Les pharmaciens peuvent désormais prescrire et vacciner les adultes et les enfants de plus de 11 ans, pour les vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations (diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, grippe, papillomavirus humains, rougeole, oreillons, rubéole, etc.). D’autant que le dernier maillon qui manquait pour pouvoir facturer la prescription-injection de vaccin en officine, à savoir le bon de prise en charge de vaccination de l’assurance-maladie, est disponible depuis le 28 septembre. Il peut être téléchargé par les pharmaciens sur amelipro ou sur la page « Mémo Assurance Maladie » de son logiciel.
Trois modalités à respecter
Avant de se lancer pleinement dans cette nouvelle mission de prescription vaccinale, trois modalités doivent être remplies : que l’officine respecte certaines conditions techniques (locaux et matériels adaptés, point d’eau ou gel hydroalcoolique, enceinte réfrigérée…), que le pharmacien ait effectué une formation conforme à l’arrêté du 8 août 2023, et qu’il enregistre son activité de prescription-administration de vaccin (ou administration seule) auprès de l'ordre dont il dépend (ordre régional pour les titulaires ou section D pour les adjoints). Pour cela, « il faudra transmettre à l’Ordre le formulaire de déclaration relatif aux activités de vaccination avec l’attestation de formation fournie par l’organisme de formation », indique Marie-Hélène Gauthey, directrice de l’activité e-learning chez Atoopharm. La possibilité de prescrire et administrer des vaccins ne sera possible qu’une fois la validation de l’Ordre obtenue : « Attention donc à vérifier la bonne réception de la validation ordinale avant de se lancer », poursuit-elle.
Une formation dans le flou
Cependant, il semble régner un certain flou artistique autour de la formation obligatoire, tout du moins en ce qui concerne les temps de formation à réaliser. En effet, cette formation s’articule en deux parties, l’une sur la « prescription vaccinale », formation théorique de 10 h 30 et l'autre sur « l’administration des vaccins », de 7 heures, selon l'arrêté du 8 août 2023. Les pharmaciens s’étant formés à l’administration de vaccins pour la grippe, le Covid ou l’administration de vaccins prescrits, sont dispensés de cette dernière formation de 7 heures. C’est-à-dire la grande majorité des officinaux. Donc aujourd'hui, « les pharmaciens qui suivent la formation pratique à l’administration sont essentiellement ceux venant de l’industrie qui se reconvertissent dans la filière officine », constate Marie-Hélène Gauthey.
Mais qu’en est-il pour la formation à la prescription vaccinale, de 10 h 30 ? Est-il possible de ne faire que quelques heures complémentaires lorsque l’on a déjà participé à une formation concernant les 15 valences suivant le décret du 21 avril 2022 ? Ou doit-on l'effectuer dans son intégralité ? Le doute était permis jusqu’alors et certains organismes de formation proposent donc, lorsqu’un officinal a déjà réalisé une formation, par exemple de 7 heures en 2022, de ne suivre qu’un module de 3 h 30 complémentaires en 2023.
Pour y voir plus clair, l’Unoformation, association des organismes de formation des équipes officinales, a posé la question à la direction générale de la santé (DGS), qui a apporté une réponse écrite le week-end du 30 septembre/1er octobre : « Les formations suivies antérieurement sur l’administration [des 15 valences suite au décret du 21 avril 2022] ne peuvent être déduites de la nouvelle formation à la prescription dont les objectifs pédagogiques sont distincts (...) Les textes en vigueur ne prévoient de dispense que pour la seule formation à l’administration de vaccins afin de tenir compte des formations qui ont pu être antérieurement suivies en matière d’administration de vaccins », écrit la DGS. L'instance a d'ailleurs confirmé au « Quotidien du pharmacien » qu'il « n’est pas possible pour les pharmaciens de déduire du volume horaire de la formation à la prescription de vaccins (fixée à une durée de 10 h 30 en annexe de l’arrêté du 8 août 2023) le volume horaire de la formation consacrée à l’administration de vaccins antérieurement suivie ». En effet, « il y a évidemment une grande différence entre l’apprentissage d’un geste technique simple et l’acquisition d’une somme de connaissances nécessaires à une activité de prescription », a ajouté la DGS.
10 h 30 en intégralité
Ce serait donc bien les 10 h 30 en intégralité, soit un jour et demi, qu’il faudrait suivre… Cependant, actuellement, lorsque les pharmaciens font leur déclaration d'activité d'administration et/ou prescription de vaccins en pharmacie à l'Ordre, la déclaration est en général validée dès lors qu’une formation a été faite, d’au moins 10 h 30 pour le théorique et 7 heures pour la pratique, quelle que soit la date de réalisation, tant qu'elle respecte les objectifs pédagogiques fixés par l'arrêté ministériel du 8 août. Ce qui permet donc de réaliser des heures complémentaires à une formation réalisée auparavant. Dans le doute toutefois, l’Ordre a également demandé une réponse précise à la direction générale de l’organisation des soins (DGOS) et pourra s’adapter en conséquence.
Christine Caminade, ancienne présidente de l'Unoformation, regrette que les textes puissent être interprétés différemment et estime que les pharmaciens se doivent d’être irréprochables sur leur formation dans cette nouvelle mission et doivent suivre la journée et demie de formation à la prescription vaccinale dans son intégralité. De plus, ces 10 h 30 sont nécessaires car « la cible des patients à vacciner a changé : elle concernait les personnes de 16 ans et plus en 2022 pour s'élargir aux 11-16 ans en 2023, ce qui ajoute quelques vaccins, et autant de schémas vaccinaux à bien maîtriser, dont le DTCP, le vaccin contre l’HPV et toute la complexité des rattrapages. Et surtout, avec la prescription, il faut se former à proposer les vaccins et convaincre les patients de les réaliser », rapporte Marie-Hélène Gauthey. Par ailleurs, la formation peut être réalisée sur des créneaux horaires fixes en visioconférence ou en présentiel ou 7 jours sur 7 en cours vidéo ou en e-learning interactif, « ce qui apporte beaucoup de souplesse pour réaliser le module », estime Florence Poupon, responsable officine chez Santé Académie.
Philippe Besset, président de la FSPF souligne lui aussi l'importance de suivre les 10 h 30 de formation : « Les pharmaciens ayant réalisé ladite formation, même s’ils la trouvaient trop longue en amont, sont très contents une fois qu’ils l’ont effectuée, car ils ont effectivement besoin de connaître les pathologies, l’épidémiologie la prévalence sur le territoire et les règles du calendrier vaccinal qui sont compliquées », confirme-t-il.
Réaliser une formation complémentaire de quelques heures n’est donc pas forcément le plus judicieux. D’autant que, en réalisant une formation accélérée, « le pharmacien risque de devoir engager sa responsabilité en cas de plainte d’un patient, si la formation n’est pas conforme », évoque Marie-Hélène Gauthey. Attention également aux organismes de formation peu scrupuleux et opportunistes, qui proposent des formations ne respectant pas le cahier des charges de l’arrêté du 8 août 2023. Elles ne seront pas valables. « Pour éviter tout problème, mieux vaut se tourner vers des organismes ayant pignon sur rue, ou avec lesquels on a l’habitude de travailler, et de vérifier que le programme est bien conforme aux textes de loi », conseille Marie-Hélène Gauthey.
Des pharmaciens pas d’accord
Toutefois, certains pharmaciens estiment avoir déjà fait en partie le programme indiqué dans l’arrêté d’août 2023, s’étant formé aux 15 valences en 2022 qui n’ont pas changé depuis, et ne comprennent pas pourquoi ils devraient refaire la totalité de la formation. C’est le cas de Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO qui a d’ailleurs obtenu « à deux reprises une réponse orale du ministère de la Santé » lui indiquant que « si l’on avait suivi un début de formation en 2022 qui entrait dans le cahier des charges de la formation à la prescription vaccinale, et une fin de formation en 2023, la formation était bien réalisée ». Il serait alors possible, selon les informations qu’il a reçues du ministère, d’alléger la formation de 10 h 30. Bien sûr, « tout dépend de ce qui a été fait pendant la première formation », et « il faudrait que les deux formations soient faites par le même organisme », tempère-t-il. Lui aussi attend une confirmation écrite des autorités de santé.
En revanche, Philippe Besset président de la FSPF, ne partage pas cet avis. Il se réjouit que les confrères qui ont déjà administré des vaccins soient dispensés des 7 heures de formation au geste, et estime que les 10 h 30 sur la prescription sont utiles. Lui-même a suivi une telle formation. Ses chevaux de bataille pour cette nouvelle mission sont désormais ailleurs : obtenir la possibilité de faire les vaccins du voyageur, notamment contre l’hépatite A car « il est aberrant de pouvoir vacciner une population particulière éligible à cette vaccination mais pas le voyageur », un souhait d’ailleurs partagé par Pierre-Olivier Variot. Autre revendication : Philippe Besset désirerait que, dans le cadre d’un acte interprofessionnel, les pharmaciens, les infirmiers et les sages-femmes puissent prescrire un vaccin sans obligation de l’administrer. Aujourd’hui, il n’est pas possible de facturer une prescription de vaccin sans administration. Pourtant, certaines situations pourraient justifier cet acte unique de prescription : « Le pharmacien pourrait avoir à prescrire et à délivrer un vaccin à une personne alitée et l’infirmier irait la vacciner à domicile », de même « un infirmier qui détecte chez un patient une plaie, une coupure lors de jardinage, pourrait prescrire un vaccin antitétanique, que le pharmacien pourrait délivrer et administrer », cite-t-il en exemple.
En attendant, les pharmaciens qui ont réalisé leur formation, déclaré leur activité auprès de l’Ordre et reçu un retour positif de l’instance, peuvent se lancer dans la prescription vaccinale. « Pas si facile », raconte Philippe Besset qui, dans un premier temps, se limite aux demandes de vaccination et qui, lorsqu’il sera plus à l’aise, se lancera dans la proposition vaccinale. Et c’est tout un programme.
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