La nomination de l’ancien directeur de cabinet de la Première ministre, Élisabeth Borne, au ministère de la Santé et de la Prévention suscite réactions et attentes parmi les pharmaciens, à l'aube des négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie.
En passant de Matignon à l’Avenue de Ségur, Aurélien Rousseau se voit confier les rênes d’un ministère chahuté par la crise des urgences, la désertification médicale, les pénuries de professionnels de santé et les ruptures d’approvisionnement en médicaments tout autant que par des relations houleuses avec les médecins. Mais bien avant cette consécration, le ministre de la Santé et de la Prévention, qui s’est vu remettre son maroquin ce matin, a fait ses preuves dans le monde de la Santé. Les pharmaciens se souviennent qu’il a œuvré à la tête de l’ARS d’Île-de-France au cœur de la pandémie. « Ce haut fonctionnaire est ainsi rompu à l’application des politiques de santé », relève Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui s’apprête à négocier dès l’automne le volet économique de la convention pharmaceutique avec l’assurance-maladie.
De la gestion de la crise sanitaire, Aurélien Rousseau a d’ailleurs tiré un ouvrage sous le titre « La blessure et le rebond. Dans la boîte noire de l’État face à la crise »*. Dans un entretien accordé à notre confrère de « Décision Santé » au lendemain de la pandémie, il avait confié, se référant à Camus, avoir saisi le pouvoir révélateur de la crise. « Elle radicalise les situations et révèle, d’une lumière crue, ce qui fonctionne ou pas. » Lucide, il envisageait que « l’époque verrait nécessairement les crises se succéder. » Sans attendre que celles-ci surgissent, les pharmaciens rappellent dès aujourd’hui le nouveau locataire de l'Avenue de Ségur au principe de réalité. « À l’heure des pénuries de médicaments et des fermetures d’officine sur fond de désertification médicale, notre système de santé ne peut s’offrir le luxe de tergiversations et de mesures de façade. Les immobilismes d’aujourd’hui annoncent les plans d’urgence de demain. Les pharmaciens, en première ligne auprès des patients, sont confrontés à des difficultés quotidiennes qui réclament des solutions urgentes. La Fédération attend donc d’Aurélien Rousseau la mise en œuvre effective des propositions de la FSPF et des Libéraux de Santé », a communiqué, dès ce matin, Philippe Besset. Et de promettre que « dans l’exigence réclamée par la situation, la FSPF sera mobilisée en ce sens au cours de l’examen du prochain PLFSS et de la négociation conventionnelle économique qui débutera à l’automne ». En effet, la profession, qui a vu cinq ministres de la santé se succéder en trois ans, attend du nouveau ministre qu’il s’engage « dans une trajectoire claire et définie ». Son ambition, met en garde Philippe Besset, ne doit pas se résumer « aux coupes budgétaires et à la réduction aveugle de dépenses essentielles aux Français ».
Au-delà de ces avertissements du syndicat, certains pharmaciens ont immédiatement soulevé sur le site du « Quotidien du Pharmacien » la question de la proximité d’Aurélien Rousseau avec Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’assurance-maladie. « Le ministre de la santé en couple avec la n° 2 de la CNAM, les syndicats vont devoir être extrêmement vigilants », interpelle un lecteur, se référant au volet économique de la convention pharmaceutique et au futur Projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.
Anticipant ces réticences, le nouveau ministre a déclaré au journal « Le Monde » avoir consulté la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. « Il n’y a aucun sujet juridique », a assuré Aurélien Rousseau au « Monde », en précisant qu’il se déportera « de toute décision individuelle qui pourrait éventuellement la concerner ». Marguerite Cazeneuve occupe ce poste depuis mars 2021. « Elle n’a pas attendu que je sois à Matignon pour y être et pas plus que je sois ministre non plus », a-t-il ajouté. De fait, quelques heures après la passation des pouvoirs entre François Braun, ancien ministre de la Santé, et Aurélien Rousseau, le secrétariat général du gouvernement (SGG) a estimé que Marguerite Cazeneuve, l'épouse du nouveau ministre de la Santé, peut rester la numéro 2 de l'Assurance maladie, moyennant un « déport » de son mari de toute décision la concernant. La note juridique produite par le SGG précise que « les exigences d'impartialité qui s'appliquent aux membres du gouvernement ne s'opposent nullement à ce que le conjoint de la directrice déléguée de la CNAM soit ministre de la Santé ».
Le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Thomas Fatôme a pour sa part saisi le déontologue son institution. Celui-ci devra mettre en place « le dispositif complémentaire pour garantir le cadre déontologique requis, à savoir celui relatif à la situation personnelle de Marguerite Cazeneuve (nomination, rémunération…) et prévenir ainsi tout risque de conflit d’intérêts ».
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