Le Quotidien du Pharmacien.-Les coopérations entre les opérateurs de plateforme et les groupements de pharmaciens vont-elles faire décoller la téléconsultation à l’officine ?
François Lescure.- Nous ne sommes qu’au début des accords commerciaux avec les groupements. Cependant, je crois beaucoup au rôle de premier recours du pharmacien. Car en l’absence de médecin, il faut fournir au pharmacien toutes les facilités pour accéder à la téléconsultation afin d’offrir cette solution aux patients. Toutefois, à l’heure actuelle, on demande beaucoup de sacrifices aux pharmaciens. Tant qu’il n’y a pas de valorisation des actes de téléconsultation, celle-ci va difficilement décoller. Il faut rémunérer le pharmacien au juste prix, c’est la première des revendications que la profession devrait avoir.
Peut-on imaginer de nouveaux modèles économiques, sachant qu’aujourd’hui la principale source de financement reste le forfait mis à la disposition par l’assurance-maladie ?
C’est un fait que la téléconsultation à l’officine n’est pas rentable aujourd’hui. Dans ce contexte, il serait peut-être envisageable que les groupements puissent prendre ce service à leur charge.
Quelles sont les autres limites auxquelles la téléconsultation se confronte actuellement ?
Le déploiement de la téléconsultation est conditionné à des capacités en temps médical suffisantes. Aujourd’hui, nous nous employons à multiplier les contrats avec les médecins. En ce qui concerne ma société, MédecinDirect, nous travaillons avec 75 praticiens. D’autres opérateurs ont déjà 200 ou 300 médecins enregistrés sur leur plateforme. Nous sommes à la recherche d’autres ressources, ailleurs, par exemple, en jouant sur les décalages horaires avec les médecins des DOM-TOM. Nous sommes, nous opérateurs, mobilisés pour améliorer sans cesse l’organisation et la rendre plus fluide.
Quels atouts peuvent apporter aujourd’hui les groupements dans le déploiement de la téléconsultation ?
Il sera plus confortable pour un pharmacien de pouvoir s’appuyer sur une solution validée par son groupement. Un groupement qui pour sa part détiendra tout le savoir-faire et un certain degré de volume non négligeable pour négocier avec les sociétés de télémédecine.
Peut-on craindre que les nouvelles habitudes des patients qui ont consulté directement un médecin depuis leur smartphone ou leur PC pendant la crise sanitaire rendent superflues à l’avenir les solutions en officine ?
Je voudrais tout d’abord rappeler que le système a tenu en dépit de sa montée en puissance vertigineuse. Le nombre de téléconsultations par jour a été multiplié par dix. Nous n’avons eu aucune rupture, ce qui est une excellente nouvelle. Autre constat, le pharmacien est là pour accompagner son patient dans sa téléconsultation, notamment dans la mesure des constantes. Par ailleurs, le pharmacien a l’avantage de pouvoir assister les personnes en souffrance, en difficultés. De plus, les patients ont besoin d’une ordonnance et de leur pharmacien pour leur délivrer les médicaments.
La crise sanitaire l’a démontré, tous les médecins se sont mis à la téléconsultation. Nous sommes aujourd’hui face à une modification profonde de notre environnement digital et de la prise en charge de notre santé. Ni nos solutions, ni le législateur, n’ont pour objectif de se substituer au médecin traitant. Ces réponses que nous sommes capables de fournir 24 heures/24, 7 jours/7 viennent en complément sur les territoires. Y compris si l’organisation territoriale passe par les infirmières et les pharmaciens.