Parce que la grippe touche chaque année entre 2 et 6 millions de Français et entraîne 8 000 à 14 000 décès, la campagne de vaccination est un enjeu de santé publique. Auquel les pharmaciens sont désormais pleinement associés depuis la généralisation de l’acte vaccinal à l’officine l’an dernier. À l’heure où le Covid-19 menace à nouveau les capacités d’hospitalisation, le gouvernement cherche à parer toute saturation des services en raison de la grippe : celle-ci compte à son actif 65 000 passages aux urgences, plus de 10 000 hospitalisations et près de 1900 cas graves admis en réanimation lors de l’hiver 2018-2019.
Un message imparfaitement compris qui a poussé 75 députés, dans une tribune publiée en septembre dans « Le Journal du Dimanche », à appeler tous les Français à se faire vacciner contre la grippe saisonnière. Avant d’en arriver là, les autorités visent avant tout à augmenter la couverture vaccinale des personnes vulnérables, celles-là mêmes qui sont ciblées par les campagnes annuelles de vaccination et pour lesquelles le vaccin est pris en charge à 100 %. Elles sont aussi celles les plus à risque face au Covid-19 : les plus de 65 ans, certains malades chroniques, les femmes enceintes, les personnes obèses dont l’IMC est au moins de 40, l’entourage des nourrissons de moins de 6 mois à risque grave et des personnes immunodéprimées. Sans oublier les professionnels de santé. Soit près de 20 millions de bénéficiaires. Un bon de prise en charge de l’assurance-maladie leur est envoyé et peut être édité par un médecin, un infirmier, une sage-femme ou un pharmacien. Or, même augmentée de 4 millions par rapport à l’an dernier, la commande de vaccins atteint cette année 15 millions de doses, sachant que l’an passé, à peine plus de 50 % de la population cible s’est fait vacciner contre la grippe. C’est pourquoi l’assurance-maladie rappelle aux professionnels de santé que « pendant les deux premiers mois de campagne, le ministère de la Santé appelle à vacciner prioritairement les personnes ciblées par les recommandations (figurant au calendrier vaccinal 2020 – NDLR) ».
Repérer les patients vulnérables
Une priorisation que le pharmacien va devoir mettre en œuvre dès aujourd’hui. « Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a beaucoup insisté, lors d'une réunion de travail du 30 septembre, sur l’attention particulière à porter aux patients fragiles. C’est d’ailleurs sur ce point que portera la campagne de communication du gouvernement. Pour y répondre, les pharmaciens sont invités à repérer ces patients vulnérables et à leur proposer le vaccin antigrippal sans attendre qu’ils le demandent. Les logiciels métier doivent nous aider dans ce repérage à travers les traitements délivrés », explique Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En revanche, préconise-t-il, la priorisation doit passer uniquement par le fait de proposer le vaccin de façon proactive à la population cible, et « non par le refus de délivrance du vaccin aux publics non prioritaires ».
Pour Gilles Bonnefond, il n'est pas non plus question d'inciter les pharmaciens à « interdire la vaccination à des gens qui souhaitent le faire ». Un message qui serait contraire à la mission même du pharmacien, estime le président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), dont l'objectif est de convaincre les patients prioritaires de venir se faire vacciner le plus tôt possible. « On pourrait ainsi adapter la stratégie et le discours en cours de campagne selon les objectifs atteints. D'autant plus que l'État envisage de commander des doses supplémentaires de vaccins pour la fin de la campagne », précise-t-il. En revanche, le TROD grippe, autorisé en pharmacie mais utilisé de manière très confidentielle, ne devrait pas jouer un grand rôle cette année encore. « Aujourd'hui, on attend surtout les TROD Covid », note Gilles Bonnefond.
Responsabiliser les soignants
La FSPF a, par ailleurs, annoncé qu’elle allait effectuer un monitoring quotidien sur la vaccination tout au long de la campagne. Le syndicat estime fort probable que le taux de couverture vaccinale de la population cible atteigne les 60 %, voire les 70 %, comme dans d’autres pays. De son côté, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens évoque une demande plus forte de vaccination des publics non prioritaires, en se basant sur « des enquêtes d’intention et le retour d’expérience de La Réunion, où la campagne de vaccination a débuté le 1er juin ». La Direction générale de la santé (DGS) prévoit elle aussi un monitoring à la mi-novembre pour mesurer la vaccination des populations cibles.
La question de la vaccination des professionnels de santé contre la grippe a aussi fait l'objet de vifs débats en amont de la campagne. Le taux de vaccination très bas notamment observé chez les professionnels travaillant en EHPAD a même poussé certaines sociétés savantes, à l'image de l'Académie de médecine, à réclamer que l'acte devienne obligatoire pour le personnel soignant, y compris pour ceux exerçant dans le secteur libéral. Une obligation qui ne serait pas forcément judicieuse pour Gilles Bonnefond. Il préfère miser sur la responsabilité de chacun et veut rappeler que, selon ses chiffres, les officinaux se vaccinent de plus en plus contre la grippe année après année.
Doctrine nationale
Depuis fin septembre, les pharmaciens indiquent que les demandes quant à la disponibilité des vaccins contre la grippe sont nombreuses au comptoir. Une pression qui a incité le ministre de la Santé, Olivier Véran, à répéter le 30 septembre dernier aux représentants des professions de santé que la vaccination ne pouvait pas débuter avant le 13 octobre, date de lancement officiel de la campagne. Et à rappeler à l’ordre deux départements : la Seine-Maritime et l’Hérault. Interpellé sur la question, le président du syndicat des pharmaciens de l’Hérault, Frédéric Abécassis, s’est étonné de ce recadrage. En effet, la décision de permettre aux pharmaciens de délivrer le vaccin antigrippal avant le début officiel de la campagne, sur présentation du bon de prise en charge, a été prise à l’unanimité en commission paritaire locale par les représentants des deux syndicats et de la caisse primaire d’assurance-maladie, comme c’est le cas depuis 10 ans… Mais, comme l’a rappelé Philippe Besset, la doctrine nationale prévaut, la date de début de campagne vaccinale contre la grippe étant fixée par la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS), qui prend notamment en compte que l’efficacité du vaccin peut être plus courte, seulement de quelques mois, chez la personne âgée. « Si la personne est vaccinée trop tôt, en septembre, et que l’épidémie se déclare tardivement, en février, elle risque de ne plus être protégée. »
Le sujet n’est plus, de toute façon, à la délivrance précoce du vaccin puisque la campagne démarre officiellement ce mardi 13 octobre. La rémunération de l’acte vaccinal par le pharmacien est inchangée, à 6,30 euros HT. Les vaccins disponibles pour cette saison, les quadrivalents Influvac Tetra de Mylan et Vaxigrip Tetra de Sanofi, ont vu leur prix légèrement augmenter l’été dernier, passant de 10,25 euros à 11,08 euros PPTTC, afin de les aligner sur un prix de référence européen.
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