Emmanuel et Marion arrivent en même temps à la pharmacie. Le préparateur syndiqué explique avec passion pourquoi l’organisation à laquelle il adhère a refusé la proposition des syndicats patronaux.
- C’est clairement du foutage de gueule. Ils nous ont fait miroiter de vraies négociations dès que la convention avec l’assurance-maladie serait signée. Tu parles.
- Ils ont quand même fait une proposition, tente Marion qui écoute distraitement son collègue.
- Après plusieurs mois d’attente ! Ah les patrons, les patrons… Si on continue comme ça, on va droit dans le mur. Parce que le salaire et les conditions de travail, ce sont les clés de l’attractivité du métier, poursuit Emmanuel en passant son badge pour ouvrir la porte de service.
- C’est quoi ce carton troué ? dit la pharmacienne pour changer de sujet.
Le préparateur ne fait pas attention à la remarque de Marion et continue son discours engagé sur la juste répartition des bénéfices de l’entreprise. Soudain, Emmanuel se tait. Julien, le futur associé de la Pharmacie du Marché, vient d’entrer dans le vestiaire.
Sitôt la porte déverrouillée, les premiers clients entrent dans la pharmacie. Dans l’espace d’accueil, Gisèle aidée par J-C oriente les uns et les autres vers un conseiller, en fonction de la demande. Julien accueille Monsieur et Madame Laurent, que toute l’équipe surnomme « le couple perroquet ».
- Regardez ce qu’il m’arrive, dit Monsieur Laurent en levant son T-shirt pour dévoiler son torse.
- Regardez ce qui lui arrive, vous voyez, ajoute Madame Laurent.
Julien les invite à le suivre dans la salle Pasteur, pour plus de confidentialité. Il commence à les interroger tout en consultant l’historique des médicaments délivrés.
- Ça a commencé quand j’ai pris les médicaments que le toubib m’a donnés. Mais ça gratte, et ça chauffe…
- Ça le gratte et ça le chauffe, vous voyez, répète Madame Laurent comme pour s’assurer que Julien comprend bien.
- Il semble que vous fassiez une réaction à un médicament. Ça ressemble fort à une urticaire, rassure le pharmacien.
- Ah ben nous voilà bien si tu fais des allergies aux médicaments maintenant. C’est que voyez-vous, d’un autre côté, ça l’a drôlement soulagé, explique madame Laurent.
- Ah oui, ça m’a drôlement soulagé.
- Oui mais on va arrêter ce médicament. Je vais faire une déclaration de pharmacovigilance. Vous me suivez ?
Julien et ses patients ont à peine rejoint le comptoir qu’un cri aigu les fait sursauter.
- Ça vient de là-bas, hurle Monsieur Laurent.
- De là-bas, insiste sa femme.
Julien court dans le back-office où il trouve Christèle en larmes.
- Il y a une souris, ou un rat. Un rongeur en tout cas. Il est parti sous le meuble de l’imprimante…, dit la préparatrice en pointant du doigt la paillasse de déballage.
J-C accourt à son tour. Lorsqu’on lui explique que Christèle a vu une souris, il rit fort :
- Ça me rappelle mon premier remplacement dis-donc. Il fallait aller dans une réserve, de l’autre côté de la cour intérieure. C’était vieux, et les rats se nourrissaient au paracétamol. On retrouvait souvent des boîtes grignotées…
- C’était donc ça le carton troué, dit Marion.
- Si vous croyez que ça me rassure. Moi je ne peux pas rester là si je sais qu’il y a une souris.
(à suivre…)
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