Depuis le 10 août dernier, les pharmaciens sont autorisés non seulement à dispenser et administrer, mais également à prescrire les vaccins obligatoires et recommandés au calendrier vaccinal, aux personnes âgées d’au moins 11 ans, selon plusieurs textes publiés au « Journal officiel » du 9 août. « Désormais, les pharmaciens peuvent à la fois prescrire et administrer les vaccins. Il n'est donc plus nécessaire d’aller voir son médecin pour cela », confirme le cabinet de la Première ministre. D’après Aurélien Rousseau, nouveau ministre de la Santé, il s’agit d’un « pas essentiel pour faciliter l’accès à la vaccination et améliorer la prévention ».
Néanmoins, quelques modalités pratiques devront être respectées pour que le pharmacien puisse à la fois prescrire et administrer ces vaccins.
Tout d’abord, il doit avoir suivi une formation spécifique qui se décompose en une partie théorique de 10 h 30 et une partie pratique de 7 heures. « Sans formation, le pharmacien ne pourra pas prescrire ces vaccins », alerte l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), qui invite donc les officinaux à se former au plus vite. Cette formation devra être dispensée par un organisme agréé et respecter les objectifs pédagogiques fixés.
Ensuite, l’officinal doit déclarer son activité auprès de l'Ordre des pharmaciens, « par tout moyen donnant date certaine à la réception de la déclaration », indique l'Ordre. La déclaration, possible depuis le 29 août, s'effectue à l’aide d'un formulaire disponible sur le site de l'Ordre précisant l’activité (administration et/ou prescription), ainsi que la ou les formations suivies. Une fois le formulaire rempli, le pharmacien le retourne par mail, accompagné des attestations de formation requises, au Conseil régional de l'ordre (CROP) dont il dépend. Les pharmaciens adjoints d'officine, intérimaires, mutualistes ou miniers, remplaçants le titulaire ou pharmaciens gérants après décès, gérants d’une pharmacie mutualiste ou minière, sont invités à déclarer, également par mail, leur activité auprès du Conseil central de la section D (vaccination-ccd@ordre.pharmacien.fr). Enfin, les pharmaciens ultramarins feront la démarche auprès du Conseil central de la section E (vaccination-cce@ordre.pharmacien.fr).
À ce jour, il manque cependant les modalités de facturation à l’assurance-maladie avant de pouvoir sauter le pas de la prescription vaccinale pharmaceutique. En pratique, le pharmacien fera sa prescription sur une ordonnance type ou un bon de prise en charge du même modèle que celui pour la grippe. Ces documents, que le pharmacien pourra imprimer, sont en cours d’élaboration par l’assurance-maladie, et devraient être très prochainement mis à disposition des officinaux afin qu’ils puissent tarifer leur acte. Le code de facturation est RVA (qui est un code à la fois pour la prescription et pour l’administration). Par ailleurs, étant donné qu’il n’y a qu’un seul code pour les activités de prescription et d’administration, il ne sera pas possible pour un patient de se faire prescrire un vaccin par un pharmacien puis de le faire injecter par un autre professionnel de santé (autre pharmacien, infirmier…)
Qui peut vacciner ?
Ce nouveau droit de prescription est ouvert aux pharmaciens, mais aussi aux infirmiers et aux sages-femmes. Et côté pharmacien, les officinaux ne sont pas les seuls concernés : ce droit de prescription est aussi donné aux pharmaciens exerçant en pharmacies à usage intérieur (PUI) ou au sein de laboratoires de biologie médicale. Enfin, les étudiants en sixième année (3e cycle des études pharmaceutiques) ne peuvent pas prescrire l’ensemble des vaccins du calendrier des vaccinations, mais ils sont autorisés à les administrer, sous la supervision d'un maître de stage. « Ce qui constitue un apport bienvenu d’effecteurs », se félicite la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En revanche, la situation est plus décevante pour les préparateurs qui ne sont pas autorisés à effectuer ces vaccinations. « Ces derniers peuvent uniquement, par dérogation temporaire au droit commun, vacciner contre la grippe et le Covid, après formation spécifique et sous la supervision d’un pharmacien formé à l’administration des vaccins », précise Bénédicte Bertholom, responsable des affaires publiques à l'USPO. Néanmoins, les choses devraient évoluer prochainement. En effet, « la proposition de loi Rist, adoptée en mai, indique que les préparateurs pourront administrer certains vaccins sous la supervision du pharmacien, poursuit-elle. Mais avant d’être applicable, un arrêté devra définir les vaccins et la liste de personnes qu’ils pourront vacciner ».
Quels vaccins, à quels patients ?
Le pharmacien peut prescrire l'ensemble des vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations en vigueur aux personnes âgées de onze ans et plus. Notamment, en population générale, les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche (DTCP), la grippe saisonnière, le Covid-19, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole (ROR), le méningocoque C, le pneumocoque, les papillomavirus humains (HPV), le zona, la variole du singe... et d'autres vaccins dans les populations particulières et à risque.
Le pharmacien peut également prescrire les vaccins contre la grippe saisonnière aux personnes âgées de onze ans et plus, ciblées ou non par les recommandations vaccinales.
Une seule restriction : il ne peut pas prescrire un vaccin vivant atténué (comme ceux contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, la varicelle…) à un patient immunodéprimé : la prescription est alors réservée au médecin. Mais avec une prescription médicale, le pharmacien pourra administrer un vaccin vivant atténué à un immunodéprimé.
Quelles évolutions ?
En revanche le pharmacien n'est pas habilité à prescrire ni administrer les vaccins liés aux voyages. La raison est que l'extension des compétences vaccinales du pharmacien a été octroyée après avis de la Haute Autorité de santé, qui n'est pas compétente pour donner son avis (et donc un feu vert) sur des vaccins qui sont en dehors du calendrier vaccinal. Les vaccins du voyageur ne figurent donc pas dans les textes concernant la prescription vaccinale pharmaceutique. Toutefois, Philippe Besset, président de la FSPF, ne perd pas espoir : « Je vais voir avec le ministère si nous pouvons le faire ou non, si nous avons besoin d'un texte ou non. C'est à creuser », évoque-t-il. Du côté de l'USPO, on s'interroge aussi sur la possibilité de voir les pharmaciens vacciner les moins de 11 ans… Dans un avenir plus ou moins proche.
Philippe Besset attire également l'attention sur deux autres évolutions permises grâce à ces textes. « Le pharmacien pourra venir en appui pour la vaccination HPV dès que les collèges la mettront en place à la rentrée. Les officinaux vont également pouvoir assumer la partie "suivi du calendrier vaccinal" des plans de prévention pour donner suite aux entretiens aux âges clés de la vie qui seront lancés à l'automne. Le pharmacien cotera d'abord l'entretien, qui doit durer 30 minutes, puis la prescription et l'administration du vaccin dans un second temps », détaille le président de la FSPF.
Quelle formation ?
Une formation de 17 h 30 est prévue, dont un module théorique de 10 h 30 obligatoire et une formation pratique de 7 heures. Les pharmaciens ayant suivi les enseignements relatifs à la vaccination dans le cadre de leur cursus ou ceux ayant été formés à l’administration des vaccins grippe et Covid-19 sont exemptés du module pratique de 7 heures.
Le module théorique (10 h 30) qui concerne la prescription, porte sur les caractéristiques des maladies à prévention vaccinale, la traçabilité des vaccinations et les principales recommandations du calendrier vaccinal. Le module consacré à l'administration (7 heures) comprend, lui, le cadre et les objectifs de santé publique de la vaccination, les modes d'injection et le suivi post-injection.
Les conditions techniques à respecter
Pour pouvoir vacciner, l'officine doit disposer :
- De locaux adaptés pour assurer la vaccination avec espace de confidentialité, sans accès possible aux médicaments ;
- D'équipements adaptés : une table ou un bureau, une chaise ou un fauteuil ;
- D'un point d'eau pour le lavage des mains ou de solution hydroalcoolique ;
- D'une enceinte réfrigérée (avec enregistrement et monitorage de la température pour le stockage des vaccins) ;
- Du matériel nécessaire pour l'injection du vaccin et une trousse de première urgence ;
- De dispositions pour éliminer les déchets d'activité de soins à risque infectieux produits dans ce cadre ;
- Du matériel informatique nécessaire à la traçabilité des vaccinations réalisées et l'accès aux outils dématérialisés de partage et de stockage de documents, notamment le dossier médical partagé et l'espace numérique de santé.
Si ces équipements sont indispensables, il ne semble pas que le pharmacien soit tenu de déclarer la conformité technique de ses locaux à l’Ordre.
Après l’injection, la traçabilité
Une fois l'injection réalisée, le pharmacien devra inscrire dans le carnet de santé, le carnet de vaccination ou le dossier médical partagé de la personne vaccinée son nom et son prénom d'exercice, la dénomination du vaccin administré, la date de son administration et son numéro de lot. À défaut de cette inscription, ils délivrent à la personne vaccinée une attestation de vaccination qui comporte ces informations.
En l'absence de dossier médical partagé, et sous réserve du consentement de la personne vaccinée, ils transmettent ces informations à son médecin traitant par messagerie sécurisée de santé.
Quelle rémunération ?
Côté rémunération, la prescription suivie de l'injection est tarifée 9,60 euros. S’il y a seulement une administration de vaccin, le tarif est de 7,50 euros.
Dans les Alpes-Maritimes
Dépistage du VIH : une expérimentation à l’officine
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques