Le Quotidien du pharmacien. Les médicaments génériques représentent 33 % du marché du médicament remboursé en France, alors que ce taux dépasse les 75 % au Royaume-Uni et en Allemagne. Comment expliquer ce retard français ?
Javier Gonzalez. En France, le marché du médicament générique est complexe car il est à l’intersection de deux modèles européens différents. Le premier modèle, que l’on rencontre au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, correspond à un marché du générique mature, concentré sur un petit nombre d’acteurs, avec de forts volumes et des prix très bas.
Le second modèle, qui existe en Espagne, en Italie et dans certains pays d’Europe centrale, est un marché moins mature, avec de faibles volumes, mais qui bénéficie d’une forte croissance et de prix élevés. Chacun de ces deux modèles permet aux laboratoires de médicaments génériques qui y opèrent de pérenniser leurs activités.
Alors que, en France, le marché du générique se caractérise par des prix bas, de faibles volumes et surtout une trop faible croissance. C’est en cela un des marchés les plus complexes d’Europe.
Quels leviers pourrait-on mettre en place pour le développer ?
La priorité, selon moi, est d’élargir l’offre d’alternatives génériques à l’intention des patients car celle-ci reste très étroite en comparaison de ce qu’elle est chez nos voisins de l’Europe du Nord. Si la part du médicament générique atteignait 50 % des volumes du marché des médicaments remboursés (contre 33 % aujourd’hui), la France pourrait réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires chaque année.
Aujourd’hui, pour y arriver, il est difficile de demander aux pharmaciens de faire plus, alors qu’ils réalisent déjà 80 % de substitution dans le champ du répertoire des groupes génériques. En France, une partie de la solution réside dans un plus fort engagement des médecins, en les incitant à prescrire plus dans le répertoire : aujourd’hui, ils ne prescrivent qu’à hauteur de 43 % dans son périmètre. Pour cela, nous comptons beaucoup sur les négociations actuelles des ROSP entre la CNAM et les syndicats de médecins.
En parallèle, il faut renforcer la confiance du grand public dans le générique, via une vaste campagne de communication qui nous a été promise par la ministre de la Santé depuis mars 2015.
Enfin, il faudrait que la prescription en DCI se généralise : cette évolution n’aurait pas forcément d’impact direct sur le niveau d’utilisation des génériques mais contribuerait certainement à changer la perception des patients.
Le 11 avril dernier, les autorités de santé ont annoncé des baisses supplémentaires et non prévues de prix de génériques appartenant à 5 classes thérapeutiques*, ce qui a soulevé l’indignation du Gemme (association des professionnels du médicament générique). Quelle est votre analyse sur ce sujet ?
Nous considérons ces baisses illégitimes car les économies portées par les baisses des prix des génériques, comme prévues dans la LFSS 2016, sont déjà atteintes. D’où notre mécontentement et celui des pharmaciens.
Bien entendu, générer des économies est la vocation première des génériques, mais les génériques ont déjà largement contribué aux économies ces trois dernières années et l’encadrement de leurs prix est déjà très fort : le prix d’un générique est de moins 60 % par rapport au princeps à l’arrivée sur le marché (à titre de comparaison, cette baisse n’est que de 40 % en Espagne), puis son prix chute de 7 % au bout de 18 mois et peut encore être révisé à la baisse si son niveau de substitution est insuffisant.
Ces baisses de prix supplémentaires non planifiées, alors que la croissance du marché n’est pas au rendez-vous, sont une véritable entrave à leur développement. Les baisses de prix doivent être raisonnées, raisonnables et prévisibles.
Quel est l’impact du plafonnement du taux de remises à 40 % sur les génériques ?
Le passage de 17 % à 40 % de remise maximum autorisée n'a pas fondamentalement changé la donne. Dans un marché où les prix sont réglementés, il est difficile d'assurer une concurrence efficace en imposant un plafonnement des remises.
En Espagne, mon pays d'origine, une loi entrée en vigueur en janvier 2016, a déplafonné les remises sur les médicaments génériques. De mon expérience, ce système est transparent et favorise la croissance en permettant une meilleure pénétration des génériques et une concurrence plus claire. C'est d'ailleurs aussi le cas dans de nombreux autres pays européens.
Quel est le positionnement de Teva sur le marché du médicament dans le monde ?
Teva n’est pas qu’un fabricant de médicaments génériques. Créé il y a 115 ans en Israël, notre laboratoire est le premier producteur de principes actifs dans le monde et investit en Recherche aussi bien au stade exploratoire qu’en études cliniques pour développer ses propres médicaments princeps indiqués dans les maladies neurodégénératives (sclérose en plaques, maladie de Huntington et de Parkinson, syndrome de Tourette…), la douleur notamment migraineuse, les maladies respiratoires (asthme, BPCO…), la santé de la femme, ou encore en oncologie hospitalière. Teva a également une activité de façonnier et dispose de 75 usines pharmaceutiques, dont une vingtaine en Europe.
Le marché des biosimilaires est-il pour Teva un axe de développement ?
Oui, assurément, et nous sommes déjà aujourd’hui un des principaux acteurs de ce marché en France avec notamment Tevagrastim (filgrastim) ou Ovaleap (folitropine alpha) lancé ce mois-ci. Nous proposons également Eporatio qui est un médicament biologique à développement complet.
Prochainement, nous construirons en Europe un site destiné à la fabrication d’anticorps monoclonaux, qui représentent la nouvelle génération des biosimilaires. Mais nous considérons que les conditions de mise en place de ce marché nécessitent un accompagnement différent de celui des médicaments génériques. Il ne peut pas être uniquement basé sur la substitution, d’autant qu’une majorité de biosimilaires sont aujourd’hui uniquement distribués à l’hôpital et qu’il faudra aussi convaincre les prescripteurs (essentiellement hospitaliers ou spécialistes), d’y recourir en primo-prescription.
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