Le Quotidien du pharmacien.- L'UDGPO que vous présidez a été le fer de lance dans la lutte contre les e-pharmaciens transgressant la réglementation française en matière de vente en ligne. Jusqu'à aller plaider la cause des pharmaciens français devant la Cour de justice de l'Union européenne, à Luxembourg. Êtes-vous soulagé que l'État français ait enfin notifié à la Commission européenne et aux autres États membres ?
Laurent Filoche.- C'est une grande victoire pour la profession. Cette notification que nous avons enfin obtenue est le fruit d'un travail collectif mené par les représentants de la profession. La notification de l'État français a, à nouveau, verrouillé les portes de l'Hexagone aux pharmaciens en ligne européens. Le marché français n'est plus ouvert aux quatre vents.
Toutefois, ce succès a, pour l'UDGPO, un goût amer. Car si la France avait notifié plus tôt, comme l'y enjoignait la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 1er octobre 2020, nous n'aurions pas perdu notre procès contre Shop Apotheke le 17 septembre. À cette date, en effet, la cour d'appel de Paris a confirmé que, en l'absence de notification de l'État français, les pharmacies en ligne européennes avaient désormais le droit de communiquer dans l'Hexagone.
Cette bataille était-elle la dernière contre les acteurs de la pharmacie en ligne européenne ?
Loin de là. Car nous avons aujourd'hui les yeux rivés sur l'issue d'une autre affaire qui oppose l'UDGPO, cette fois à Doctipharma (devenu Doc Morris). Nous avions intenté un procès à cette plateforme, au motif qu'elle assurait les transactions financières pour le compte des pharmacies répertoriées. Par conséquent, elle agissait in fine en tant que market place. Nous avions gagné en première instance. Le jugement en appel nous avait été cependant défavorable, mais il avait été cassé en cassation, pour retourner en appel. Cependant, la cour d'appel de Paris vient de poser une question préjudicielle auprès de la CJUE qui devra se prononcer sur le statut de ces pharmacies virtuelles adossées à des pharmacies physiques.
L'enjeu est important car si les market place sont autorisées, c'est l'ouverture du marché à des acteurs comme Amazon. Et tous les pharmaciens le savent, si une market place s'implante, c'est tout un écosystème qui suit, la téléconsultation, l'e-prescription, l'e-pharmacie… Les conséquences seront alors considérables pour les pharmacies physiques qui pourront voir leur échapper jusqu'à 30 %, voire 40 %, du marché des médicaments prescrits.
L'UDGPO va donc se retrouver, une fois de plus, à plaider en faveur de la profession devant la CJUE ?
Cette fois-ci, nous ne pourrons plus y aller seul. Nos ressources sont épuisées et nous refusons désormais à porter seuls les combats pour toute la profession. Nous comptons désormais sur tous les acteurs afin qu'ils fournissent un effort collectif, à l'instar de ce qu'ils viennent de faire pour la notification. Nous avons deux ans pour nous y préparer tous ensemble. Si nous n'allons pas à Luxembourg, ce sera la victoire des market places !