DE PLUS EN PLUS de ruptures de stock sont dues à un défaut d’approvisionnement en matières premières. Telles celles qui concernent la cardiolysine et le technétium, évoquées par le pharmacien général de santé publique, Jacques Morenas. Deux exemples, parmi de nombreux autres, qui illustrent à point nommé le problème sur lequel l’Académie nationale de pharmacie s’est récemment penchée*. Pénurie de matières premières pharmaceutiques, mondialisation et santé publique sont étroitement liées, explique ainsi la respectable institution. En effet, résume son président, Henri-Philippe Husson, « de nombreux laboratoires ont été amenés à délocaliser leur production en Chine ou en Inde, notamment pour les matières premières. Ce qui n’est pas sans poser problème en terme de sécurité des approvisionnements et de santé publique ». David Simonnet, président du groupe Axyntis, leader de la chimie fine pharmaceutique en France, confirme : « En trente ans, la dépendance des industriels européens à l’égard de la Chine et de l’Inde pour ce qui concerne la fourniture des matières premières pharmaceutiques est passée de 20 % à 80 %. » Car le problème est bien là. Cette nouvelle dépendance de l’Europe et des États-Unis vis-à-vis de l’Extrême-Orient interroge.
Peut-on renoncer à l’indépendance ?
Les incidents de disponibilités ne sont plus un risque potentiel, mais un risque réel, explique ainsi David Simonnet, citant l’exemple récent du Tamiflu, désormais produit par seulement trois fournisseurs au monde. De fait, souligne-t-il, les bulletins d’alerte diffusés par l’AFSSAPS pour le premier semestre 2011 recensaient 31 ruptures de stock, quand l’an passé, durant la même période, seulement 4 ruptures étaient à déplorer et seulement 2 l’année d’avant.
Mais le problème des stocks n’est pas le seul effet secondaire de la dispersion des producteurs. Celui de la qualité des produits est au moins aussi préoccupant insistent les intervenants. À l’étranger, les contrôles sont plus rares et de moins bonne qualité. Ainsi, sur les 20 certificats de qualité européens retirés l’an passé, 75 % d’entre eux concernaient des produits venus d’Inde ou de Chine. Autres chiffres inquiétants cités par l’industriel David Simonnet, « Selon l’Union européenne, de 1 à 3 % des médicaments vendus dans les officines sont falsifiés, à savoir qu’ils contiennent moins de principe actif que prévu, pas du tout ou carrément un autre produit. » « La France, grâce à son circuit pharmaceutique très sécurisé, serait pratiquement épargnée par le phénomène », s’empresse de moduler Jacques Morenas.
Cartographie du risque.
Quoi qu’il en soit, face à ce constat, les autorités sanitaires ne restent pas de marbre. Une directive européenne du 27 mai dernier vient ainsi d’imposer des contraintes plus fortes lors de l’importation de substances actives. Problème, les contrôles des agences de sécurité sanitaires ont trop peu de moyens pour couvrir l’ensemble des besoins d’inspection sur place en Chine et en Inde. « Toutes nos agences sont en décroissance d’effectifs, ce qui nous oblige à travailler en synergie et à réaliser des cartographies du risque », explique Jacques Morenas. Autrement dit, les instances de contrôle concentrent leurs efforts sur les « mauvais élèves » et lâchent un peu la bride de ceux qui ont un historique de qualité.
« On ne peut que déplorer le découplage observé entre cette production de masse et la capacité des instances de contrôle à assurer la qualité des produits importés » note Jacques Morenas.
Pour l’Académie de pharmacie, il y a urgence à agir. « Nous recommandons par exemple d’établir une liste de produits essentiels dont il faudrait garantir l’approvisionnement en France. Par ailleurs, l’Académie souhaite prévenir le risque de pénurie par une forte incitation des décideurs publics et privés à relocaliser au niveau national et européen la production des matières premières pharmaceutiques », déclare ainsi Agnès Artiges, secrétaire générale de l’institution. Dernière solution, plus globale, « faire en sorte d’augmenter les standards de qualité et les capacités d’inspection en Chine et en Inde par les pays eux-mêmes », propose enfin Jacques Morenas.
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