L'épidémie sera toujours en cours, et il faudra maintenir un grand nombre de restrictions pour éviter un brusque rebond du nombre de cas. À la mi-mai, « on pourra s'attendre à avoir entre quelques centaines et quelques milliers de nouveaux cas et 10 à 45 admissions en réanimation par jour, et environ 1 000 personnes en réanimation », prédit Simon Cauchemez, qui a dirigé les travaux de modélisation.
Un taux inhomogène sur le territoire
Les mathématiciens estiment que 5,7 % de la population auront été exposés au virus à la date du 11 mai (avec une marge d'erreur comprise entre 2,7 et 6,7 %) soit un total de 3,7 millions de patients infectés. Ce taux ne sera pas homogène sur l'ensemble du territoire : « des régions comme le Grand Est auront jusqu'à 12 % de leur population exposée », précise Simon Cauchemez. Ces chiffres ont été calculés à partir des données d'hospitalisation et de décès, auxquelles les scientifiques ont appliqué les taux de morbidité et de létalité attribués au Covid-19 : 2,6 % d'hospitalisation et 0,53 % de létalité.
Ces taux ont été estimés grâce aux données issues des épidémies étrangères, et surtout de celles survenues sur plusieurs bateaux de croisière comme le Diamond Princess. Dans ces cas-là, l'intégralité des personnes à bord a été testée pour l'infection par le SARS-CoV-2, ce qui permet de calculer des taux de létalité bien plus fiables.
Ces résultats vont faire l'objet de vérification dans les semaines à venir, via une série d'enquêtes dans différentes populations. L'Institut Pasteur a également entrepris un travail de dépistage de l'infection par le SARS-CoV-2 dans des échantillons sanguins prélevés par l'établissement français du sang.
La fin du confinement n'est pas la fin de l'épidémie
Les estimations des chercheurs de l'Institut Pasteur avaient aussi pour but d'évaluer l'effet du confinement sur la dynamique de l'épidémie. Ces dernières ont abaissé le taux de reproduction R0 du virus de 3,3 à 0,5, soit une diminution de 84 % du nombre de nouveaux cas. « Il est difficile d'avancer un chiffre, mais si on se place dans l'improbable scénario où aucune mesure n'aurait été prise, on aurait 300 000 morts aujourd'hui en France », estime Simon Cauchemez.
Pour autant, cette mesure n'est évidemment pas durable. « C'est une mesure qu'il fallait prendre pour éviter l'engorgement de nos hôpitaux, mais, dans le même temps, elle empêche la mise en place d'une immunité de groupe, analyse Arnaud Fontanet, qui dirige le laboratoire épidémiologie des maladies émergentes de l'Institut Pasteur. Mais à un moment ou un autre, il faudra revenir à la normale d'un point de vue économique. La fin du confinement n'est pas la fin de l'épidémie. Elle doit être décidée quand on sera à un niveau de circulation du virus suffisamment faible pour que l'on puisse le maîtriser par d'autres moyens : tests des cas suspects, traçage des cas, reconstitution des forces dans les services de réanimation. C'est compliqué et il faut des moyens. On peut imaginer la mise en place d'une surveillance épidémiologique de type sentinelle qui se concentre sur les groupes ou les régions à risque. »