Durement concurrencées par des réseaux et groupements de pharmacies de plus en plus puissants, soumises aux baisses du prix du médicament, contraintes à de lourds investissements pour pouvoir réaliser les nouvelles missions, les petites officines s'inquiètent pour leur avenir.
Réalisée par Fiducial et l'IDRAC Business School, école de commerce présente sur neuf campus du pays, une étude s'est intéressée aux conditions de réussite et d'échec des pharmacies indépendantes en France, en Belgique et en Italie. Alors que dans ces trois pays, le modèle économique traditionnel des pharmacies, « est aujourd’hui en fort déclin », note le rapport, les plus fragiles d'entre elles subissent de plein fouet la restructuration du secteur. Les entretiens qui ont nourri ce travail donnent un aperçu du ressenti de pharmaciens installés dans ces trois pays qui présentent des caractéristiques différentes, mais partagent aussi quelques points communs. En France, comme chez nos voisins, l'âge d'or de la pharmacie a vécu et les « indépendants » doivent faire preuve d'une grande capacité d'initiative et d'adaptation pour espérer survivre.
En Belgique : résister à la guerre des prix de Médi-Market
Depuis deux décennies, la Belgique perd, chaque année, entre trente et cinquante officines. Une tendance de fond qui s'est accélérée sur la période récente, marquée par l'avènement, en 2009, de Médi-Market, le premier « supermarché de la santé ». Tablettes tactiles en libre accès pour offrir aux patients des informations sur les traitements, machines capables de réaliser en quinze minutes un test de peau pour diagnostiquer le vieillissement cutané́ et les soins acnéiques, possibilité de s’entretenir gratuitement, en officine, avec des diététiciens, des esthéticiens, ou encore des naturopathes… Difficile de rivaliser avec une entreprise à la palette de services aussi large et qui mène une guerre des prix insoutenable pour des officinaux indépendants. Surtout dans le pays qui dispose du réseau le plus dense de l’Union européenne, après la Grèce, avec près de 5 000 officines pour environ 11 millions d'habitants.
Les pouvoirs publics belges ont donc décidé, via un moratoire reconduit jusqu'à cette année, de « stabiliser le nombre maximum d'officines autorisées, pour limiter le nombre de concurrents ». Un an après l'arrivée de Médi-Market, les autorités du plat pays avaient déjà choisi de « forfaitiser » la marge du pharmacien sur les médicaments délivrés sur ordonnance. Rémunérés depuis 2013 pour certains actes de conseil et de suivi, les pharmaciens indépendants belges s'estiment tout de même « en danger ». De plus, comme le déplore l'étude, « leurs stratégies pour résister ne relèvent pas d’une action collective », notamment à grande échelle. Toutefois, lorsque la concurrence est « mesurée », et surtout si aucun Médi-Market ne se trouve aux alentours, certains indépendants parviennent à dégager des bénéfices, parfois « exceptionnels ». Une preuve que le modèle, encore ultra-majoritaire en Belgique, n'est pas totalement mort, même si la réussite passe par « des économies d'échelle » et requiert une « augmentation du volume d'activité ». Comme beaucoup de leurs confrères français, les indépendants belges tentent aussi de développer des stratégies pour attirer de nouveaux patients, en s'appuyant notamment sur la qualité du conseil et un suivi individualisé.
En Italie : des subventions pour les pharmacies rurales
Longtemps dominé par un modèle familial, le secteur de la pharmacie d'officine italien a vu sa situation concurrentielle se détériorer « considérablement » depuis le début des années 2000. Alors que 10 % des pharmacies transalpines sont détenues par les communes, plusieurs grandes villes, essentiellement dans le nord du pays, ont « cédé une partie majoritaire du capital à des sociétés privées spécialisées », note le rapport. Phoenix, LloydsPharma ou Celesio rassemblent parfois jusqu'à 90 officines et ne sont pas les seules structures contre lesquelles les indépendants doivent lutter. Les pharmacies hospitalières du pays sont autorisées depuis plusieurs années déjà, à vendre au grand public des médicaments sur prescription, en profitant d'un abattement de 50 % qui leur permet de mettre en place des politiques tarifaires difficiles à contrer.
À cela, est venue s'ajouter la possibilité pour des grandes surfaces et des boutiques spécialisées de proposer des médicaments en vente libre, des produits parapharmaceutiques et même certaines spécialités de prescription médicale obligatoire non remboursables. Les régions ont aussi la possibilité d'acheter « directement aux fabricants certains médicaments, souvent les plus coûteux ». Dans ce cas, les pharmacies d'officine, qui ont la charge de les distribuer aux citoyens, ne jouent plus alors « qu'un rôle d'intermédiaires et ne touchent plus que quelques euros par médicament vendu ». Sans surprise, tous ces changements ont fait baisser « de manière significative » le chiffre d'affaires de nombreux indépendants. Comme l'anticipe l'étude, toutes ces mutations vont « bouleverser le paysage pharmaceutique italien », avec sans doute l'arrivée de nouveaux investisseurs, peut-être issus de la grande distribution. En attendant, pour permettre à des territoires isolés de ne pas se retrouver dépourvus d'officine, des subventions pouvant atteindre 20 000 euros chaque année sont accordées par les pouvoirs publics régionaux à certaines pharmacies si leur chiffre d'affaires n'atteint pas un certain seuil. Une mise sous perfusion déjà suggérée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) pour les officines les plus fragilisées de l'Hexagon
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion