Le Quotidien du pharmacien :- Estimez-vous que la pharmacie clinique est insuffisamment déployée en France ?
Stéphane Honoré.- Oui, même s'il y a une belle dynamique depuis plusieurs années. Aujourd'hui, que ce soit à l'officine ou à l'hôpital, la pharmacie clinique est déployée de manière hétérogène, certains manquent de temps et de personnel pour s'y engager davantage. De plus, nous n'avons pas encore les outils adaptés, ce qui sera normalement comblé dans les prochaines années par l'intégration des logiciels Ségur ou le développement de la e-prescription. La technologie va favoriser le développement de la pharmacie clinique, cela me semble inexorable. Si cela n'est pas le cas, je serais alors très inquiet pour notre système de santé au vu des pénuries médicales qui nous attendent.
Quels freins identifiez-vous ?
Les professions de santé ont longtemps travaillé en silo, or la pharmacie clinique ne peut s'envisager que dans un travail d'équipe, avec les médecins, les infirmiers… Aujourd'hui ce dont nous avons besoin c'est peut-être de sortir des expérimentations et d'avoir un modèle plus global, avec des protocoles nationaux. Par ailleurs, limiter certains actes (comme les protocoles de soins non programmés) à des structures comme les CPTS, cela constitue un frein. Si on prend l'exemple du pharmacien correspondant, pourquoi un officinal ne pourrait-il pas travailler avec un médecin qu'il connaît même si ce dernier n'appartient pas à la même CPTS que lui ? Le plus important c'est que l'équipe de soins collabore autour du patient.
Quelles pistes peut-on envisager pour favoriser son développement ?
En France, on se rend compte qu'il y a une difficulté d'implémentation de la pharmacie clinique dans les officines qui ont une structure classique. À l'étranger, dans les pays anglo-saxons notamment, on a mis en place il y a une quinzaine d'années la non-dispensing pharmacy. Ce sont des pharmaciens cliniciens à part entière, dont la vocation n'est pas d'acheter une pharmacie ou d'être rattaché à un établissement en particulier. Ils ne font pas de dispensation. C'est un concept qui a permis à la pharmacie clinique de se développer dans ces pays. Chez nous, l'assurance-maladie y réfléchit sérieusement mais cette idée n'a pas les faveurs de l'Ordre des pharmaciens ou des syndicats. Ce qu'on pourrait imaginer aussi, c'est que des pharmacies, d'un même groupement par exemple, se partagent 4 ou 5 officinaux qui se consacreraient uniquement à la pharmacie clinique.
Que diriez-vous à un officinal réticent au sujet de la pharmacie clinique ?
Je lui dirais qu'il faut anticiper l'avenir, le métier va se moderniser, se robotiser, l'intelligence artificielle va s'imposer peu à peu… En revanche, sur la relation pharmacien-patient, ou sur le suivi thérapeutique, aucun robot ne viendra prendre de place. Les logiciels pourront aider mais pas remplacer le pharmacien. Les officinaux doivent donc évoluer s'ils ne veulent pas être remplacés et la pharmacie clinique peut justement leur permettre d'augmenter leurs compétences.
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