Equiper l’officine

Optimiser les zones de rangement et de préparation : méthodologie

Publié le 13/11/2025
Article réservé aux abonnés

Dans un contexte où la surface de vente prime de plus en plus sur le back-office, les pharmacies cherchent à optimiser leurs zones de rangement et de préparation. Entre robots, réorganisation du front office et solutions de stockage intelligentes, tout l’enjeu consiste à concilier gain d’espace, efficacité opérationnelle et confort des équipes.

Privilégier des linéaires de grande profondeur, de 600 mm plutôt que de 300 mm, pour les références à forte contenance, comme le lait infantile

Privilégier des linéaires de grande profondeur, de 600 mm plutôt que de 300 mm, pour les références à forte contenance, comme le lait infantile
Crédit photo : Burger / Phanie

En officines aujourd'hui, « l’accent est davantage mis sur l'espace de vente », souligne Philippe Plessis, président de ProExpace, entreprise spécialisée dans l’agencement des pharmacies. Il estime que « sa répartition actuelle est de l’ordre des deux tiers pour le front-office [contre] un tiers, voire moins, pour le back-office. » Parent pauvre, ce dernier voit, en effet, son espace se réduire de plus en plus. Le constat n’est pas différent du côté de Morgan Charlet, responsable marketing opérationnel chez Meditech, un fabricant et distributeur de robots de pharmacie. « Il y a dix à quinze ans, la répartition était d’environ 40 % de front-office et 60 % de back-office. Maintenant, nous sommes plutôt sur un ratio de l’ordre de 70 %, contre 30 %. »

Mobiliser la hauteur sous plafond afin de limiter l’encombrement du robot, créer des coursives ou des mezzanines…

À vos robots

Dans cette configuration, une question se pose : comment optimiser ce back-office toujours plus compacté ? « Le robot va être un moyen efficace de concentrer un grand volume du matériel et des produits dans un espace contraint », avance Philippe Plessis. Sur le papier, il remplace des étagères traditionnelles encombrantes par un système compact et automatisé. Grâce à lui, l’arrière-boutique gagne en capacité sans empiéter sur la surface de vente. Toutefois, l’installation d’un tel dispositif ne se fait pas sans une réflexion en amont, et les choix dépendront des besoins de l’officine ainsi que de sa configuration. « Pour chaque pharmacie, nous réalisons une extraction de leur fichier de ventes, afin de dimensionner leurs besoins. Ainsi, un robot pourra stocker 15 000 boîtes dans une officine mais seulement 9 000 dans une autre, car les besoins et aussi les références stockées diffèrent », expose Morgan Charlet.

Classiquement, un back-office dispose des traditionnelles colonnes à tiroirs. Pour des raisons pratiques, elles doivent rester à hauteur humaine et ne pas excéder 2,10 à 2,20 m de hauteur. En plus de leur emprise au sol, il faut également tenir compte de l’espace nécessaire à leur ouverture. « Au total, elles occupent entre 2,40 mètres et 2,60 mètres. Notre robot, lui, se limite à 1,48 m de largeur au sol. Nous gagnons donc déjà presque un mètre sur l’encombrement », détaille Morgan Charlet. Ce premier degré d’optimisation peut être poussé encore plus loin. Comment ? En tant qu’agenceur, ProExpace conseille, quand cela est possible, de mobiliser la hauteur sous plafond afin de limiter l’encombrement du robot, en ajoutant des volumes de stockage verticaux. À noter que la hauteur sous plafond peut également être utilisée pour créer des coursives ou des mezzanines, afin d’y stocker des produits supplémentaires lorsque la surface au sol vient à manquer.

Pour les pharmacies de grande capacité, il peut être intéressant d’envisager l’installation d’un robot équipé d’un chargeur automatique. Il y a toutefois un compromis à faire, car cette option impose de « prévoir un certain espace dans le back-office », prévient Philippe Plessis. Ici, il ne s’agit pas tant d’optimisations que de gain de temps pour les équipes. « Vous déversez l’ensemble des produits, même de nuit, et une lecture optique se charge de les ranger automatiquement. » Ainsi, cette étape habituellement chronophage mobilise moins l’équipe officinale. « Ce n’est pas ce qui vous fera gagner de la place, avertit Philippe Plessis. Mais cela signifie que le membre de l’équipe habituellement en charge du rangement n’a plus forcément besoin d’être assis ou d’avoir un poste de travail fixe », ce qui compense un peu la surface occupée par le chargeur automatique.

Délocaliser le stock permet de reculer les comptoirs et donc de gagner encore un peu plus de surface de front-office.

Délocaliser le stock

Les automates présentent un autre intérêt : celui de délocaliser le stock de médicaments. « Les colonnes à tiroirs sont souvent à proximité des comptoirs, car le pharmacien sait qu’il va souvent les utiliser. En revanche, un robot peut être installé à l’étage ou au sous-sol pour gagner en surface de vente et donc en chiffre d’affaires », avance Morgan Charlet. Les délocaliser permet, en outre, de reculer les comptoirs et donc de gagner encore un peu plus de surface de front-office.

Les fabricants tendent à imaginer des modèles plus ou moins adaptés aux différentes typologies. Meditech tire sa notoriété de son robot sur mesure MT.XL, mais son coût élevé limitait son accès aux petites et moyennes officines. Pour y remédier, l’entreprise a créé une gamme standardisée plus abordable, la MT.XS. Plus récemment, le fabricant a aussi présenté son nouveau produit baptisé Solitaire. Reste que toutes les officines n'ont pas les mêmes moyens financiers et qu’un robot représente un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Réorganiser le front-office

Il existe d’autres moyens d’optimisation moins coûteux. Déjà, les rangements traditionnels ne sont pas près de disparaître en back-office, où ils conservent toute leur utilité. « Nous avons toujours des demandes pour les colonnes à tiroirs, notamment pour les plus gros conditionnements », assure François-Xavier Crozet, directeur général de Rubex Pharma, entreprise spécialisée dans l’équipement de pharmacie. De son expertise, il ne fait aucun doute que le robot ne se substituera jamais totalement au mobilier traditionnel. « Nous n’abandonnons pas les colonnes à tiroirs, parce qu’il y a des boîtages qui ne sont pas adaptés. Et tout ce qui ne rentre pas, qui n'est pas sur prescription… tout cela se place dans du mobilier en épis, en front-office. » Car réorganiser l’espace de vente est, en effet, une autre manière d’optimiser les zones de rangement et de préparation. « Comme nous partons du principe qu’il faut réduire le back-office au profit du linéaire, il faut trouver des moyens afin de basculer ce qui s’y trouve dans le front-office », tranche Philippe Plessis. À plus forte raison pour les références à forte contenance.

Toute la difficulté consiste à ne pas empiéter sur la circulation dans l’officine, et une étude approfondie doit déterminer ce qu’il est possible de faire ou non dans un espace défini.

L’exemple le plus souvent cité n’est autre que celui du lait infantile. « C’est la galère par excellence, plaisante Philippe Plessis. Souvent, les pharmaciens le reçoivent par palettes – soit un gros volume – qu’ils ne savent jamais où mettre. » La solution que propose ProExpace à ses clients consiste à disposer l’ensemble du stock de lait, quand cela est possible, dans des linéaires de grande profondeur de 600 mm plutôt que de 300 mm. Une approche valable d’ailleurs pour toutes les références en front-office. En plus de libérer de l’espace en back-office, « cela demande moins de manipulations pour réapprovisionner les rayonnages. »

Pour ce qui est des cotopads, ProExpace préconise l’installation de colonnes dédiées. « Elles peuvent accueillir plus de stock et sont davantage visibles, ce qui aura tendance à augmenter les ventes de la pharmacie », indique Philippe Plessis. Dans ces cas, toute la difficulté consiste à ne pas empiéter sur la circulation dans l’officine, et une étude approfondie doit déterminer ce qu’il est possible de faire ou non dans un espace défini.

Une gestion intelligente des stocks

Les back-offices de pharmacie s’équipent également de rayonnages optimisés, tels que des racks légers spécialement conçus pour stocker des caisses complètes plutôt que des produits à l’unité. On y trouve aussi des systèmes de rangement en carton, comparables à des séparateurs de gondoles, qui délimitent clairement chaque référence. Ces casiers facilitent le repérage rapide et évitent le désordre. Ils rendent le stockage plus efficace, visuellement clair et accessible, même pour du personnel temporaire.

Les logiciels de gestion d’officine (LGO) ont également leur partition à jouer. Ils automatisent le suivi des stocks en temps réel, afin de limiter au minimum les ruptures et les surstocks. Ils analysent les ventes afin d’ajuster les commandes en fonction de la saisonnalité et des tendances. Ces outils centralisent les données fournisseurs et simplifient le contrôle des dates de péremption ainsi que la traçabilité des produits. Mis bout à bout, cela garantit une gestion plus intelligente des stocks et contribue à ne pas surcharger la pharmacie.

Le dilemme des armoires réfrigérées

Les nouvelles missions du pharmacien nécessitent de l’espace pour être réalisées dans de bonnes conditions. C’est le cas des médicaments thermosensibles, qui doivent être conservés entre 2 et 8 °C dans des armoires réfrigérées. Ces conditionnements s’ajoutent aux armoires à tiroirs et au robot. Or, ces besoins en réfrigération augmentent proportionnellement au nombre de vaccins à administrer. « Avant, une seule armoire de ce type suffisait. Aujourd’hui, les pharmaciens en ont besoin d’une deuxième, voire d’une troisième – on est passés de trois à onze vaccins obligatoires pour les enfants en 2018 », détaille François-Xavier Crozet. Pour lui, il y a un dilemme », les services augmentent alors que l’espace vient à manquer. « Il faut optimiser le rangement, bien sûr. Heureusement, des répartiteurs livrent deux à trois fois par jour selon les zones, et les laboratoires peuvent mettre en place des cadencements afin d’assurer une rotation régulière des stocks », avec des quantités moyennes plutôt que massives qui permettront de faciliter la gestion des produits en officine.


L. B.

Luc Breten

Source : Le Quotidien du Pharmacien