Une meilleure formation des pharmaciens sur les échanges avec le patient, un agencement des officines mieux adapté, une évolution des capacités de communication des pharmacies… Voici quelques-unes des conclusions issues des fructueux échanges, menés par le président de l'AEGPR, Jean Michel Mrozovski.
Comment répondre aux besoins des patients ? Une question simple aux réponses multiples tant les besoins des patients sont nombreux et parfois contradictoires. « Les patients ont des profils très hétérogènes avec des attentes différentes. Il faut à la fois satisfaire ceux qui veulent avant tout une expérience de consommation, avec du prix, du choix, de la rapidité, et ceux désirant échanger avec un professionnel de santé », déclare Xavier Mosnier-Thoumas, pharmacien et co-fondateur de MeSoigner.
L'agencement idéal ?
Mais pour aider les patients, la pharmacie doit se transformer : « une pharmacie doit pouvoir accueillir tout le monde, y compris les handicapés, les malades, ou même les agoraphobes. L'accessibilité et la présence de lieux isolés dédiés à l'information et l’échange sont très demandés par les patients. Les pharmaciens se saisissent-ils du sujet ? », demande Valentin Legrand, pharmacien d'officine et ancien vice-président en charge des perspectives professionnelles à l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF).
L'agencement de l'officine, qu'il soit esthétique (luminosité moins agressive, matériaux écoresponsables, accessibilité) ou pratique (espaces de confidentialité, rayons mobiles) est aussi un paramètre indispensable dans la capacité de la pharmacie à accueillir ses patients.
L'importance de la prévention
L'échange avec ces derniers, n'est pas encore assez répandu : « nous avons beaucoup de cours et de formation sur la prévention, mais sans avoir forcément l'occasion de les appliquer », constate Maxime Delannoy, président de l'ANEPF, qui réaffirme l'engagement des étudiants sur ce sujet. Il souligne que c'est justement en insistant sur la prévention que des pays comme le Danemark et la Finlande ont dépassé la France en termes de qualité des soins rendus.
Françoise Alliot-Launois, présidente de l'Association française de lutte anti-rhumatismale (AFLAR), l'assure : « les patients attendent des échanges plus riches avec leur pharmacie, mais la majorité pense que le pharmacien n’attend rien d’eux. Le pharmacien n'évolue pas dans un contexte favorisant ces interactions avec le patient. » Des échanges qui, via l'observance thérapeutique qui en découle, sont indispensables à la bonne santé du patient. Selon l'OMS, 60 % d'entre eux ne prennent pas bien leurs médicaments, voire arrêtent leurs traitements en plein milieu*. « Les patients, surtout les malades chroniques, ont besoin de cet accompagnement car ils sont très fragiles mentalement. Réinventez l’espace, faites rêver vos malades pour qu’ils retrouvent ce pôle de santé et ce pôle d’écoute qu’ils désirent tant ! »
Au préalable, communiquer
Pour ce faire, il faut en parler. Or « les compétences du pharmacien sont floues aux yeux des patients qui ne savent pas désigner leurs missions. Cette méconnaissance doit être corrigée », affirme Françoise Alliot-Launois. Jacques Bonte, pharmacien et consultant pour l'industrie, partage l'anecdote d'une pharmacie ayant installé une cabine de téléconsultation. « Beaucoup de gens y ont accès, mais le ne savent pas car aucune publicité n'est faite et ne peut être faite. Il faut libérer la parole du pharmacien pour lui permettre de communiquer plus aisément sur les services qu'il offre, afin que les patients puissent se diriger dans la pharmacie qui leur convient en toute connaissance de cause. » Un avis partagé par l'assistance.
Une santé communautaire
Pour mener à bien ces entretiens, beaucoup reste donc encore à faire. Si les formations théoriques sont nombreuses, rien n'est écrit dans le marbre. « La 1re fois, l'accompagnement du pharmacien est important. Son expertise est un critère de valeur, affirme Luc Besançon, délégué général de NèreS. Mais au fur et à mesure de l'évolution et de l'amélioration des connaissances du patient, ce n'est plus l'expertise du pharmacien qui sera le critère principal de la valeur ajouté et de l'utilité thérapeutique des entretiens, mais ses qualités d'écoute et d'échange. »
Pour Antoine Prioux, pharmacien dirigeant d'une maison de santé ambulatoire en Corrèze, « le meilleur moment, c’est lorsqu'on est en face du patient, que les langues se délient et qu’on peut partager ce qu’on pense, ressent ou sait. Ce modèle de santé communautaire, c'est l'avenir ».
C'est peut-être le professeur émérite à l’université Sorbonne Paris-Nord (endocrinologue-diabétologue), Gérard Reach, qui résume le mieux cette santé communautaire : « la médecine est très asymétrique aujourd’hui. La technicité a pris le dessus sur l'humanité. Or c'est en mettant l'accent sur cette humanité et en créant une médecine de rencontre et de conversation que l'on aidera le mieux les patients ».
Car l’entretien pharmaceutique est, avant tout, une conversation. Et c'est au final la capacité du pharmacien à construire et faire évoluer sa relation avec le patient, plus que son expertise médicale propre, qui permettra à l'officine d'être un lieu de premier recours adapté.
* Sabaté E, World health organization, editors. Adherence to long-term therapies : evidence for action. Geneva : World health organization ; 2003.
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