L’idée vient tout droit de Grande-Bretagne, qui, au début des années 2000, met en place un système de paiement en fonction de l’efficacité d’un traitement de la sclérose en plaques. Si le résultat est peu probant au vu des litiges qui sont apparus, le principe ouvre de nouvelles pistes au financement des médicaments. Pendant dix ans, des initiatives voient le jour, de la part des industriels de santé ou des payeurs, principalement aux États-Unis et en Grande-Bretagne. En France, quelques accords ont été passés entre des laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS), mais l’instance se montrait réticente. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Son président, Dominique Giorgi, explique qu’un prix élevé peut être accordé alors que les bienfaits du médicament n’ont pas pu être démontrés, le laboratoire s’engageant alors à mener une étude en vie réelle. Si les résultats sont négatifs, l’industriel perd le prix élevé obtenu et doit rembourser une partie*.
En août 2014, Celgene a obtenu un prix de 8 900 euros pour 21 jours de traitement avec Imnovid (pomalidomide) dans le myélome multiple, traitement qui doit être renouvelé quatre ou cinq fois. La biotech s’est engagée à rembourser le traitement à la Sécurité sociale lorsque le patient n’y répond pas. Pour cela, il a créé un registre qui consigne pour chaque patient toutes les données d’efficacité et de sécurité. Il est alimenté par des fiches remplies par les médecins à chaque consultation, dont les données sont anonymisées puis transmises à un partenaire de Celgene, chargé d’analyser les données. « Le traitement n’est supporté par l’assurance-maladie que lorsqu’il marche », note Franck Auvray, directeur général de Celgene France. L’assurance-maladie fera un premier bilan du dispositif « efficace ou remboursé » fin 2015-début 2016.
Accès à l’innovation
Si dans les années 1990 l’innovation se déclinait en blockbusters, elle se concentre aujourd’hui sur les médicaments orphelins, de niche en oncologie et plus généralement sur des thérapies ciblées. Le CEPS a dû s’adapter. Dans son rapport d’activité de l’an dernier, Dominique Giorgi souligne : « La fin des années 2000 a été marquée par un net ralentissement de la croissance des dépenses. Phénomène inédit, celles-ci ont même diminué à partir de 2011 (…) Les prix baissent de manière régulière et très fortement depuis 2012, reflet direct de l’action du Comité. » Mais « l’arrivée de nouveaux médicaments innovants, jusqu’alors sans effet sensible sur la tendance globale des dépenses, pourrait constituer un facteur de progression important à court terme (médicaments destinés à traiter l’hépatite C) ». La France se targue d’avoir toujours permis l’accès des patients à l’innovation. Ce qui n’est pas le cas partout dans le monde, notamment en Grande-Bretagne, décriée pour avoir évincé certains anticancéreux trop chers, empêchant les patients anglais d’y accéder.
En contrepartie, la fixation des prix fait l’objet d’âpres négociations et le CEPS peut compter sur de nombreux outils (voir encadré). À cela s’ajoutent désormais les contrats dits de performance. « La notion de prix conditionnel est un mécanisme optionnel d’accès au marché pour les traitements onéreux, distinct des accords prix-volumes, et combiné avec eux. Le but est de vaincre l’aversion au risque économique grâce à un accord rapide sur un prix initial selon les résultats des essais cliniques, qui sera modulé par la suite en fonction de la performance en vie réelle. Cela permet de multiples applications contractuelles », explique Francis Mégerlin, professeur d’économie de la santé à l’université Paris-Descartes.
Des prix différenciés
Certains industriels prônent ces contrats de performance, comme Joe Jimenez, directeur général de Novartis, dont 10 à 15 % de ses médicaments ont un « mécanisme de prix différencié qui tient compte de la réponse thérapeutique ». Le Belge UCB semble sur la même longueur d’ondes. Le prix de son traitement de la polyarthrite rhumatoïde Cimzia (certolizumab) lancé en août 2010, dont le coût annuel est compris entre 11 000 et 12 500 euros, a été réévalué avril 2013. Afin d’éviter une forte baisse de prix, UCB s’est engagé à réaliser une étude en vie réelle sur 750 patients pendant trois ans, et à rembourser le traitement à l’Assurance-maladie pour les patients dont l’état de santé ne s’améliore pas au bout de trois mois. Les remboursements effectués par le laboratoire en 2013 et 2014 sont confidentiels et « non négligeables », selon Jean-Michel Joubert, directeur des affaires gouvernementales du laboratoire.
Tous les industriels ne sont pas ouverts à ces nouveaux mécanismes. Ainsi, indique Dominique Giorgi, le CEPS a proposé un prix élevé pour un médicament indiqué dans une maladie rare à condition que le laboratoire concerné « s’engage sur le maintien d’une certaine capacité respiratoire chez les patients traités ». L’industriel a refusé, jugeant le critère « trop aléatoire ». D’autant que ce type de négociation n’est pas forcément apprécié par les actionnaires des entreprises « car elle ajoute des facteurs de risque sur les revenus », note Vincent Genet, directeur de l’activité santé du cabinet Alcimed.
Parfois ce sont les payeurs qui ne sont pas enthousiasmés par un tel contrat. Novartis a récemment proposé aux assureurs américains un « prix différencié selon la longueur de l’hospitalisation » pour les patients insuffisants cardiaques traités avec le nouvel Entresto (sacubitril/valsartan). Le système leur a paru trop compliqué, ils ont demandé un prix fixe. On assiste néanmoins à un changement dans l’évaluation du prix des médicaments, accéléré par l’arrivée de traitement très chers comme le Sovaldi de Gilead qui mettent en péril la politique du médicament pour tous. Les réponses à cette problématique seront multiples, mais les contrats de performance sont déjà, selon Francis Mégerlin, « une alternative au rationnement de l’accès aux traitements onéreux » et « contribuent à la maîtrise des budgets ».
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