doivent rapidement prendre fin sous l’effet d’une réorganisation du laboratoire. L’avenir, peut-être, verra à nouveau le nom du massif couronner une formule dermocosmétique mais, pour l’instant, la voie éthique est la seule empruntée par le Baume des Pyrénées. Un chemin que, pour le bien-être de tous, elle est vouée à fouler encore longtemps.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %