Le 17 décembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) annonçait la sortie du libre accès, au 15 janvier, des spécialités contenant du paracétamol, de l’ibuprofène et de l’acide acétylsalicylique, d’une part, et de l’alpha-amylase, d’autre part.
La presse grand public a fait ses gros titres sur ces médicaments qui « ne seront plus en libre-service » ou vont passer « derrière le comptoir ». Résultat : les pharmaciens ne comptent plus les patients induits en erreur qui ont compris que ces spécialités ne seraient plus disponibles que sur ordonnance. Pour accompagner les confrères, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a mis à leur disposition des affichettes explicatives à l’intention des patients. En quelques phrases, le syndicat détaille les molécules retirées du libre accès avant de conclure par : « Ces médicaments seront toujours délivrés sans ordonnance médicale. Demandez conseil à votre pharmacien ».
La communication se complique lorsque la réforme, d’apparence simple, soulève des questions y compris chez les pharmaciens les mieux informés. C’est le cas des nouvelles règles du non substituable (NS) appliquées depuis le 1er janvier. À chaque utilisation de la mention NS, les médecins doivent désormais la justifier par l'une des trois options prévues.
Le casse-tête du tiers payant
Outre l’opposition affichée par nombre de médecins à ces nouvelles règles et le mot d’ordre de certains de leurs syndicats pour ne pas les mettre en œuvre, le pharmacien est confronté à l’incompréhension des patients. Les uns craignent de ne plus être remboursés s’ils refusent le générique, d’autres pensent que les médecins ne peuvent plus utiliser la mention NS. Si ces interrogations trouvent facilement une réponse au comptoir, ce n’est pas le cas en ce qui concerne l’application du tiers payant aux ordonnances émises avant le 31 décembre dernier. Ainsi, pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la pratique du tiers payant reste possible comme c'était la règle jusqu'au dernier jour de 2019. Mais pour l’USPO, la prudence prévaut : pour éviter tout indu ou rejet par les caisses primaires, le syndicat préconise dans ce cas de ne pas appliquer le tiers payant. Le patient doit effectuer lui-même la démarche de demande de remboursement auprès de l’assurance-maladie et sera remboursé sur la base du prix du princeps. Interrogée par « Le Quotidien », la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) a confirmé que les règles antérieures devaient être appliquées à toute ordonnance émise en 2019 et toujours valable en 2020. Reste à savoir si le message est bien passé aux caisses primaires…
Le NS soulève d’autres questions chez les professionnels de santé. Exemple : quels médicaments justifient la mention NS pour contre-indication formelle et démontrée (NS CIF) ? Pour y répondre, les administrateurs du groupe privé sur Facebook « Pigeons Pharmaciens » ont établi une liste « non officielle » des 13 présentations pour lesquelles le princeps ne contient pas d’excipient à effet notoire contrairement à tous ses génériques. Informé de l’existence de ce type de listes, le président de la FSPF, Philippe Besset a appelé les pharmaciens à « ne pas en tenir compte » et à « respecter la mention NS CIF apposée par le médecin ». Dans une circulaire diffusée vendredi dernier, la FSPF renvoie les officinaux au répertoire des médicaments génériques. « Si le pharmacien est absolument certain que le générique ne contient pas d’excipient à effet notoire et souhaite le dispenser malgré la présence de la mention NS CIF, il s’engage dans une intervention pharmaceutique et doit donc téléphoner au médecin », ajoute-t-il.
Invisibles honoraires
Parmi les réformes importantes de la profession qui ont fait l’objet d’une large communication, la généralisation de la vaccination antigrippale à l’officine au 15 octobre dernier a également rencontré l'incompréhension du grand public. Les pharmaciens sont pléthore à rapporter que des patients hors cible ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent être vaccinés à l’officine. Par conséquent, les officinaux ont dû expliquer, d’une part que toutes les pharmacies ne vaccinent pas, et d’autre part que tous les patients ne sont pas concernés. En cas d’hésitation, les pharmaciens peuvent se référer aux outils fournis par le CESPHARM : un document professionnel très complet sur le sujet et des affichettes à exposer dans l’officine.
Autre source de méprises : la réforme de la rémunération n’a pas fini de faire parler les patients. Sujet par essence complexe (même par les professionnels), il est difficile à appréhender par un public non averti. En septembre dernier, une internaute avait ainsi fait part de sa surprise sur le groupe Facebook La France en colère, en découvrant que les pharmacies appliquaient des honoraires de dispensation remboursés par l’assurance-maladie. La mise en place des honoraires date de 2015 mais reste mal connue du grand public, malgré l’obligation d’apposer dans l’officine une affichette explicative et détaillant les différents honoraires. Pourtant, pour le patient, ces honoraires ni opaques, ni plus coûteux pour le patient, apparaissent au contraire plus clairement que la marge commerciale sur les médicaments.
Enfin, la dispensation protocolisée, inscrite dans la loi santé du 24 juillet 2019, est souvent confondue par le grand public avec un droit de prescription pour le pharmacien. Cette nouvelle disposition devrait entrer en vigueur en avril, les protocoles étant en cours de rédaction et la liste des pathologies concernées incomplète. Il s’agit bien d’une dispensation sous protocole inscrit dans le cadre d’un exercice coordonné, concernant une liste de médicaments définie et une liste de pathologies précise fixées par arrêté après avis de la Haute Autorité de santé (HAS). On est loin d'un blanc-seing pour la prescription officinale.
Avec le développement des nouvelles missions à l’officine, nul doute que les sujets d’incompréhension pour le grand public vont se multiplier. Le pharmacien pédagogue a du pain sur la planche.
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