BERNADETTE PEYRAC est pharmacienne à Cambrai (Nord), vice-présidente et enseignante de l’École des plantes de Bailleul. Cette école a été créée en 1991 par André Caudron, pharmacien retraité de Calais, avec Jeanne et Jean-Marie Gehu, professeurs en pharmacie et phytothérapeutes. Leur volonté était d’associer la promotion de la phytothérapie et son enseignement, la recherche fondamentale et appliquée, et la tenue d’un conservatoire du patrimoine floral. Plus de vingt ans après, l’École des plantes propose toujours cet enseignement en phytologie médicinale, « avec une rigueur très scientifique », précise Bernadette Peyrac. Les enseignants, tous de formation scientifique, sont pharmaciens, médecins, professeurs à la faculté de pharmacie de Lille. Les élèves, venus du nord de la France, sont médecins, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, ainsi que naturopathes ou animateurs nature.
« L’ère de la chimie en pharmacie a longtemps supplanté les plantes, mais on revient aujourd’hui aux plantes, estime Bernadette Peyrac. On ne peut cependant pas chercher à tout soigner par les plantes, car elles ont une toxicité et d’éventuels effets inactivants sur d’autres médicaments. André Caudron rappelle souvent le cas de ces femmes enceintes, en Suisse, qui buvaient des infusions de tussilage (le pas-d’âne, aux propriétés pectorales), ce qui les faisait accoucher d’enfants sans foie. On connaît aussi le millepertuis, prescrit contre la dépression, mais qui désactive la pilule contraceptive. »
Apprendre pour prescrire.
Le cursus s’étend sur deux années, amenant à un certificat. Les cours ont lieu un dimanche par mois, huit dans l’année. Chaque dimanche est consacré à un thème, souvent à la demande d’un médecin, les plantes sédatives, par exemple. Le matin est consacré à la botanique, pour reconnaître les plantes, l’après-midi à la phytothérapie, pour les prescrire et les employer.
La connaissance botanique est d’abord locale : « André Caudron a toujours mis en avant la proximité des plantes, lui-même cultivait ses propres plantes. Dans le Nord, par exemple, les baies rouges de l’argousier, un arbuste poussant dans le sable, sont très riches en vitamine C. »
La soixantaine d’élèves d’une promotion se transporte également chaque année dans une autre région française, pour une cession de trois jours, une équipe étant venue repérer le terrain au préalable avec une société floristique locale. En 2014, les élèves de Bailleul sont allés dans les monts d’Arrée, en Bretagne. « La journée, on herborise, raconte Bernadette Peyrac. On aide les élèves à constituer des herbiers tout au long de leur formation. Et le soir, ont lieu des exposés sur les plantes trouvées. »
En s’installant à Cambrai, en 1977, Bernadette Peyrac avait bien trouvé des plantes à l’officine, « mais au grenier ». Ce n’est qu’un peu plus tard qu’elle a entrepris de dépoussiérer les bocaux, de les descendre à l’officine. Comme la plupart, elle achète des plantes sèches à des laboratoires, « qui en vérifient les principes actifs, et les éventuelles teneurs en pesticides ». Elle avait obtenu un diplôme universitaire en homéopathie, commencé un autre cursus en phytothérapie, mais dont l’enseignement avait été interrompu. Elle s’est alors tournée vers l’École de Bailleul, en a suivi les cours et obtenu le certificat, avant d’y enseigner.
« Notre enseignement à l’École des plantes est très scientifique, insiste-t-elle, car beaucoup de principes contenus par les plantes ont été connus, certains ont été oubliés, et beaucoup restent à découvrir. La reine-des-prés présente des tanins aussi efficaces qu’une aspirine. Dans le tussilage, la feuille est toxique au long cours, mais elle est utile. On a découvert le principe actif anticancéreux de l’if, mais la végétation de nos terrils du bassin minier reste méconnue. »
La phytothérapie n’est pas du tout poussiéreuse, ni inerte, ajoute cette consœur. À condition, semble-t-il, que la recherche et l’enseignement se renforcent. À Bailleul, l’École s’est adjoint un conservatoire, un jardin de plantes médicinales rangées par biotopes. Les pharmaciens qui animent l’École, comme Bernadette Peyrac, en sont convaincus : sous réserve d’une grande rigueur scientifique, la phytothérapie a un grand avenir, grâce notamment au gros marché des compléments alimentaires à base de plantes. « La phytothérapie deviendra un enseignement à part entière à la faculté », ne doute pas Bernadette Peyrac.
Légende photo Peyrac dans Qphar (crédit J. Gravend) : Bernadette Peyrac dans le jardin de sa pharmacie
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