Un pharmacien titulaire et son adjointe, incriminés par les parents d’un nourrisson pour une erreur de délivrance, se sont vu sanctionner tous les deux d’une interdiction temporaire d’exercer. Cette décision rappelle la responsabilité des titulaires et revèle, une nouvelle fois, l’importance d’un engagement dans la démarche qualité.
L’affaire remonte à 2019. Un nourrisson âgé d’un mois est hospitalisé d’urgence dans un établissement hospitalier de Normandie. Son état de santé se dégrade rapidement. Il apparaît que son médecin traitant lui a prescrit un complément alimentaire, du Bifibaby, mais qu'en réalité trois doses d’Abilify lui ont été délivrées à l'officine. Deux plaintes disciplinaires sont formées par les parents de l’enfant, le 20 décembre 2019 et le 5 mars 2020, à l’encontre de l’adjointe de la pharmacie à l’origine de la délivrance et donc de la confusion entre le complément alimentaire et le neuroleptique pour adultes et adolescents de plus de treize ans. Mais le pharmacien titulaire de la pharmacie est également mis en cause.
Le 10 mars 2021 (1), puis le 5 mai 2022 (2), les chambres de discipline de première instance du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP) de Normandie et le Conseil central section D (adjoints) sanctionnent l’adjointe d’une interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pendant une durée de six mois, dont quatre mois avec sursis. Quant au titulaire, il écope d’une interdiction temporaire d’exercer pendant trois mois, dont un mois avec sursis. S’opposant à ces décisions, les deux pharmaciens font appel, arguant de conditions de travail difficiles au comptoir, de l’absence de l’enregistrement du nourrisson sur la carte Vitale de son père, de l’absence de preuve attestant que la prise du médicament était à l’origine de la dégradation de la santé du nourrisson et de l’absence de séquelles pour celui-ci.
Des arguments non retenus par la chambre de discipline du Conseil national. Par deux décisions distinctes du 28 mars 2023, elle a confirmé les sanctions prononcées en première instance (3). Comme le souligne le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), « la chambre a tenu compte, d’une part, de la nature et de la gravité des faits retenus contre le titulaire, en raison de l’absence de règles de bonnes pratiques de dispensation, et d’autre part, de la nature et de la gravité de la faute commise par l’adjointe, au regard des conséquences qu’une telle faute aurait pu avoir sur la santé du nourrisson ». La chambre estime par ailleurs que les raisons invoquées n’étaient pas de nature à exonérer la pharmacienne adjointe de sa responsabilité. Aussi, l’erreur de délivrance commise constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. De plus, le pharmacien titulaire demeure « responsable de l’organisation de son officine et doit, à ce titre, veiller à la qualité des actes de dispensation ». Ainsi, poursuit la chambre, « en ne mettant pas en place les mesures propres à garantir la qualité de tous les actes pratiqués dans son officine par l’ensemble des personnels autorisés à dispenser, le titulaire a méconnu les dispositions des articles R. 4235-48 et R. 4235-55 du code de la santé. »
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