NORMALIENNE, agrégée de philosophie, enseignante à l’université de Paris-IV, chercheuse au CNRS, Gwenaëlle Aubry, 38 ans, jusque-là auteure discrète de quatre romans, vient d’être reconnue par les dames du Femina, qui lui ont décerné leur prix pour « Personne » (Mercure de France). Son roman, à la fois récit familial et portrait d’un mélancolique, est un hommage à son père, brillant juriste qui avait sombré dans la folie. À partir des cahiers retrouvés dans des cartons, dans lesquels celui-ci racontait l’histoire de sa maladie, Gwenaëlle Aubry a construit un roman-abécédaire, où elle recompose la figure d’un disparu qui, de son vivant déjà, était étranger au monde et à lui-même. Un beau roman sur les fêlures d’un homme, et son impossibilité de vivre.
La Suisse romande à l’honneur.
Le prix Femina étranger nous invite à la rencontre d’un auteur également méconnu, Matthias Zschokke, dont le nom, plus facile à prononcer (Tchoké) qu’à écrire, cache un exotisme de proximité puisque l’auteur est originaire de la ville suisse germanophone Berne. « Maurice à la poule » est son sixième ouvrage traduit chez l’éditeur genevois Zoé, première maison d’édition romande à recevoir un grand prix littéraire français. Âgé de 55 ans, Matthias Zschokke s’est établi à Berlin après une formation d’acteur à Zurich. Depuis 1980 il a signé six livres en prose – le premier, « Max », a reçu le prix Robert Walser –, quatre pièces de théâtre et des films également récompensés.
« Maurice à la poule » a pour horizon limité un quartier nord de Berlin, et un bureau où le héros, Maurice, la plupart du temps ne fait rien, sauf écouter les sons d’un violoncelle qui s’échappent il ne sait d’où et écrire à un ami. Une indolence mélancolique qui ne l’empêche pas, au contraire, d’être le réceptacle des mille et une sensations, et impressions et de nombreux éclats de vie. Il en résulte un récit à la fois grave et léger, où le désespoir aux allures de doux désastre se laisse aller à une dérision tranquille.
L’actualité des années soixante.
C’est au premier tour que les jurés du Goncourt des lycéens ont plébiscité, « pour sa richesse thématique et littéraire », Jean-Michel Guenassia et son « Club des incorrigibles optimistes » (Albin Michel, « le Quotidien » du 6 octobre). Ce très gros roman, qui a demandé près de sept ans de recherches et d’écriture mais que les jeunes ont lu « comme un feuilleton », est le portrait d’une génération qui eut 20 ans dans les années 1960 et discutait communisme ou guerre coloniale en écoutant du rock et en jouant au baby-foot. Un temps décrit à travers le regard d’un adolescent qui, dans l’arrière-salle d’un café, écoute les réfugiés politiques venus des pays de l’Est débattre de leurs idéaux ; retardant le moment de rentrer dans sa famille, où les parents aussi discutent âprement leurs idées et se déchirent, sur fond de fête de l’Huma et de guerre d’Algérie.
En terre imaginaire.
En saluant Véronique Ovaldé et son roman « Ce que je sais de Vera Candida » (L’Olivier), les jurés du prix Renaudot des lycéens ont en revanche couronné l’imagination (« le Quotidien » du 27 octobre). La jeune auteure de 37 ans nous entraîne en effet dans une île fictive d’une Amérique du Sud imaginaire mais tout à fait réelle pour les lecteurs, pour raconter le destin de femmes d’une même lignée condamnées à enfanter des filles qui ne connaîtront jamais leur père, jusqu’à ce que l’une d’entre elles affronte le passé pour briser la fatalité.