La dispensation en ville de chimiothérapies orales est de plus en plus fréquente. Or une étude menée par Dominique Charlety (pharmacien, CHU de Grenoble) auprès de 73 pharmacies de ville montre que les officinaux sont très souvent confrontés à des difficultés lors de ces délivrances, et peu informés par l’hôpital.
Selon cette étude, les principales chimiothérapies orales délivrées en ville sont la Capécitabine (Xeloda), l’Imatinib (Glivec), l’Erlotinib (Tarceva) et le Cyclophosphamide (Endoxan). Devant de telles prescriptions hospitalières, les officinaux n’hésitent pas à se renseigner sur le traitement, en consultant des banques de données (82,2 %), le Vidal (71,2 %), les laboratoires (39,7 %), la littérature (41,1 %) ou les grossistes répartiteurs (19,2 %). En revanche, ils sont peu nombreux (14 %) à prendre contact avec le médecin prescripteur, ou à être contactés par ce dernier (10 %). « Toutefois, les pharmaciens déclarent énormément apprécier lorsque l’hôpital leur adresse, par courrier ou par mail, les coordonnées du prescripteur », évoque Dominique Charlety.
Par ailleurs, l’étude relève que 82 % des officinaux reconnaissent être confrontés à des difficultés lors de la dispensation de ces ordonnances particulières : indisponibilité de produits, besoin de vérifier une posologie, une interaction médicamenteuse, savoir si le prescripteur accepte de substituer le princeps (dans le cas de la capécitabine notamment). Ils regrettent de ne pas être tenus au courant des protocoles mis en place à l’hôpital et de ne pas être prévenus, en amont, des produits prescrits en ville (par mail, par le DP, par téléphone), ce qui leur permettrait d’anticiper l’approvisionnement des médicaments demandés.
Des expérimentations régionales
Pour améliorer la communication ville-hôpital, plusieurs structures hospitalières ont initié des expérimentations. Notamment, les Hospices Civils de Lyon ont créé Oncoral, une plateforme de suivi ambulatoire pour les patients sous anticancéreux oraux. 200 patients y sont inscrits. « Lors du passage en ville, l’hôpital adresse une lettre de la liaison au pharmacien d’officine, et s’assure de la disponibilité du médicament. Chaque patient dispose d’un livret de liaison ville hôpital, qui comporte des fiches personnalisées sur les médicaments pris, sur les effets indésirables, sur les interactions médicamenteuses et sert de support à l’évaluation de l’observance faite conjointement avec l’hôpital et le pharmacien d’officine », détaille Catherine Rioufol (pharmacien, CHU de Lyon). De plus, Oncoral propose une plateforme téléphonique. « À ce jour, un patient sur 3 et un pharmacien sur 10 l’utilisent pour gérer une difficulté », poursuit la pharmacienne.
Le programme Oncoral rapporte également que les patients traités par anticancéreux oraux sont très polymédiqués, prenant en moyenne 9,2 médicaments (antalgiques, psychotropes, médicaments pour le système cardiovasculaire). Mais aussi, deux patients sur 5 ont recours aux médecines alternatives pour améliorer leur état général, gérer un effet secondaire, etc. « Il faut être très vigilant car certaines de ces substances - complément ou phytothérapie - interagissent avec les anticancéreux », avertit Catherine Rioufol. Et le pharmacien d’officine, à qui se confie plus volontiers le patient, est le premier averti de ces informations capitales. D’où son importance dans le parcours de soins.
Oncoral a d’ailleurs permis de redresser la barre plusieurs fois, grâce à l’intervention conjointe ville/hôpital. Pour 4 patients sur 5, la plateforme a permis d’éviter une conséquence potentiellement grave, notamment des interactions médicamenteuses avec un IPP, des AVK ou des produits de phytothérapie.
La conciliation médicamenteuse
Autre expérimentation : celle menée au CHU de Nîmes, qui dispose depuis novembre 2013, d’une équipe transversale de 13 pharmaciens cliniciens et 5 internes. Cette équipe réalise, lors de l’entrée et de la sortie hospitalière des patients cancéreux, des conciliations médicamenteuse. « Ces dernières ont pour objectif de détecter et corriger les erreurs sur les ordonnances d’entrée et de sortie du patient, commente Florent Dubois (Pharmacien, CHU de Nîmes). Cette conciliation est importante, car on sait que 67 % des historiques médicamenteux des patients comportent une ou plusieurs erreurs. Nous avons également mis en place une messagerie sécurisée pour 53 pharmacies d’officine, afin de fluidifier le transfert des informations ». Une étude réalisée sur plus de 1 000 patients a montré que la conciliation à la sortie couplée à la communication des informations au pharmacien d’officine diminuerait de 22 % le nombre d’erreurs patient à la sortie, ainsi que de 32 % le nombre de ruptures thérapeutiques.
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