ÉTIENNE CANIARD, président de la Mutualité, plante le décor. « Depuis la révélation des ravages du Mediator, explique-t-il, beaucoup d’instances travaillent sur une réforme du système de santé, mais il faut être capable d’identifier les bons leviers. Le débat doit aussi être citoyen, et non confisqué par quelques experts. » Étienne Caniard reconnaît en outre que la date de ces débats initiés par La Mutualité « n’est pas anodine » ; 2012 sera en effet l’année de l’élection présidentielle et le patron de La Mutualité estime que « les questions de santé doivent retrouver leur place au sein du débat politique ».
Présente à la tribune, le Dr Irène Frachon, auteur du livre « Mediator, combien de morts », attaque frontalement. Pour elle, au-delà des dysfonctionnements du système, l’histoire du Mediator s’apparente à de la « pharmacodélinquance », le Laboratoire Servier ayant selon elle toujours nié un quelconque lien, que ce soit dans la formule chimique ou dans la voie métabolique, entre le Mediator et l’Isoméride, retiré du marché en 1997. De son côté, Catherine Sermet, directrice adjointe de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) pointe du doigt « l’utilisation massive du Mediator, alors que ce médicament dispose d’un SMR faible, voire insuffisant ». Catherine Sermet constate en outre que la prescription massive de Mediator est « spécifiquement française », les volumes consommés dans les autres pays étant selon elle sans commune mesure. La directrice adjointe de l’IRDES souligne aussi « le pouvoir symbolique très fort du médicament en France » et juge que « chez les médecins aussi, le traitement des maladies passe essentiellement par le médicament ». Le paiement à l’acte ne trouve pas non plus grâce à ses yeux, en ce qu’il favorise la prescription de médicaments.
Les responsabilités de l’État en question.
La question de la formation médicale est longuement abordée. Étienne Caniard, qui a été membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), en charge de la qualité et de la diffusion de l’information médicale, rappelle que la HAS avait proposé aux laboratoires de mutualiser au sein d’un fonds spécifique les sommes qu’ils allouent à la FMC, plutôt que de distribuer directement l’argent. « Les labos ont tous refusé, ajoute-t-il, sauf ceux qui mettaient au point des médicaments innovants. » Claude Le Pen, professeur d’économie de la santé à Paris Dauphine, fait un cours d’histoire. « Le problème de l’information des médecins n’est pas nouveau, rappelle-t-il. Alain Juppé, lorsqu’il était Premier ministre, s’y est attelé sans succès, il y a eu aussi le FOPIM [Fonds de promotion de l’information médicale et médicoéconomique voulu par Bernard Kouchner en 2001, et noyé dans la HAS en 2005]. En fait, continue Claude Le Pen, l’État n’a jamais payé et les labos ne font que remplir un vide. »
Concluant la conférence-débat, Étienne Caniard a rendu publique les propositions de La Mutualité sur la réforme à mener. « Il faut simplifier le circuit du médicament, a-t-il notamment souligné, pointant du doigt l’évaluation des médicaments, un dispositif très compliqué et pas complètement rationnel. » Le président de La Mutualité a également dénoncé des incohérences dans la prise en charge des médicaments. « Il y a des produits d’automédication remboursés, des médicaments de prescription obligatoire non remboursés, on vient en plus de créer la vignette orange [prise en charge à 15 %], c’est trop compliqué. » Étienne Caniard est partisan des grands moyens : « Il faut prendre le taureau par les cornes, assène-t-il, il faut simplifier les règles et dérembourser les SMR faibles ou marginaux ». Ce qui fait beaucoup de déremboursements à attendre, car, selon lui, « 95 % des nouveaux produits n’apportent rien ». Mais surtout, Étienne Caniard invite l’État à « exercer ses responsabilités, notamment dans la formation et l’évaluation. Il n’est plus possible d’évoquer des difficultés économiques, car l’industrie s’engouffre dans la brèche avec ses biais. Une partie du système vit dans une logique de rente ».
La Mutualité organisera une autre conférence le 24 mai à Lyon, et rendra publiques ses propositions lors de ses journées de rentrée les 6 et 7 octobre à Tours.
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