« UN ESPRIT visionnaire », a souligné Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. En ce jour de remise du prix Galien* dans les locaux du ministère de la Santé, nul n’a omis de saluer le fondateur d’une distinction dont la renommée a aujourd’hui dépassé les frontières nationales pour être présent dans plus de 10 pays (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Canada, Suisse, États-Unis), qui devraient être très prochainement rejoints par la République tchèque, la Chine et l’Inde. « Quand tant de pays et non des moindres veulent s’inscrire dans la lignée d’un prix né en France, c’est sans doute la plus belle des consécrations », a reconnu la ministre. En 1970, Roland Mehl, selon les termes employés par le président du jury**, le Pr Pierre Costentin, « a eu la pre?science de l’importance extraordinaire que prendrait le médicament dans la société moderne ».
HPN, une maladie rare.
Quarante ans plus tard, les trois lauréats de l’édition 2009 témoignent de cette vision et de cette ambition : récompenser l’innovation thérapeutique et les travaux de recherche les plus prometteurs et tout cela au bénéfice des patients. Ont ainsi été distingués deux anticorps monoclonaux.
La distinction décernée à l’éculizumab (Soliris) d’Alexion Pharma France reflète l’évolution de la recherche thérapeutique et les progrès en biologie moléculaire. « Le paradigme un gène – une protéine muée en action pharmacologique, une protéine – un médicament et en postulat thérapeutique, un médicament – une maladie, a-t-il été vérifié avec notre lauréat pour le traitement de l’hyperhémoglobinurie nocturne », a expliqué le vice-président de l’Académie nationale de pharmacie, François Chast. L’éculizumab, anticorps monoclonal humanisé dirigé contre la fraction C5 du complément, réduit l’hémolyse, ce qui est l’objectif principal de la prise en charge des patients atteint d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN). « Soliris a bénéficié de la politique de santé en France, pionnière en matière de prise en charge des maladies rares, ce qui a permis de le rendre accessible à tous les patients », a précisé Patrice Coissac, président d’Alexion Europe. Ce que confirme la ministre de la Recherche « Nous le devons à tous les patients y compris à ceux qui n’ont pas la chance du nombre », a-t-elle souligné rendant hommage à cette recherche thérapeutique « qui assume pleinement son rôle d’utilité publique ». L’HPN, ou maladie de Marchiafava-Micheli, touche 15 patients par an, 35 % d’entre eux décèdent dans les cinq années suivant le diagnostic, qui intervient en moyenne à l’âge de 33 ans. L’éculizumab leur permet de jouir d’une vie normale.
SEP, un engagement sur le long terme.
La natalizumab (Tysabri), de Biogen Idec, lauréat dans la catégorie « médicaments réservés en thérapeutique hospitalière » est « réellement une innovation thérapeutique pour les neurologues », a indiqué le Pr Yves Agid, chef de service de neurologie à l’hôpital Salpêtrière (Paris). Deux fois plus efficace que les traitements conventionnels actuels, il est indiqué dans le traitement des formes rémittentes actives de la sclérose en plaques. La survenue de cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive (1,2 cas pour 10 000) en fait un traitement de deuxième intention dans les formes répondant insuffisamment aux autres traitements ainsi qu’aux formes d’évolution rapide. Le prix décerné récompense un « engagement sur le très long terme », a souligné Jane Clifford, présidente de Biogen Idec, un laboratoire dont l’activité est principalement consacrée à la SEP. « Nos engagements vont bien au-delà du médicament, a-t-elle indiqué. Nous avons, il y a dix ans, participé à la première constitution du premier réseau de soins pour la SEP et avons toujours soutenu les associations de patients. »
Nanovecteurs furtifs.
Dans la catégorie « équipe de recherche », le Pr Patrick Couvreur succède au palmarès à Fancis Puisieux, récompensé en 1990 pour ses travaux sur la vectorisation des médicaments, celui dont il poursuivit les travaux à la tête de l’unité physicochimie, pharmacotechnie, biopharmacie de Châtenay-Malabry. Lui aussi est distingué pour l’ensemble de ses travaux. Spécialiste des nanotechnologies médicales, il est l’inventeur d’un nouveau procédé, la squalénisation. « À partir d’un lipide très banal, le squalène, très répandu dans le monde animal et végétal, dont ils ont su utiliser les propriétés de flexibilité, son équipe et lui sont parvenus à obtenir des nanoparticules », s’est enthousiasmé le Pr Monique Adolphe, présidente de l’Académie de pharmacie. Enfermer le médicament dans de minuscules capsules de 10 à 20 millionièmes de millimètres, soit 70 fois plus petites qu’un globule rouge, afin d’administrer juste la dose nécessaire précisément au niveau de l’organe, du tissu et de la cellule malade, tel est l’enjeu. Les vecteurs de troisième génération, des nanovecteurs recouverts de « cheveux de polyéthylène glycol », sorte de couverture qui les rend furtifs, sont désormais couplés à des analogues nucléosidiques à activité anticancéreuse ou antivirale (contre le VIH en particulier). « C’est exceptionnel de participer à la lutte contre deux fléaux de notre temps », a relevé la ministre. Un domaine plein d’espoir qui a déjà permis le dépôt de plusieurs brevets et la création d’une start-up, la société Medsqual, qui développe les nanomédicaments et qui devrait bénéficier des 70 millions du plan Nano-INNOV annoncés en mai dernier.
Restructuration et freins à l’innovation.
La ministre a pu, à l’occasion du Galien, rappeler la restructuration en cours dans la recherche avec notamment la création de l’Alliance pour les sciences de la vie et la santé créée en avril dernier « dans le seul but d’accélérer encore le rythme de nos découvertes et de transformer la vie des patients ». Et ce but, « nous ne l’atteindrons pas sans le concours de la recherche privée », a-t-elle insisté,
appelant les industriels à utiliser l’attractivité du crédit d’impôt/recherche, de même que le nouveau portail mis en place où sont référencées les meilleures équipes classées par disciplines, thèmes de recherche ou départements. Un enthousiasme quelque peu tempéré par le président du jury, Jean Costentin, qui s’est inquiété des freins actuels à l’innovation que constitue la crise financière, « qui redouble la tentation des génériques et le repositionnement à faible coût relatif de molécules anciennes ». Enfin, le Dr Gérard Kouchner, président du groupe CMPMedica, dont font partie « le Quotidien du médecin » et « le Quotidien du pharmacien », a évoqué le fossé grandissant entre le Nord et le Sud et la responsabilité des pays riches, qui devront trouver des solutions pour que l’innovation profite aussi aux pays pauvres.
** Le jury, présidé par le Pr Jean Costentin, réunissait les Prs Charles Caulin (vice-président), Monique Adolphe, Yves Agid, Claude Bohuon, François Chast, Michel Desnos, Charles Haas, David Khayat, Frédérique Kuttenn, Géraud Lasfargues, Catherine Leport, Henri Lôo, Philippe Orcel, Jean Revuz, Jean-Pierre Reynier.