« L'impression de revivre la journée du 16 mars », soit le dernier jour avant le confinement et ses affluences record dans les pharmacies. Voici à quoi des pharmaciens ont comparé le 13 octobre, coup d'envoi de la campagne de vaccination antigrippale 2020-2021. Trois officinaux ont raconté leur (éprouvante) journée au « Quotidien du pharmacien ».
Titulaire à Valence, dans la Drôme, Gilles Brault-Scaillet a vendu presque autant de vaccins au cours de cette première journée que durant du tout le mois d'octobre l'an passé. « Nous avons vacciné plus de 60 personnes en une seule journée, c'est du jamais vu, explique-t-il. J'avais bien sûr commandé un peu plus de doses par précaution mais là nous n'en avons déjà presque plus. » Si ce sont essentiellement des patients munis de bons qu'il a accueillis le 13 octobre, Gilles Brault-Scaillet a aussi dû éconduire « une petite vingtaine de personnes qui n'était pas dans la cible ». Pas de comportements agressifs à déplorer pour le moment, les patients qui n'ont pu être vaccinés se sont montrés compréhensifs. « J'ai tout de même accepté de vacciner certaines personnes hors cible, car elles sont en contact avec des personnes vulnérables. Nous savons qu'elles sont de bonne foi car nous les connaissons depuis longtemps. On interroge ceux qu'on connaît moins, notamment sur leur mode de vie pour savoir s'il est justifié ou non de les vacciner », détaille le pharmacien drômois. Il a en tout cas bien perçu le stress lié au Covid chez certains de ses patients. « Parfois ils ne savent plus où l'on en est mais ils étaient bien au courant qu'il y avait un risque potentiel de pénurie avec ses vaccins donc ils ont voulu venir dès le premier matin », analyse-t-il.
Dans sa pharmacie du 8e arrondissement de Paris, Jean-Luc Leroy est déjà affairé à commander de nouvelles doses de vaccins à peine plus de 24 heures après le lancement de la campagne. « Je suis presque à court et je n'ai été sollicité que par des patients qui avaient un bon. Environ 10 % d'entre eux n'étaient pas venus l'an dernier, l'ambiance générale les a poussés à franchir le pas », observe-t-il. Conscient qu'il devra certainement attendre fin novembre pour recevoir de nouvelles commandes, Jean-Luc Leroy ne comprend pas les consignes sanitaires des autorités qui ont rappelé que le vaccin antigrippe devait être administré aux patients prioritaires et non à toute la population. « Le Covid, nous en avons pris conscience dès le mois de janvier, nous savions qu'il serait plus important encore que les autres années de vacciner contre la grippe cet automne. Alors que l'on nous dise, à nous les pharmaciens, que nous ne devons pas vacciner tout le monde, j'en suis personnellement horrifié », déclare-t-il.
Assistera-t-on, comme cela s'est passé dans certains pays de l'Hémisphère sud à une rapide accalmie après la tempête des premiers jours ? C'est ce que prédisent, et espèrent certains officinaux comme Pierre Martin*, titulaire dans le 19e arrondissement de Paris. En attendant, en ce 14 octobre, une longue file d'attente court de la boulangerie voisine jusqu'à l'entrée de son officine. La veille, pas moins de 77 patients ont été vaccinés par son équipe. « C'est vrai qu'on s'attendait à avoir du monde mais pas à ce point-là. À ce rythme, je vais écouler en 3 jours ce que je vendais en 2 mois et demi. Les médias ont beaucoup insisté sur le risque de rupture et les gens ont un peu paniqué », regrette-t-il. Autre problème qu'il tient à évoquer : les livraisons « désordonnées », voire carrément « anarchiques » de certains laboratoires. « Certains de mes confrères et consœurs n'ont pas été livrés du tout, fait-il remarquer. Je pense que ça va se calmer dans les prochains jours mais ce qui est sûr, d'ores et déjà, c'est nous allons plus vacciner que l'an dernier. »
* Prénom et nom ont été modifiés
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