Symbole des nouvelles missions des pharmaciens, les entretiens pharmaceutiques anticancéreux oraux, stoppés net par la pandémie du Covid-19, n'ont hélas pas encore trouvé leur public. Or, pour Philippe Minighetti, docteur en pharmacie et formateur chez Christine Caminade Conseil, il n’y a pas de temps à perdre. « En France, le cancer touche 400 000 nouvelles personnes par an et fait 150 000 victimes annuelles. Ces patients, ils ont besoin de vous ! Ils sont portés à bout de bras par notre soutien », souligne-t-il, rappelant que ces entretiens, au-delà d’accompagner les patients tout au long de leur traitement, les aident aussi à conserver un lien humain dont ils ont désespérément besoin.
Un soutien psychologique indispensable
Car en plus d’attaquer le corps, le cancer empoisonne aussi l’esprit, fragilisant psychiquement les malades. Les traitements par voie orale sont difficiles à supporter et demandent une volonté de fer, et ce pendant de longues années. « 50 % des patients atteints de cancer arrêtent leur traitement après 2 ans par manque de motivation, de discipline et d’accompagnement, sachant qu'il faut souvent 5 ans de traitement pour espérer une guérison », rappelle Christine Caminade, fondatrice de l'organisme de formation éponyme. Le pharmacien, qui est de loin le contact le plus accessible pour le patient, par rapport à l’oncologue ou l’hôpital, est donc en meilleure position pour le soutenir, l'informer et l'accompagner.
Des compétences précieuses
Les entretiens cancers en pharmacie peuvent être proposés aux patients âgés de plus de 18 ans sous chimiothérapie orale. Ils sont divisés en plusieurs entretiens. Tout d’abord un entretien initial, durant lequel le pharmacien recueille les informations générales sur le patient, lui présente les règles de prise de son traitement et évalue son ressenti par rapport à ce dernier. Puis, deux entretiens thématiques ( « difficultés rencontrées dans la vie quotidienne en lien avec le traitement » et « observance » ) consacrés respectivement aux éventuels effets indésirables auxquels le patient est confronté au quotidien et à l’observance du traitement pour, par exemple, détecter précocement les complications liées à sa prise.
L'importance de la formation
S’il n’est techniquement pas obligatoire d’être formé pour mener à bien ces entretiens, c’est un aspect particulièrement important pour Christine Caminade, tant sur le plan technique qu'empathique : « Il faut se former pour être capable de réagir aux questions ou allégations des patients, dont certains sont dans une grande détresse. Maintenir une écoute attentive, savoir quelle attitude adopter, trouver les mots justes pour rassurer le patient et avoir les connaissances nécessaires pour le convaincre n'est pas à la portée de tous. » Un équilibre parfois difficile à tenir, où le pharmacien doit faire preuve d'empathie et de bienveillance, tout en restant dans son rôle de professionnel de santé. Heureusement, de précieux outils (comme le guide d'accompagnement et fiche de suivi patient sur le site de l'assurance-maladie, l'« Oncoguide » du groupe Pierre Fabre, ou les fiches Oncolien de la Société française de pharmacie oncologique) sont à la disposition des équipes officinales.
« Formez-vous, apprenez le sujet, et vous aurez une crédibilité totale, non seulement aux yeux du patient, mais aussi des autres professionnels de santé. Les oncologues ont une très bonne image des pharmaciens d'officine », affirme Philippe Minighetti, qui insiste particulièrement sur l'interprofessionalité, dont font partie intégrante les entretiens cancers : « Il s'agit d'un parcours complexe, où le patient fait face au pharmacien, mais aussi à son médecin, des infirmières, des oncologues… Il faut s'assurer de la diffusion d'un message unique entre tous ces interlocuteurs. »
Rendre service
Avec les entretiens cancers, les pharmaciens peuvent améliorer la qualité des soins et de vie de leurs patients, en réduisant les effets secondaires des traitements et en offrant un soutien psychologique. Mais ils peuvent aussi, grâce à leur travail d'informateur, rendre ces mêmes patients autonomes, en les transformant en des acteurs à part entière de leur traitement. Une activité certes difficile et chronophage, mais gagnante pour tous : les patients, les pharmaciens et la société dans son ensemble.
D'après une conférence de Christine Caminade Conseil lors du salon PharmagoraPlus 2023.
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