Omicron oblige, les patients immunodéprimés ou à risque de forme grave de Covid, ou encore les personnes dont l'organisme est incapable de produire des anticorps suite à la vaccination peuvent retirer dans les pharmacies 20 masques FFP2 pour deux semaines et 50 pour cinq semaines. Environ 230 000 assurés pourront bénéficier de cette nouvelle mesure dont les modalités ont été publiées au « Journal officiel » du 2 février. Soit une dizaine de patients par pharmacie.
Les officinaux peinent à cacher leur déception. « Nous pensions qu'il y aurait un transfert de la distribution des masques chirurgicaux - distribués aux personnes fragiles N.D.L.R.- sur les FFP2 », réagit Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Ce volume très faible change en effet considérablement la donne. En matière d'approvisionnement, de prix et de marge, pour des produits qui, rappelons-le, ne sont pas issus du stock État. Dans les conditions de prise en charge par l'assurance-maladie, le tarif unitaire du masque FFP2 est fixé à 0,40 euro HT. Les officinaux seront par ailleurs rémunérés 1 euro HT pour une délivrance de 20 masques pour deux semaines ou pour une délivrance de 50 masques pour cinq semaines. Pour Alain Grollaud, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, l'objectif de cette mesure était de s'aligner sur l'honoraire de dispensation à 1 euro.
Subventions chinoises
De quoi doucher les espoirs d'une marge rémunératrice. Selon les sources, un FFP2 d'origine chinoise permet de dégager un bénéfice moyen de 15 centimes, soit environ trois fois plus que son équivalent français. « Il aurait fallu fixer le tarif de la prise en charge à 60 centimes, cela aurait permis de garantir une marge sur les masques français », regrette Pierre-Olivier Variot. Une estimation qui rejoint celle de Christian Curel, PD-G de Prism et président du syndicat des fabricants français de masques (F2M), qui dénonce les effets de dumping des subventions du gouvernement chinois depuis avril 2021. « Avec l'augmentation de 500 % des coûts de fret, les FFP2 chinois devraient être entre 1,5 et 2 fois plus chers qu'en 2019. Or c'est l'inverse qui se produit et ce en dépit de la hausse du prix du pétrole ! »
Premier paradoxe, alors que la situation sanitaire des personnes ciblées requiert des produits de qualité, il est quasiment impossible aux pharmaciens, dans ces conditions tarifaires, de s'assurer un approvisionnement français. D'autant plus que le nombre réduit des patients concernés ne permet pas de gros volumes d'achat, insiste Pierre-Olivier Variot. De plus, le réseau officinal ne peut compter sur le port du FFP2 en population générale pour additionner les ventes. Car, à la différence de l'Italie qui l'a rendu obligatoire dès avant Noël dans les transports publics, les cinémas, les musées et les théâtres, de l'Autriche, ou encore de l'Allemagne où il est également imposé dans les commerces, les restaurants et les bibliothèques, le FFP2 reste facultatif en France. Il est uniquement préconisé pour des catégories de professionnels (voir ci-dessous). La ruée sur les FFP2 qu'avaient connue les pharmacies et la GMS fin 2021 et début janvier est déjà un lointain souvenir. Selon le cabinet Nielsen, il s'était écoulé, sur la seule période du 13 décembre au 16 janvier, 18 millions de masques FFP2 en GMS pour un chiffre d’affaires de 5,8 millions d’euros.
On est désormais loin de cet engouement provoqué par l'arrivée d'Omicron. Les ventes en pharmacie, tout comme en GMS, ne cessent de s'infléchir, tandis que les fabricants français baissent à nouveau leur cadence de production. Résultat, la taille de ce marché ne permet pas d'offrir au client le choix de la provenance. Contrairement aux masques chirurgicaux, comme le précise Laurent Filoche. « Pour ces produits dont les volumes de commandes sont très importants, expose le président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO), la différence de prix entre un masque français et un masque chinois est infime : 4,2 centimes contre 3 centimes en moyenne. » « Nous faisons en sorte que les pharmaciens puissent travailler. Même si nous avons conscience qu'on ne pourra jamais avoir une marge importante sur ce genre de produits qu'est le FFP2 », concède Christian Curel.
Une souveraineté recouvrée ?
Bien entendu, l'industriel défend la qualité des produits hexagonaux. Mais au-delà, il insiste sur la valeur ajoutée de la production française. Un FFP2 made in France est certes plus cher à l'achat* qu'un masque chinois, mais « son empreinte carbone est 20 fois moins élevée, et 70 % de sa valeur est redistribuée en France, contre 15 % seulement pour un produit équivalent d'importation », rappelle le président d'une industrie qui dénombre aujourd'hui plus de 20 fabricants. Alors qu'elle ne comptait plus qu'un seul producteur de masques FFP2 lors du premier confinement, la filière s'est rapidement restructurée avec plus de 100 millions d'euros d'investissements et de 10 000 emplois, dont de nombreux postes non qualifiés.
Alain Grollaud ne manque pas de souligner le second paradoxe de l'arrêté du 1er février. « L'État nous plafonne le tarif de la prise en charge du FFP2 et, en même temps, il nous incite à privilégier un approvisionnement français. » En effet, le gouvernement semble aujourd'hui oublier qu'il avait lui-même réquisitionné le seul fabricant en 2020 et appelé de ses vœux le renouveau d'une filière française.
Vœu exaucé, selon Christian Curel, qui avance une capacité de production moyenne de 20 millions de masques FFP2 par semaine. « On pourrait monter à 40, voire 50 millions par semaine en passant aux 3/8, voire aux 5/8 ! », affirme-t-il. Sans compter poursuit-il, que ces mêmes fabricants sont en passe de relancer la production de gants, de surblouses, de surchaussures et de charlottes. De quoi assurer l'autonomie de l'Hexagone en matière d'EPI !
Sans aller jusqu'à miser sur la survenue d'une prochaine pandémie, Christian Curel estime que le port du masque devrait se généraliser, en tant que produit de grande consommation, comme protection contre les virus de l'hiver.
* Le F2M demande que le taux de TVA à 5,5 % prorogé jusqu'au 31 décembre 2022, soit pérennisé.
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