LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quelle est, selon vous, la vocation première de la formation continue des pharmaciens ?
THIERRY BARTHELMÉ.- Rappelons d’abord que la formation continue est la suite logique de la formation initiale du pharmacien. Elle revient en quelque sorte à mesurer, tout au long de la vie professionnelle, l’évolution des pratiques et des connaissances, et à s’y adapter. Comment ? En participant à des sessions de formation, qu’elles soient présentiels ou à distance, qu’elles soient organisées par des organismes de formation continue associatif ou à but lucratif ou encore en suivant des enseignements post-universitaires. La formation continue c’est un peu la maintenance du diplôme.
Comment ressentez-vous la motivation des pharmaciens, leur appétence pour la formation continue ?
Jusqu’à une époque très récente, avant 2008, l’appétence des pharmaciens était très forte, mais l’angoisse engendrée notamment par les questions européennes relatives au capital des officines, a fini par entraîner une rupture dans la fréquentation des organismes de formation, y compris pour l’UTIP-FPC. Peut-être les officinaux avaient-ils le sentiment que les groupements pourvoiraient aux nécessités de formation, ou bien que cela ne servait plus à rien de se former compte tenu de la baisse de qualité à prévoir pour leur exercice. Aujourd’hui, quel moteur peut continuer d’animer le pharmacien qui, faisant bien son travail, et actualisant régulièrement ses connaissances, voit d’un coup arriver près de chez lui un discounter ? Il y a là de quoi l’ébranler sur ses fondamentaux… Mais j’insiste là dessus, il y a bien une possibilité de création de valeur pour les pharmaciens, à partir de la formation continue et de la compétence, mais pas à partir du prix.
Que change la loi HPST* au dispositif de formation ?
Ce que la loi HPST change fondamentalement c’est l’évaluation. On n’est plus seulement dans un dispositif où on va se former là où on avait déjà des connaissances et se faire plaisir en les complétant. On va devoir également se former, après avoir identifié des îlots de moindre compétence, pour être en mesure de compenser ses faiblesses et répondre comme il se doit aux attentes des patients. Car il faut se rappeler qu’il y a égalité parfaite entre toutes les pharmacies au travers du maillage territorial mais aussi grâce au nivellement qui est fait en terme de qualité de service. Parce que l’attente des patients c’est d’être reçu avec la même compétence partout où ils vont.
Et ce, grâce au fait que les évaluations des pratiques professionnelles (EPP) vont devenir obligatoires ?
Les EPP vont effectivement devenir obligatoires. On n’en connaît pas encore les conditions puisqu’il n’est pas question que ce soit des organismes de formation qui les établissent. Ce sera clairement dévolu au conseil national du développement professionnel continu et à chacune des branches concernées (médecins, kiné, pharmaciens, dentistes…). Je crois qu’il faut qu’on aille clairement vers une évaluation positive des performances professionnelles - autre traduction des EPP - et ne pas s’attarder à la fonction "sanction". Pour moi, il ne s’agit pas de sanctionner les pharmaciens qui ne seront pas dans les clous, mais plutôt de valoriser ceux qui y sont et d’inciter ceux qui n’y sont pas, à y aller. Car, qu’ils le veuillent ou non, c’est ce que leurs patients et la société attendent d’eux. C’est pour cela qu’ils sont là et qu’ils ont reçu un jour une licence d’exploitation d’une officine.
Formation conventionnelle/développement professionnel continu, comment s’articulent ces deux types de formation ?
Ce sont deux dispositifs d’essence fondamentalement différentes. La formation conventionnelle continue (FCC), résulte clairement d’un objectif de maîtrise médicalisée des dépenses de santé initié par la caisse nationale d’assurance-maladie sur des programmes prioritaires. Il s’agit donc d’une formation qui s’impose. Le développement professionnel continu, s’impose également mais se propose aussi. Ce type de formation sera laissé à la liberté du pharmacien. Ainsi, si l’asthme est l’un des axes prioritaires de la formation conventionnelle - parce que cela représente pour l’assurance-maladie un coût considérable et que le mésusage représente un surcoût encore plus considérable -, il faut être conscient du fait que cette formation viendra peut-être s’imposer à des pharmaciens parfois déjà grands spécialistes de l’asthme… Voilà pourquoi, selon moi, les financements des deux systèmes ne doivent pas être confondus, ce qui avait pourtant été évoqué. Je préfère imaginer ces deux dispositifs en coopération plutôt qu’en concurrence. Ceci étant dit, rien n’est encore fixé puisqu’on n’a pas encore les textes de la FCC - qui devraient être publiés très prochainement - pas plus qu’on a les décrets de mise en œuvre de la loi HPST.
Que manque-t-il aujourd’hui à la FPC pour qu’elle soit véritablement garante de la qualité de l’acte officinal ?
Se former encore et toujours pour maintenir la qualité de l’acte officinal et mériter la confiance de notre clientèle : si l’UTIP-FPC communique actuellement c’est clairement pour que vous, relais d’opinion, véhiculiez ce message. Nous avons un devoir de réveil. Et ce réveil est fondé par le principe de l’évaluation. C’est bien parce qu’on aura observé une lacune, qu’on saura la combler. Savoir qu’on ne sait pas, ce n’est ni une faute ni une tare. C’est là une prise de conscience quasiment platonicienne : « je ne sais qu’une seule chose, c’est que je ne sais rien ». Il faut se mettre dans cette disposition. S’il manque quelque chose aujourd’hui, c’est le réveil des pharmaciens. Il faut qu’ils croient à nouveau aux opportunités de leur métier, et pas seulement sur le mode mercantile et entrepreneurial. Ils ont aussi un fondement scientifique qu’ils doivent valoriser.
Quant aux textes qui manquent, nous attendons les décrets de mise en place du conseil national et les conditions de validation de l’obligation de formation et de développement professionnel continu. On a besoin d’y croire avec des textes qui vont nous dire enfin ce qu’il faut faire. On ne peut pas rester dans cette espèce de marais d’indécision qui s’est développé entre 2002 et 2006 où s’installait certes l’idée du caractère obligatoire de la formation sans que nous disposions d’aucun élément de validation et de motivation.
Sur les délais de parution, je suis assez optimiste, sachant que les médecins sont en ce domaine assez moteur. Nous avons une chance, c’est que le ministre qui a créé la loi HPST est celui qui est là après la loi…
Pouvez-vous nous livrer un bilan des formations proposées par l’UTIP-FPC cette année ?
J’évoquerais deux éléments. D’abord le bilan pédagogique de l’UTIP-FPC, qui s’élève à environ 35 000 à 40 000 personnes formées par an. Soit entre 800 et 1 000 sessions de formations - sans compter les formations à distance encore difficile à quantifier. Mais aussi l’exemple de la remarquable formation conçue avec le CESPHARM sur l’éducation thérapeutique du patient asthmatique. Nous avons pu en effet mesurer la pertinence de cette formation à l’issue de la session. Les évaluations ont été extrêmement positives : avec 90 % de satisfaits et 10 % de très satisfaits, on ne peut être que comblé.
Quelles sont les nouveautés au programme des mois à venir ?
Outre les nouveautés au programme que les pharmaciens peuvent retrouver sur notre site utip.fr, je veux insister sur le pendant du DIF (Droit individuel à la formation) pour les employeurs qu’est le plan de formation. C’est un des moyens de redonner envie au pharmacien de goûter à la formation continue. Ce n’est pas seulement le moyen de pointer les îlots de moindre connaissance, c’est entrer dans un processus positif où l’employeur peut décider d’un axe de développement pour son officine et disposer en face de chaque besoin, qu’il soit individuel ou collectif, la formation adaptée. Concrètement, il s’agit d’une formation de management qui consiste à aider le pharmacien à être à l’écoute de ses clients et de ses collaborateurs et de mettre ses propres projets de développement en phase avec les besoins exprimés par sa clientèle et son équipe. D’où la nécessité d’un plan de formation à la fois individualisé et globalisé.
Êtes-vous favorable au développement du e-learning, mode de formation dont on parle de plus en plus ?
Je suis très favorable au e-learning, avec une seule réserve toutefois. À savoir que l’un des atouts considérables des formations présentielles n’est pas tant la qualité de la formation dispensée que le partage et les échanges qui s’opèrent entre les participants lors des sessions. Ceci ne peut pas exister avec le e-learning. En revanche l’un des atouts principaux de la formation à distance est qu’elle peut se faire quand on veut, comme on veut, où on veut.
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