- Elle a travaillé lundi et hier seulement. Non, elle n’a pas servi de clients, explique Karine à son interlocuteur, le docteur Frédéric Breton.
À l’autre bout du fil, le médecin demande à son amie :
- Elle est vaccinée Lou ?
- Oh tu sais, la vaccination, c’est compliqué avec Lou. Tu te souviens quand la vaccination contre le covid a été rendue obligatoire pour les professionnels de santé sous peine de ne pas pouvoir exercer ?
- Ah oui, tu m’avais raconté qu’elle t’avait un peu pipotée (cf. Épisode 146).
- Pas qu’un peu. Je ne comprends pas pourquoi elle a toujours cette réaction antivax. Et au final, elle se ravise et entre dans le rang. Attends…, je regarde dans le dossier informatique de sa fille… les vaccins ont été délivrés. Tout semble à jour pour l’enfant. Mais pour Lou, je ne sais pas où elle en est de ses vaccinations.
- Ça vaudrait le coup de faire un point avec toute l’équipe non ?
- Pour ?
- Pour savoir s’ils sont tous protégés contre la coqueluche.
- Tu me poses une colle. Est-ce que j’ai le droit de faire ça ?
Tout en parlant, Karine se dirige vers la fenêtre pour observer le parking. Elle sourit en voyant son mari arriver.
- Remarque, je peux toujours demander vu le contexte, dit la pharmacienne.
- Oui, et si la vaccination remonte à plus de 5 ans, tu peux leur proposer un rappel. C’est ce qui est recommandé dans un DGS-Urgent.
- Parfait, je vais faire comme tu dis, et je vais même commencer par moi. Et pour l’antibioprophylaxie alors ? Tu me conseilles quoi ?
- Ben s’il n’y a pas de risques particuliers chez les membres de l’équipe, de type maladie respiratoire ou déficit immunitaire, pas d’antibioprophylaxie…
- C’est bien ce que j’avais compris. Tiens, voilà Matthieu.
- Tu aurais pu lui demander, il est médecin aussi ! plaisante Frédéric Breton.
- Anesthésiste ! Tu parles qu’il s’y connaît en infectiologie, répond la titulaire pour taquiner son mari qui tente d’écouter la conversation. Attends, je mets le haut-parleur.
Pendant cinq minutes encore, les trois amis discutent. Ils sont interrompus par un double appel sur le téléphone de Karine. C’est l’Ehpad des Fontaines. La conversation a à peine débuté que la titulaire perd son sourire, et son mari devine sur son visage un voile de tristesse.
- Que se passe-t-il, lui demande-t-il.
- Madame Églantine est morte.
- Une patiente ?
- Oui, mais pas n’importe laquelle. La doyenne de France (cf. Épisode 177). Une femme d’une gentillesse. Et quelle pêche ! C’était la coqueluche de la pharmacie. Mais à plus de 112 ans, c’est la vie de mourir.
Elle pose son téléphone et se met à trier des papiers, pour cacher le rougissement de ses yeux.
- Hé, ça va ?, dit Matthieu en s’approchant d’elle.
- Je ne sais pourquoi ça me bouleverse autant. Ce n’est pas la première fois que des patients meurent. Je vais l’annoncer à l’équipe.
Dans la pharmacie, Marion et Christèle échangent leur point de vue sur l’ordonnance numérique.
- En fait, le patient aura toujours une ordonnance en papier, pour lui ça ne change rien, explique l’adjointe.
Un petit bruit dans le sous plafond attire l’attention de la préparatrice. Elle va chercher un escabeau quand Karine arrive dans le back-office.
(à suivre…)
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