Cas de comptoir
Le contexte : « Je viens acheter un thermomètre. Vous avez en frontal, très simple ? Le mien ne fonctionne plus et je pense que ma fille de 2 ans a de la fièvre. Elle semble avoir chaud et froid en même temps. Puis-je lui donner du paracétamol ? »
Votre réponse : « La fièvre peut donner effectivement une sensation de chaud accompagnée de frissons et d’extrémités froides. En l’absence de signes de gravité (photophobie, céphalées intenses, vomissements, fièvre supérieure à 40 °C), le paracétamol peut suffire. La posologie est de 15 mg/kg toutes les 6 heures. »
Définitions
- Douleur : expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage.
- Douleur aiguë : symptôme en général associé à une maladie ou un traumatisme ; signal d’alarme de l’organisme.
- Douleur chronique : douleur persistante depuis plus de 3 mois, à retentissement psychologique et social, souvent résistante aux traitements antalgiques conventionnels.
- Fièvre : élévation de la température centrale au-dessus de 38 °C, en l’absence d’activité physique intense, chez un individu normalement couvert, dans une température ambiante tempérée.
Physiologie
La fièvre est une réponse normale de l’organisme face à une agression tissulaire. Elle apparaît en réponse à des substances pyrogènes microbiennes et endogènes comme des cytokines inflammatoires. La fièvre n’est pas une maladie, il s’agit d’un symptôme, se manifestant par une sensation de froid et de faiblesse, des frissons avec ou sans transpiration et l’augmentation du pouls et de la fréquence respiratoire.
Les étiologies sont multiples : infection virale, bactérienne ou parasitaire, insolation, perturbation du système immunitaire, médicaments, vaccin, brûlure grave, trouble central de la régulation de la température interne. Attention, la fièvre n’est pas synonyme d’infection. En effet, certaines infections comme les toxi-infections ne donnent pas de fièvre ou au contraire, provoquent une hypothermie.
> 38 °C C‘est définition de la fièvre, en l’absence d’activité physique intense, chez un individu normalement couvert, dans une température ambiante tempérée
La douleur est une sensation complexe, sensorielle et émotionnelle. Les stimuli nociceptifs sont de grande variété : mécaniques, thermiques, chimiques… mais ont tous en commun le fait d'être de forte intensité, capables de provoquer une lésion tissulaire. Un stimulus nociceptif provoque l'apparition d'une zone lésée entraînant une réaction inflammatoire avec libération de nombreuses substances chimiques (bradykinine, histamine, sérotonine, prostaglandines, ions hydrogènes).
Ces substances algogènes se fixent sur les nocicepteurs créant l'influx nerveux se propageant le long du neurone sensitif, puis au niveau du neurone post-synaptique médullaire, progressant le long de la moelle épinière pour que le message puisse être intégré au niveau du cerveau. La douleur et sa localisation sont alors perçues, activant le système inhibiteur de la douleur via les endorphines.
Conduite à tenir
La mesure de la fièvre
La méthode de référence pour mesurer la température corporelle est le thermomètre électronique par voie rectale chez les enfants de moins de 5 ans. Chez les plus de 5 ans et les adultes, la voie buccale est à privilégier. Les voies axillaires ou tympaniques sont des alternatives.
En pratique quotidienne, le thermomètre électronique par voie buccale ou axillaire (qui nécessite des temps de prise plus longs et a l’inconvénient d’une sous-estimation fréquente) peut être également utilisé. Le thermomètre à infrarouge, généralement utilisé par voie auriculaire, présente, quant à lui, l’avantage d’un temps de prise très rapide (une seconde).
Les thermomètres à gallium sont de moins en moins utilisés. Les thermomètres frontaux à cristaux liquides sont déconseillés car ils manquent de précision.
La fièvre chez l’enfant : attention aux idées reçues
Rappeler aux parents que la fièvre n’est généralement pas dangereuse. Elle peut être inconfortable et justifie alors un traitement.
En premier lieu, il est nécessaire d’hydrater l’enfant, le dévêtir et aérer la pièce. Ces mesures simples contribuent à limiter l’ascension de la température, augmenter l’efficacité du traitement médicamenteux et maintenir une hydratation correcte de l’enfant.
Le bain de 2 °C inférieurs à la température de l’enfant, est à déconseiller en raison de son efficacité modeste et transitoire et de l’inconfort de l’enfant.
Il est impératif de déshabiller entièrement un enfant fébrile pour rechercher de lésions purpuriques débutantes.
Enfin, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), l’objectif du traitement est la suppression de l’inconfort dû à la fièvre et non la normalisation de la température. Il est préférable d’utiliser une seule molécule antipyrétique en monothérapie pendant les 24 premières heures, sans alternance ou association avec une autre et de traiter l’enfant tant que dure l’inconfort.
La cryothérapie
L’application de froid permet de limiter l’œdème et la douleur à la suite d’un traumatisme musculaire ou articulaire.
L’application d’eau froide de la main ou du pied blessé peut être un premier geste pour calmer la douleur, ou bien l’application de glaçons contenus dans une poche ou un linge pendant 20 minutes. Les bombes de froid ou sprays réfrigérants peuvent aussi être utilisés, vaporisés à 15 cm de la peau en effectuant des mouvements de balayage. Il existe aussi des packs de froid et/ou des compresses refroidissant à appliquer une vingtaine de minutes sur la zone douloureuse.
Douleur : conseiller d’appliquer du froid après un traumatisme musculaire ou articulaire
Direction le médecin
La fièvre chez un nouveau-né témoigne dans la majorité des cas d’une infection bactérienne, nécessitant l’hospitalisation du nouveau-né. Chez le nourrisson de moins de 3 mois, l’orientation médicale est obligatoire afin de réaliser des examens complémentaires (hémocultures, ECBU et bilan inflammatoire).
L’orientation médicale est obligatoire en cas d’aggravation de la douleur et/ou de la fièvre malgré la prise de médicaments bien conduite, si la fièvre survient dans les 2 mois suivant le retour d’un pays d’endémie palustre et si elle s’accompagne de troubles urinaires, digestifs et de maux de tête modérés.
Pour rappel, les critères d’urgences sont : violentes céphalées, raideur de la nuque, vomissements, diminution de la force musculaire, photophobie, sensation de malaise, fortes douleurs dans la poitrine ou au ventre, frissons violents ou troubles du comportement.
Les produits du conseil
Les antalgiques et antipyrétiques
Le paracétamol est à conseiller en première intention, chez l’adulte et l’enfant pour traiter la douleur et la fièvre. La posologie est de 60 mg par kilo de poids et par jour, en quatre ou six prises, sans dépasser 80 mg par kilo et par jour chez l’enfant. Chez l’adulte et l’adolescent de plus de 50 kg, à partir de 15 ans, la posologie est de 1 gramme toutes les 6 heures, sans dépasser 3 grammes par jour.
Fièvre : seul un inconfort persistant, malgré un traitement bien conduit pendant au moins 24 heures, nécessite une réévaluation médicale, qui seule peut juger du bien-fondé de la substitution éventuelle du médicament antipyrétique ou d’une association.
(Haute Autorité de santé)
L’aspirine et les AINS comme l’ibuprofène ou le kétoprofène ne sont pas recommandés en première intention dans le traitement de la fièvre, tant que la cause n’est pas identifiée. Ils peuvent être à l'origine de complications infectieuses ou cutanées graves en cas d’infections virales (varicelle) et plus fréquemment, de troubles digestifs (gastralgies, hémorragie digestive). Ils sont donc contre-indiqués en cas d’antécédents d’ulcère gastro-duodénal.
Les AINS peuvent cependant être plus efficaces que le paracétamol dans les douleurs inflammatoires. La posologie de l’aspirine est de 3 à 5 g par jour espacés de 4 à 6 heures chez l’adulte, 60 mg/kg/j chez l’enfant (même intervalle). Celle de l’ibuprofène : 200 à 400 mg 3 fois par jour chez l’adulte ; 20 à 30 mg par kg et par jour chez l’enfant, répartis en 3 ou 4 prises, sans dépasser 30 mg par kg et par jour.
Rappel sur ordonnances !
À partir du 1er décembre, les spécialités à base de tramadol et de codéine devront être prescrites avec une ordonnance sécurisée. Le dosage, la posologie et la durée du traitement (3 mois maximum) devront être rédigés en toutes lettres.
Cette mesure a été prise en raison de l’augmentation des risques de mésusage, de dépendance, d’abus et de surdosage.
Les prescriptions établies avant le 1er décembre demeureront valables jusqu’à leur terme.
Les antispasmodiques
En cas de douleur abdominale, le phloroglucinol et la trimébutine peuvent être conseillés.
Chez l’enfant, le phloroglucinol peut être conseillé à partir de 2 ans sous forme de lyoc, 80 mg 2 fois par jour. Chez l’adulte, la posologie est de 2 comprimés à 80 mg par prise (ou un lyoc à 160 mg), 3 fois par jour.
La trimébutine, chez l’adulte, peut être donnée à 100 ou 200 mg par prise, jusqu’à 3 fois par jour.
Les antalgiques locaux
Les pommades anti-inflammatoires, contenant des AINS comme le diclofénac, l’acide niflumique et l'ibuprofène peuvent être appliquées 3 à 4 fois par jour sur la zone douloureuse, pendant quelques jours. Il faudra prévenir les patients que pommades sont photosensibilisantes. La zone traitée devra donc être protégée du soleil.
Il existe également des pommades antalgiques dont la composition peut comprendre des salicylés (Baume Saint Bernard…), des actifs générant une sensation de chaud comme la capsaïcine retrouvée dans le Baume Aroma, d’autres générant une sensation de froid (lévomenthol) ou des anesthésiques locaux (lidocaïne dans Osmogel). Attention chez les personnes allergiques à ces différents composés.
En complément
L’écorce de saule blanc (arbre baptisé « l’arbre contre la douleur ») est traditionnellement utilisée comme antipyrétique et antalgique, grâce à ses flavonoïdes et la salicine, un composé salicylé. La reine-des-prés, ou spirée, est parfois utilisée contre les fièvres modérées. Ces plantes sont contre-indiquées chez les personnes allergiques aux salicylés.
Du côté de l’aromathérapie, les huiles essentielles antalgiques sont, entre autres, l’huile essentielle de menthe poivrée, l’huile essentielle de camomille romaine et l’huile essentielle de giroflier (attention aux précautions d’emploi). L’huile essentielle de gaulthérie, concentrée en salicylate de méthyle, sera indiquée en cas de douleurs inflammatoires, mais contre-indiquée chez les personnes allergiques à l’aspirine et/ou sous traitement anticoagulant.
Du côté de l’homéopathie, les souches Aconitum 9 CH (1 dose à renouveler si besoin) et Belladonna 9 CH (5 granules toutes les heures) peuvent être conseillées en cas de fièvre élevée d’apparition brutale. Si une sensation de soif intense accompagne la fièvre, la souche Bryona 9 CH à raison de 5 granules toutes les heures peut être donnée. Enfin, Ferrum phosphoricum 9 CH peut être donné pour améliorer le confort en cas de fièvre peu élevée. Pour atténuer la douleur, c’est bien sûr la souche Arnica montana qui est indiquée, sous forme de dose, granules ou en gel (Arnigel) ou crème (Arnicrème).
Testez-vous
1. Chez l’enfant, le traitement d’un épisode de fièvre repose sur :
a) La prescription d’ibuprofène en première intention ;
b) La prescription de paracétamol en première intention ;
c) L’hydratation ;
d) Le bain d’eau froide.
2. L’orientation médicale, en cas de fièvre, est recommandée en cas de :
a) Céphalées ;
b) Céphalées intenses avec photophobie ;
c) Fatigue ;
d) Retour d’un pays d’endémie palustre.
3. Pour atténuer la douleur, sont conseillés :
a) L’application de pommades chauffantes ;
b) L’application d’huile essentielle de thym à thymol ;
c) L’administration d’aspirine en première intention ;
d) L’application de pommades anti-inflammatoires.
4. L’huile essentielle de gaulthérie :
a) S’utilise pure sur la zone douloureuse ;
b) Est contre-indiquée chez les personnes allergiques aux salicylés ;
c) Est contre-indiquée chez la femme enceinte et/ou allaitante ;
d) Est contre-indiquée chez les personnes allergiques à l’amoxicilline.
Réponses : 1. b) et c) ; 2. b) et d) ; 3. a), c) et d) ; 4. b) et c).
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Gestion comptable
Fidéliser sa clientèle ? Oui, mais pas à n’importe quel prix
Portrait
Jérémie Kneubuhl : le pharmacien aux 50 millions de clics