« Savez-vous comment s’appelle cette plante », demande la maîtresse à ses jeunes élèves. Tous les regards se lèvent et observent cette petite herbe à fleurs jaunes plantée dans le fossé, au pied d’un vieux muret. « C’est de la chélidoine qu’on appelle aussi l’herbe aux verrues ; et regardez ce liquide orange qui sort de la tige quand j’en casse un brin », reprend l’enseignante sous les regards à la fois intrigués et admiratifs des enfants. C’est une scène de vie banale, avec une plante commune de nos régions. Et, pourtant, cette scène contemporaine reflète ce que l’homme a fait au fil des siècles et continue à faire encore aujourd’hui : observer la nature et essayer d’en tirer des bienfaits pour sa santé. Ces élèves pourraient bien être les disciples de l’éminent médecin grec Dioscoride (Ier siècle après J.-C.). Ils pourraient être Paracelse, infatigable médecin voyageur du XVIe siècle ou encore le jeune Pierre-Joseph Leroux, ce chercheur français qui a isolé au XIXe siècle la salicine de l’écorce de saule.
À côté de ces personnages célèbres, l’histoire de la médecine par les plantes repose aussi et surtout sur des anonymes qui ont assuré la transmission des connaissances de génération en génération. « Les femmes ont souvent été et sont encore cette mémoire des plantes et de leur usage. D’ailleurs, on parlait de “remède de bonne femme”. Cette expression peut aussi se lire “remède de bonne fame”, mot latin qui signifie “réputation” », raconte Jean-Michel Morel. Toutes ces informations précieuses sont aujourd’hui recueillies par les ethnopharmacologues.
Des plantes et des hommes
L’histoire de la médecine est ainsi jalonnée de personnages célèbres, dont la curiosité et les travaux ont permis de mieux connaître les plantes et d’en comprendre les propriétés. On sait que les médecins grecs, dont Hippocrate (– 460 – 370 av. J.-C.), recommandaient certaines plantes, dont le pavot, pour soigner les humeurs. Au Ier siècle de notre ère, Dioscoride a légué un ouvrage de référence, De materia medica. Ce recueil décrit près de 500 plantes, les parties à utiliser selon les pathologies et les modalités de préparation. Il a été considéré comme une source incontournable de connaissances sur les plantes jusqu’à l’avènement de la chimie.De la plante au principe actif
Au XIXe siècle, les progrès de la science ont permis de développer de nouvelles méthodes d’analyse. À cette époque, identifier et nommer la substance active qui confère les propriétés thérapeutiques à une plante est devenu l’objectif principal. Certains ont réussi, comme Caventou et Pelletier dont les travaux sur les alcaloïdes ont abouti à isoler la quinine, à partir de l’écorce de quinquina, et la strychnine. « On connaissait les propriétés du quinquina comme fébrifuge, sans savoir son mode d’action. Il en était de même pour le pavot, qui était utilisé depuis l’Antiquité pour ses propriétés sédatives et antalgiques. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que la morphine a pu être isolée », explique le Dr Jean-Michel Morel, médecin généraliste, fondateur de la Société franc-comtoise de phyto-aromathérapie et du site WikiPhyto, et président du Syndicat national de la phyto-aromathérapie (SNPA). Parmi les nombreux exemples qui ont permis à la médecine de se doter de médicaments efficaces toujours utilisés, on peut citer la digitaline, isolée par Claude-Adolphe Nativelle à partir de la belle digitale. « Le XIXe siècle a vraiment été une période de grande découverte dans le domaine de la pharmacognosie. Mais, alors qu’on pensait (à tort) que les propriétés thérapeutiques d’une plante se résumaient à un seul principe actif (PA), on s’est rendu compte au fur et à mesure des recherches que le mode d’action pharmacologique était bien plus complexe. Il existe des synergies entre les substances au sein d’une plante, expliquant que certaines substances deviennent inactives lorsqu’elles sont isolées. Le meilleur exemple est sans doute le millepertuis », explique le Dr Morel.Des petites histoires qui font la grande histoire
L’histoire des plantes en médecine est aussi intimement liée à des histoires personnelles, individuelles, comme l’a démontré le Pr Pierre Potier à la fin du XXe siècle. Suite au décès de son épouse emportée par un cancer, ce pharmacien français a orienté ses travaux de recherche vers l’oncologie. Après avoir isolé la vinblastine de la pervenche tropicale de Madagascar, il a réussi l’extraction d’un autre principe actif anticancéreux à partir de l’if européen, contribuant ainsi à faire progresser la prise en charge du cancer.À côté de ces personnages célèbres, l’histoire de la médecine par les plantes repose aussi et surtout sur des anonymes qui ont assuré la transmission des connaissances de génération en génération. « Les femmes ont souvent été et sont encore cette mémoire des plantes et de leur usage. D’ailleurs, on parlait de “remède de bonne femme”. Cette expression peut aussi se lire “remède de bonne fame”, mot latin qui signifie “réputation” », raconte Jean-Michel Morel. Toutes ces informations précieuses sont aujourd’hui recueillies par les ethnopharmacologues.
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