LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Les attaques sur le médicament générique se sont multipliées ces derniers mois. Comment interprétez-vous ce phénomène ?
PASCAL BRIÈRE.- Toutes ces attaques surviennent sur un terreau qui a toujours été défavorable au médicament générique. Et, comme à chaque fois qu’il y a un enjeu majeur, comme par coïncidence, on retrouve ces prises de position négatives. Ainsi, par exemple, il est pour le moins intriguant de constater que le rapport de l’Académie de médecine est paru au moment même où une échéance brevetaire importante se profilait à l’horizon (NDLR, celle de l’atorvastatine). Pour autant, le GEMME ne pense pas qu’il s’agit là d’actions organisées mais plutôt d’une conséquence du discrédit jeté par les pouvoirs publics eux-mêmes sur le médicament en général, et qui retentit aujourd’hui sur la réputation des génériques.
Qu’est-ce qui a poussé le GEMME à répondre aux critiques contenues dans le rapport de l’Académie de médecine ?
Nous avons développé deux types d’argumentaires : le premier a été communiqué auprès des décideurs et du grand public dans les colonnes du « Monde » et du « Quotidien du Pharmacien ». Cet argumentaire avait pour objectif de montrer que le GEMME sera là, et se positionnera fortement, à chaque fois que le générique subira une attaque. Nous avons ainsi envoyé un signal fort à tous ceux qui pensaient pouvoir diffamer le générique en toute impunité. À cet égard, nous envisageons de poursuivre auprès du conseil de l’Ordre tous les médecins qui auront des prises de position non étayées par des publications scientifiques validées. Et puis il y a cette seconde communication, beaucoup plus en profondeur, disponible sur le site internet du GEMME (NDLR., www.medicamentsgeneriques.info/), qui, en une trentaine de pages, explique point par point en quoi le rapport de l’Académie de médecine est erroné, approximatif et même mensonger. Les arguments que nous y développons sont difficiles à résumer ici car l’intégralité des aspects de la politique du générique est mise à mal dans le rapport de l’Académie. Globalement, ce qui nous a le plus émus ce sont les attaques mettant en cause l’efficacité et la qualité du générique.
La remise en cause de la qualité des matières premières concerne-t-elle les médicaments génériques ?
Sur cette question on pratique l’amalgame le plus complet. On part d’une constatation : toute la chimie mondiale, et pas seulement dans l’industrie pharmaceutique, est faite en Chine. Le problème, c’est que l’on arrive insidieusement à faire penser que le principe actif serait lui aussi importé de Chine avec des critères de qualité douteux. Ce qu’il faut savoir en réalité c’est que la Chine est effectivement le premier producteur mondial de chimie et d’intermédiaires de synthèse, mais que la plupart des étapes finales de la fabrication des principes actifs sont réalisées le plus souvent en Europe. Et quand bien même elles seraient opérées ailleurs, les contrôles des fabricants et des fournisseurs, ajoutés aux audits, assurent la qualité des produits finis. À ce titre, l’intégralité des membres du GEMME font des audits de leurs fournisseurs de principes actifs. C’est un faux débat aussi bien pour les matières premières des princeps que pour celles des génériques. Ce n’est pas l’origine qui détermine la qualité, ce sont les normes, les audits et les contrôles qui sont réalisés sur ces produits. Il n’est pas possible de faire, ni même de penser faire des économies sur ce qui est fondamental pour la réputation de notre marché, qui est la qualité.
L’une des réserves le plus souvent évoquées par les prescripteurs concerne les génériques de médicaments à marge thérapeutique étroite tels les AVK ou les antiépileptiques. Que leur répondez-vous ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il n’existe pas de liste officielle de substance à marge thérapeutique étroite. Par ailleurs, on ne peut appliquer cette notion à des classes entières mais à des molécules. Les mises en garde qui ont été émises par l’AFSSAPS sont des mises en garde un peu « chapeau » qui couvrent une classe entière, alors que, dans cette classe-là, seulement certains médicaments mériteraient cette mise en garde, d’autres non. Le second point, c’est que, dans le cas de ces molécules dites à marge thérapeutique étroite, les normes de bioéquivalence sont extrêmement resserrées puisqu’elles passent de 80/125 à 90/105. Or 90/105 n’est rien d’autre que la norme qu’on observerait si l’on administrait le princeps au patient d’un jour sur l’autre ou d’une prise sur l’autre. Dans ce contexte, dès lors que la possibilité de substitution existe, elle doit être pratiquée. Les mises en garde de l’AFSSAPS répondent à mon sens à une crainte de la part des médecins dans des pathologies qui ont une dimension psychologique et anxieuse importante comme dans le cas des antiépileptiques ou des dérivés thyroïdiens, et cela se comprend. En aucun cas cela ne peut remettre en cause la qualité et les propriétés du générique. Lorsque l’Académie de médecine écrit que la bioéquivalence n’explique pas tout, c’est une hérésie.
Quel impact aura selon vous sur le marché générique le paiement à la performance prévu par la nouvelle convention pharmaceutique ?
C’est une mesure extrêmement positive et je veux féliciter les syndicats de pharmaciens d’y être parvenus. Cette mesure vise clairement à relancer la substitution. Elle est positive mais pas suffisante en elle-même. Il lui manque la possibilité d’associer les médecins au dispositif et surtout de faire en sorte, comme en 2002, qu’ils cessent d’être des freins à la substitution. Dans ce contexte, nous ne voyons pas comment, sans déverrouiller l’opposition d’une certaine catégorie de médecins, cet accord pourrait fonctionner. Je voudrais avoir la garantie que la CNAM et l’UNCAM vont faire leur travail vis-à-vis du corps médical. À savoir, d’une part, le convaincre de remplir les objectifs du P4P par lesquels ils sont censés prescrire plus dans le champ du répertoire, et, deuxièmement, d’avoir une politique plus autoritaire à l’égard des prescripteurs qui usent et abusent de la mention « non substituable » (NS). Pour l’heure, j’ai un peu le sentiment que le patient et le pharmacien sont un peu pris en otage pour, eux-mêmes, désamorcer auprès du médecin ce que ni l’État ni la CNAM n’ont eu, jusqu’alors, le courage de faire, c’est-à-dire le NS. Il faudrait, une fois que les échéances électorales seront passées, avoir le courage de s’attaquer à cette frange minoritaire de médecins qui vont à l’encontre du progrès et qui s’opposent à la politique globale d’économie collective.
En 2011, le marché générique a été plutôt plat. Le nombre et l’importance des lancements prévus cette année pourraient-ils inverser cette tendance ?
Je pense que nous allons connaître deux années en 2012. La première, que nous sommes en train de vivre, continue d’être marquée par une croissance très faible, et la seconde partie qui profitera progressivement de l’effet des lancements majeurs tels ceux du 30 avril (le candésartan), et du 8 mai (l’atorvastatine) et deuxièmement les effets combinés de la convention médicale, de la convention pharmaceutique et de l’action retrouvée des pouvoirs publics et de la CNAM vis-à-vis des prescripteurs réfractaires à l’économie générique. Le GEMME souhaite que l’on revienne à une politique cohérente vis-à-vis des pharmaciens et des industriels du générique, qui sont les uns et les autres les pivots de la politique du générique en France. Autrement dit, qu’on nous donne les moyens de remplir nos objectifs.
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