Cas de comptoir
Le contexte : M. Martin, 65 ans, se plaint de douleurs lombaires. « J’ai du mal à jardiner, mon dos est très douloureux. C’est l’âge, il n’y a rien à faire… »
Les questions à poser : « Depuis combien de temps avez-vous mal ? Avez-vous consulté un médecin ? Prenez-vous d’autres médicaments ? Pratiquez-vous une activité physique ? Comment vous sentez-vous en ce moment ? Comment se passe votre travail ? Connaissez-vous l’application Activ’dos ? »
Définitions
- La lombalgie est une douleur que le patient ressent dans la région lombaire, entre la charnière thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur. On parle aussi de lumbago, de tour de reins… Elle est liée la plupart du temps à une atteinte mécanique.
- Lorsqu’elle atteint le nerf, on parle de lomboradiculalgie : selon la racine nerveuse touchée, on parle de sciatique ou de cruralgie. Le patient ressent alors une douleur sur le trajet du nerf, une diminution de la sensibilité et plus rarement une diminution de la force dans la jambe.
- La lombalgie chronique est une lombalgie qui persiste au-delà de 3 mois, avec un fond douloureux entrecoupé de crises plus ou moins longues et avec de possibles répercussions sur la vie sociale, professionnelle, psychologique. Elle concerne 5 à 10 % des personnes ayant souffert d’une lombalgie. La lombalgie chronique est la première cause d’invalidité avant 45 ans.
- L’arthrose est l’une des causes de lombalgie. Elle se définit par une dégénérescence du cartilage, engendrant un pincement de l’interligne articulaire, et l’apparition d’une collerette osseuse en périphérie de l’articulation (ostéophytes). Elle touche 8 à 15 % de la population en France. Douleurs, gêne fonctionnelle, gonflement, déformations sont les principaux symptômes. Sa fréquence augmente avec l’âge mais l’arthrose ne touche pas seulement les personnes âgées. La colonne vertébrale fait partie des localisations les plus touchées avec le genou, les mains et la hanche. L’évolution est imprévisible : elle peut évoluer lentement sur plusieurs années, ou nécessiter des interventions chirurgicales lourdes.
Physiopathologie de la lombalgie
La lombalgie est la plupart du temps liée à une atteinte mécanique qui trouve plusieurs origines :
- Les disques intervertébraux : le pincement de disque (encore appelé discopathie) et la protrusion discale (affaissement et élargissement du disque) traduisent un vieillissement du disque ;
- Les vertèbres : elles sont douloureuses lorsque leurs plateaux (bords) sont usés ;
- Les articulations entre les vertèbres : on parle parfois d’arthrose lombaire ou de lombarthrose. Elle peut apparaître dès l’âge de 30 ans.
- Les muscles (contracture, déchirure) ou les ligaments (déchirure, raideur).
La lombalgie chronique est la continuité d’une lombalgie aiguë qui n’a pas évolué favorablement. Des indicateurs d’un risque accru de passage à la chronicité ont été définis par la Haute Autorité de santé (HAS) :
- Problèmes émotionnels : dépression, anxiété, stress, tendance à une humeur dépressive et retrait des activités sociales ;
- Attitudes et représentations inappropriées par rapport au mal de dos, comme l'idée que la douleur représenterait un danger ou qu'elle pourrait entraîner un handicap grave, un comportement passif avec attentes de solutions placées dans des traitements plutôt que dans une implication personnelle active ;
- Comportements douloureux inappropriés, en particulier d'évitement ou de réduction de l'activité, liés à la peur ;
- Problèmes liés au travail (insatisfaction professionnelle ou environnement de travail jugé hostile) ou problèmes liés à l’indemnisation (rente, pension d'invalidité).
La lomboradiculalgie peut faire suite à :
- Une hernie discale ;
- Une arthrose, qui a provoqué des ostéophytes (excroissances osseuses aberrantes) irritant le nerf ;
- Une mauvaise irrigation sanguine.
Beaucoup plus rarement, les lombalgies sont dites « non dégénératives », avec une origine traumatique, tumorale, infectieuse ou inflammatoire.
90 % des lombalgies communes aiguës évoluent favorablement avant 4 ou 6 semaines avec un traitement adapté et un maintien en activité
Zoom sur l’arthrose (lombaire ou pas)
L’arthrose se déclenche lors d’un excès de pression sur le cartilage (surcharge pondérale, port de charges trop lourdes, anomalie anatomique, séquelle de traumatisme, activité sportive soutenue…). Il s’ensuit une chaîne de réactions :
- Rupture de fibres de collagène, fragilisation du cartilage qui se gonfle d’eau (apparition d’œdèmes), se fissure, puis s’amincit et se fragmente, éparpillant des fragments de cartilage au niveau de la cavité articulaire, que la membrane synoviale va tenter de nettoyer en déclenchant une inflammation (se traduisant par un épanchement synovial) ;
- Épaississement de l’os sous-chondral en réaction à l’excès de pression et production d’ostéophytes.
L’arthrose suit une évolution en deux phases :
- Une phase aiguë, avec des crises douloureuses (le matin, voire la nuit) accompagnées d’une inflammation des articulations, alors gonflées et rouges. Le patient a l’impression de devoir dérouiller son articulation le matin. C’est au cours de cette phase qu’intervient la destruction du cartilage ;
- Une phase chronique : la douleur est modérée et intervient plutôt en fin de journée ou après un effort. Elle est calmée par le repos.
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés, pouvant expliquer l’arthrose : âge, désordres métaboliques (diabète, obésité), maladies inflammatoires de la synoviale comme la polyarthrite rhumatoïde…, hérédité.
Conduite à tenir
Quand consulter ?
Lors d’un mal de dos, il est important de consulter un médecin pour écarter toute autre pathologie.
Les signes d’alerte sont par exemple un déficit dans le contrôle des sphincters vésicaux ou anaux, une douleur thoracique, des paresthésies, une perte de poids inexpliquée, un traumatisme important, une altération de l’état général, une fièvre…
Rassurer le patient
À dire aux patients :
- Dans la plupart des cas, la lombalgie est douloureuse mais pas grave.
- Il n'y a pas de lien entre l’intensité des douleurs et la gravité.
- Le stress et la peur d’avoir mal contribuent à ne pas soulager la douleur, il peut donc être nécessaire de la prendre en charge également.
Connaître les facteurs de risque de la lombalgie
- Age ;
- Terrain génétique ;
- Comorbidités telles que diabète, cholestérol, hypertension, qui est à l’origine d’une mauvaise circulation sanguine ;
- Faiblesse musculaire.
Le bon traitement, c’est le mouvement !
Cette phrase de campagne de l'assurance-maladie est parfois difficile à entendre pour le patient alors qu’il souffre mais le plus souvent, il est important de continuer de bouger pour renforcer le dos, assouplir les ligaments, éviter les raideurs et garder le moral. Se reposer, c’est se rouiller.
Les activités sportives conseillées par la HAS sont des exercices de type taï-chi, yoga et Pilates, de la natation, hormis la nage papillon, de la marche avec ou sans bâtons, du vélo (avec une position adaptée), du golf ou du judo. Certains sports en revanche ne sont pas recommandés : les sports avec un risque traumatique (équitation, certains arts martiaux…), la pratique intensive de la course à pied…
En cas de lombalgie, il est important de continuer de bouger pour renforcer le dos, assouplir les ligaments, éviter les raideurs et garder le moral
Chez les patients présentant une lombalgie chronique ou à risque de chronicité, la kinésithérapie active a montré son efficacité. Des conseils adaptés et une prise en charge multidisciplinaire sont essentiels dans la lombalgie chronique pour apprendre les gestes à ne pas faire et mettre en place une série d’exercices adaptés. À noter, l’application Activ’dos proposée sur Ameli.fr qui propose des exercices adaptés.
Pour lutter contre l’arthrose, le vélo, la natation et la marche sont les sports qui sollicitent le moins les articulations. Les sports qui impliquent des pressions importantes ou des changements d’appui brutaux sont en revanche à éviter. Les sports conseillés doivent être pratiqués de façon raisonnable et progressive en dehors des poussées. En revanche, l’articulation est à mettre au repos pendant les crises douloureuses (période de destruction du cartilage).
L’articulation est à mettre au repos pendant les crises douloureuses d’arthrose
Besoin d'examens complémentaires ?
Les examens complémentaires (radiographie, scanner, IRM…) ont souvent peu d’intérêt au moment du diagnostic de lombalgie commune mais ont un intérêt lorsque la douleur dure plusieurs semaines, lorsque la douleur est atypique, lors de la présence de complications, lorsque les douleurs ne répondent pas au traitement.
Hygiène de vie
Si l’activité physique est la principale attention à porter lors d’un mal de dos, d’autres conseils n’en restent pas moins utiles :
- Éviter le port de charges lourdes ;
- Ne pas fléchir le tronc en cas de port de charge, plier les genoux et maintenir le poids près du corps ;
- Effectuer des exercices pour renforcer la sangle lombo-abdominale ;
- Éviter les longs trajets en voiture ;
- Avoir de bonnes conditions de reprise de travail, en adaptant le poste de travail (régler la hauteur du siège en position assise, se lever et s’étirer régulièrement…), les contraintes physiques et psychosociales ;
- Appliquer du chaud au niveau de la douleur ;
- Étirer la zone douloureuse, pratiquer des automassages pour décontracter les muscles ;
- Le surpoids étant un facteur de risque d’arthrose, le pincement de l’interligne articulaire évoluant plus rapidement, la perte de poids est bénéfique même si l’arthrose est déjà installée.
Quelle est la place des ceintures lombaires ?
Le port d’une ceinture de soutien lombaire dans la lombalgie est parfois envisagé selon les cas. Elle peut être portée sur une courte durée pour aider à la reprise d’activités, ou lors d’activités pénibles. Elle permet de maintenir une chaleur et d’éviter les mouvements brusques, avec une action à plusieurs niveaux :
- Biomécanique : effet antalgique par limitation de la mobilité de la colonne lombaire. Elle joue le rôle de tuteur en avant de la colonne vertébrale entraînant une diminution des forces de compression des disques intervertébraux lombaires ;
- Subjectif : des patients rapportent un confort thermique ou à l’inverse l’abandonnent pour raisons de sudation. Il est donc essentiel d’échanger avec eux : ne pas l’abandonner trop vite et ne pas la laisser trop longtemps.
Les produits du conseil
Le conseil est destiné à des patients ayant bénéficié d’une consultation médicale et dont le diagnostic a été posé.
Lombalgie
Le conseil accompagne donc en général la prescription d’un traitement médicamenteux et éventuellement d’une ceinture lombaire (prise en charge LPPR des ceintures lombaires).
Le paracétamol est le médicament de première intention. La règle générale consiste à prendre la dose la plus faible pendant la durée la plus courte possible. Attention aux associations à d’autres médicaments contenant du paracétamol (spécialités conseil ou médicaments sur prescription).
L’ibuprofène peut être employé en alternative au paracétamol, en particulier chez l'adulte jeune sans facteur de risque digestif, cardiovasculaire ou rénal. Prévenir le patient de surveiller les effets indésirables possibles, troubles digestifs notamment.
Parallèlement, certains patients peuvent être soulagés :
- Par le froid ou le chaud (coussins ou patchs chauffants de type Actipoche, Actikiné, Aroma patch, Thermacare…) selon la préférence du patient ;
- Par l’électrothérapie (Urgo patch d’électrothérapie) qui permet de diminuer la transmission de la douleur vers la moelle épinière et d’augmenter la sécrétion des endorphines (attention aux contre-indications : port de dispositif implanté, cancer…) ;
- Par l’aromathérapie (huile essentielle de gaulthérie en dilution par exemple).
Les ceintures de soutien lombaire sont en général des ceintures souples, élastiques, avec des baleines postérieures souples ou rigides pour stabiliser la zone lombaire et éventuellement des baleines antérieures pour renforcer le maintien abdominal. La contention est fonction de trois éléments : la force et la qualité de l’élastique utilisé, l’importance du baleinage et le serrage de la ceinture. Certaines comportent en plus des bandes croisées dans le dos ou des sangles supplémentaires pour renforcer le soutien. Différents modèles existent, selon la morphologie du patient, selon son activité (station assise prolongée, station debout prolongée, travail de force…). Bien que le port d'un vêtement reste généralement conseillé, certaines ceintures se portent à même la peau (ceintures sans couture ou avec un tissu adapté). D'autres proposent des découpes anatomiques pour libérer hanches et côtes, proposent un double serrage, ou possèdent un compartiment pour glisser une poche thermique…
Arthrose
Pour apaiser les articulations sensibles, certains compléments alimentaires intègrent la glucosamine et la chondroïtine dans leur formulation, qui sont des constituants des protéoglycanes naturellement présents dans le cartilage. Penser à prévenir le patient que la glucosamine et la chondroïtine ne visent pas à soulager une douleur aiguë et n’agissent qu’au bout de 4 à 6 semaines de traitement en moyenne. La glucosamine ne doit pas être prise en cas d’allergie aux crustacés. Ses effets indésirables principaux sont des troubles digestifs et des céphalées. Une augmentation de la résistance à l’insuline, une hypercholestérolémie, une exacerbation d’un asthme ont aussi été observés. Côté interactions, ne pas conseiller la glucosamine chez les patients traités par AVK à cause du risque d’augmentation du temps de coagulation sanguine. Les effets indésirables de la chondroïtine sont des troubles digestifs, et des réactions cutanées principalement.
Pour soulager les patients, le pharmacien peut aussi proposer :
- Des oligoéléments : cuivre, silicium, manganèse ;
- De la phytothérapie : l’harpagophytum, le gingembre, la reine-des-prés, le cassis, le saule blanc pour leurs propriétés anti-inflammatoires et/ou analgésiques, le bambou et l’ortie pour leur richesse en silice, qui permet la restructuration de fibres de collagène, le curcuma pour ses propriétés antioxydantes... ;
- De l’aromathérapie : huile essentielle de gaulthérie, de gingembre…
Pour ceux qui souhaitent une application locale, il existe des gels, des patchs ou des roll-ons aux huiles essentielles, au silicium, à l’harpagophytum, à base de cuivre, aux extraits de plantes ou aux huiles essentielles (Puressentiel articulations et muscles, Pranarôm articulations…) à appliquer sur les zones sensibles.
Testez-vous
1. L’arthrose :
a) Se définit par une dégénérescence du cartilage ;
b) Ne concerne que les personnes âgées ;
c) Peut être à l’origine d’ostéophytes.
2. La lombalgie chronique :
a) Est une lombalgie qui dure depuis plus de 8 semaines ;
b) Est une lombalgie qui dure depuis plus de 3 mois ;
c) A plus de risque d’apparaître lors de problèmes émotionnels.
3. Comment gérer son activité physique quand on a mal au dos ?
a) La règle de base, c’est continuer de bouger selon ses possibilités ;
b) La kinésithérapie active est une solution quand le mal de dos dure ;
c) La natation papillon n’est pas recommandée.
4. À propos de prescription médicale lors d’une lombalgie :
a) Des examens complémentaires ont peu d’intérêt dans la lombalgie commune récente ;
b) La prescription d’une ceinture lombaire est systématique ;
c) Le paracétamol est le traitement de 1re intention.
5. Parmi les conseils contre l’arthrose :
a) La chondroïtine agit en deux semaines ;
b) La glucosamine est contre-indiquée en cas d’allergie aux crustacés ;
c) L’harpagophytum ne doit pas être utilisé en cas d’ulcère gastrique ou duodénal ou de calculs biliaires.
Réponses : 1. a) et c) ; 2. b) et c) ; 3. a), b) et c) ; 4. a) et c) ; 5. b) et c)
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