Une quarantaine de pharmaciens d'officine de Caen et des environs (Calvados et Basse Normandie) sont engagés dans un programme d'éducation thérapeutique (ETP) pour des malades soignés par une chimiothérapie anticancéreuse par voie orale. L'agence régionale de santé (ARS) a autorisé le programme, baptisé Pretora, et les premiers malades ont été pris en charge dans le pays de Saint-Lô (Manche), depuis mai dernier.
« Je pratiquais l'éducation thérapeutique depuis plusieurs années, en diabétologie, rappelle Thomas Mauny, pharmacien à Caen, et co-coordinateur du programme. L'Institut national du cancer a lancé, en 2015, un appel à projets innovants en matière de relations ville-hôpital. L'ETP fonctionne bien ici dans le cadre de l'Espace régional d'éducation thérapeutique (ERET Basse Normandie), qui est financé par l'ARS. À l'initiative de l'hôpital, j'ai donc été chargé d'élaborer un programme pour répondre à cet appel à projets. »
L'éducation thérapeutique a pour objectif d'aider le patient à mieux comprendre sa maladie et son traitement, par des ateliers collectifs (6 à 8 personnes), et/ou des entretiens plus individuels.
Définir un objectif thérapeutique
« Dans le cas d'un traitement anticancéreux, la chimio est proposée au patient par le médecin oncologue, avec un projet d'ETP, explique le confrère. Lorsque le patient est décidé, son traitement lui est délivré par son pharmacien habituel, et l'ERET le dirige vers un professionnel formé de son territoire de vie. » Les « Prétoriens », comme ils s'appellent, sont environ soixante-dix : médecins, pharmaciens, infirmiers, diététiciens, pédicures, éducateurs sportifs.
De façon concrète, l'ETP se propose d'expliquer au patient sa maladie et les contraintes qui en découlent, de gérer son traitement au quotidien, d'adapter son traitement antalgique selon le besoin, de dépister les signes cliniques d'effets indésirables, de prévenir ou de gérer ces effets.
« Notre démarche consiste à connaître la vie du patient, sur le plan psychosociologique, ce qu'il sait ou croit savoir de sa maladie, quel est son environnement professionnel, poursuit Thomas Mauny. Cela permet de déceler les freins à la prise en charge, de dresser une synthèse de ces facteurs limitants pour définir un objectif thérapeutique. Un plan est dressé qui définit les actions, le parcours du patient, puis l'évaluation. »
Six ateliers
Six ateliers, maximum, sont proposés au patient. Ils abordent la compréhension de la maladie et du traitement, leurs contraintes, mais aussi l'alimentation, l'activité du patient, ses besoins d'accompagnement pour reprendre son travail, des démarches à effectuer, ou encore la façon de parler de la maladie aux proches. Le professionnel de santé a établi un bilan éducatif au départ, et fera un bilan de fin de parcours.
« Cette "auto-chimio" cristallise bien le lien ville-hôpital, c'est passionnant pour les pharmaciens, affirme Thomas Mauny. Derrière la prise en charge d'un malade cancéreux, il y a beaucoup de choses, et notamment une posologie très complexe. Peu d'oncologues se sont décidés au départ, parce que l'éducation thérapeutique est une approche peu conventionnelle. Beaucoup de médecins la voient de loin et ne la jugent pas très utile. Mais ils sont beaucoup plus contents si ça marche ! »
L'étape ultime de la pharmacie
« Les pharmaciens, de leur côté, sont trop centrés sur la molécule, ils parlent plus du médicament que du patient. Mais un médicament sans patient, ça n'a pas de sens. Il faut faire adhérer le patient à son traitement. Le bilan de médication nous rend tributaires des médecins, mais l'éducation thérapeutique, c'est l'étape ultime de la pharmacie ! »
« Le premier médicament, c'est le patient lui-même, confie Thomas Mauny. Si le patient n'adhère pas, c'est la catastrophe. »
Après des débuts à Saint-Lô, l'ERET poursuit le développement pôle par pôle : un hôpital, un territoire, des patients, des professionnels de santé. Pretora est un programme prévu pour quatre ans. D'ici là l'ERET aura changé de dimension pour suivre le rapprochement territorial des deux Normandie. Et étendre l'ETP. « Chacun a sa place sur le rocher, le regard de l'un nourrit le travail de tout le monde », conclut Thomas Mauny.
Dans les Alpes-Maritimes
Dépistage du VIH : une expérimentation à l’officine
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques