L’imagination au service de nos anciens

Bien accueillir les seniors à l'officine

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Publié le 27/01/2020

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Les agenceurs font de l’accueil des seniors un enjeu de mise en scène afin de répondre à plusieurs exigences contradictoires, leur apporter de la confidentialité sans les exclure du reste de la patientèle et donner de la chaleur à des offres parfois anxiogènes.

Accueillir les seniors dans une pharmacie est pour les agenceurs un travail peut-être un peu à part, tant cette clientèle pourtant importante pour les officines ne se traite pas de la même façon que le reste. Il faut « mettre en scène », « théâtraliser », « scénariser » tout ce qui concerne les personnes âgées. Ces termes dits par les agenceurs le suggèrent : on ne peut accueillir et s’adresser à ces patients et clients de façon directe, comme on peut le faire avec d’autres patients ou clients, les mamans et les bébés par exemple. Il faut rassurer, dédramatiser, créer des espaces pour les accueillir sans pour autant les exclure, voire les stigmatiser. Accueillir les seniors, c’est une affaire d’équilibre et de sensibilité, d’où la nécessité d’en faire un peu plus, d’imaginer et de créer des espaces répondant parfois à des exigences contradictoires.

A shop in the shop.

Évacuons d’emblée le sujet de l’accessibilité : les agenceurs ont intégré depuis longtemps l’obligation légale de tout commerce de proximité d’accueillir correctement les personnes à mobilité réduite, du parking jusqu’aux toilettes, en passant par les portes automatiques, tout est pensé désormais pour les PMR, et par conséquent pour les autres clients et patients qui ont des difficultés à se déplacer, momentanées ou pas. Le travail des spécialistes de l’agencement va être surtout de permettre aux personnes âgées d’identifier aisément les espaces qui leur sont ouverts, ou dédiés. Cela peut être simple, un comptoir avec un ou deux fauteuils, pas trop mous pour qu’elles puissent facilement s’en extraire, un comptoir modulable tel que le propose Média 6 Pharmacie, « capable de devenir un espace de confidentialité juste en faisant glisser une vitrine », comme l’explique Bernard Deniel, directeur de l’agenceur. Ou des petits éléments de confort judicieux. Bernard Deniel évoque l’exemple de ce pharmacien qui lui a demandé un repose canne, grâce à un trou aménagé dans le comptoir même. Cela peut aussi partir d’un espace classique, comme l’orthopédie qui peut le cas échéant servir d’accueil pour tous les seniors qui ont besoin de confidentialité. Mais l’idéal est un espace dédié, sans toutefois le couper du reste de l’officine. C’est le concept de « shop in the shop » sur lequel travaillent Média 6 Pharmacie et TH Kohl. « Un endroit pour accueillir bien sûr, mais aussi un accès direct sur cet espace, une cabine, sans être obligé pour la personne âgée de devoir repasser par l’espace de vente », commente Franck Nicolle-Conan, directeur régional de l’agenceur. « Et montrer que ça existe… » pour sa part, Bernard Deniel préconise de ne pas se retrouver dans des espaces fermés, « il faut évidemment ne pas être à côté des autres patients, mais pas non plus les mettre de côté. »

Le piège de l’espace

Tout dépend évidemment de l’espace dont disposent les officines. En toute logique, plus elles sont grandes, meilleur sera l’accueil des seniors. Mais attention, il y a quand même un piège auquel il faut faire attention, avertit David Van Acker, directeur général de Mobil M. « Les personnes âgées risquent de se perdre dans les pharmacies de plus en plus grandes, il faut veiller à garder un accueil intact et une vraie chaleur dans ces grands espaces, cela passe par la formation des équipes officinales, mais aussi par la gestion des files d’attente et pourquoi pas une salle d’attente », explique-t-il. « Une pharmacie à Toulouse en a créé une, et cela a renforcé la fidélité de ses patients seniors. » Un système de gestion d’accueil avec des cartes attribuées à des personnes en fragilité peut également être mis en place afin de les traiter en priorité. Mais ces grandes officines, les plus grandes en tout cas, offrent aussi beaucoup de possibilités, aménager plusieurs espaces différents, et pourquoi pas, des appartements témoins mettant en scène le MAD, ainsi que l’évoque Bernard Deniel.

Pour ces officines comme pour les plus petites, l’enjeu reste de dédramatiser tout ce qui est lié aux aspects les plus difficiles de l’âge. D’où la nécessité de « mettre en scène » ce qui peut paraître anxiogène, à commencer par le MAD. « Plutôt que les aligner n’importe comment, il faut bien les placer, les mettre en valeur, dans des niches par exemple, et permettre aux patients de les toucher », explique Bernard Deniel. « Il faut les scénariser, et scénariser, c’est mettre en valeur un produit », précise pour sa part Joris Bloyet, Président de JBCC. « C’est utiliser le mobilier pour sublimer le produit, un peu à l’image du luxe », ajoute-t-il. Certes, un déambulateur aura toujours moins de charme qu’un sac Vuitton, mais le principe est le même, utilisable y compris dans les petites officines, où l’optimisation de l’espace peut permettre de placer un seul produit au bon endroit, avec un complément par le biais d’écrans, tactiles ou pas. Ajoutons à cette théâtralisation de l’offre la variété des possibilités utilisées par les agenceurs avec les matières, les couleurs, l’éclairage et on peut donner ainsi une certaine chaleur aux produits les plus anxiogènes.

Les mots pour le dire.

Il reste aussi à utiliser les mots justes pour assurer une bonne signalétique, surtout ne pas indiquer « d’espace senior », comme on peut parler d’un espace phyto ou d’un espace maman bébé. « Certaines pharmacies aiment un peu de prose pour qualifier ces espaces, et pour les seniors, cela peut être « pour vivre une retraite en confort », ou « accompagner nos anciens », suggère Joris Bloyet. Ou à défaut, parler directement d’orthopédie ou de MAD. Par moment, il faut savoir se contenter des vrais mots.

Hakim Remili

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