Un nouveau rôle pour l’officine. Et un cran supplémentaire dans le positionnement du pharmacien dans l’interprofessionnalité. « Mon bilan prévention », qui sera lancé officiellement d’ici au mois de février, donne une nouvelle dimension aux entretiens jusqu’alors menés en officine. Par les cibles visées tout d’abord, puisque le public concerné s’échelonne en quatre tranches d’âge : 18-25 ans, 45-50 ans, 60-65 ans et 70-75 ans. Par le contenu de ces rendez-vous, ensuite. Car il ne sera pas question d’aborder une pathologie particulière, ni même d’appréhender un traitement ou un thème d’éducation thérapeutique. Mais bien de considérer la personne dans sa globalité : son mode de vie, sa santé physique et mentale, son cadre de vie…
À l’instar des visites figurant au carnet de santé, « Mon bilan prévention » doit devenir un rendez-vous systématique
Une approche holistique
En axant ce dispositif sur la prévention, le gouvernement énonce un message très clair. « Il s’agit de donner aux Français les compétences clés pour entretenir leur santé », comme le résume Christine Jacob – Schuhmacher, sous-directrice en charge de la santé des populations et de la prévention auprès de la Direction générale de la santé (DGS). Mais loin des injonctions passées sur le registre « mangez cinq fruits et légumes ! », les autorités sanitaires misent davantage sur une prise de conscience des assurés sociaux et sur l’accompagnement du professionnel de santé de leur choix : pharmacien, médecin, infirmier ou sage-femme.
Plusieurs axes principaux ont été définis pour amorcer ce bilan : la qualité du sommeil, l’alimentation et l’activité physique. Outre la vaccination, dont il convient d’augmenter la couverture, et le recours plus systématique aux dépistages organisés, d’autres thématiques, comme les addictions, les violences intrafamiliales ou l’exposition environnementale aux polluants, seront également évoquées au cours de ces bilans que la sous-directrice imagine, à l’instar des visites figurant au carnet de santé, « comme des rendez-vous systématiques jalonnant toute la vie des Français ». Mais en attendant que cette pratique s’inscrive dans les habitudes des assurés sociaux – et des professionnels de santé - plusieurs ajustements doivent encore être apportés.
« Nous avons besoin du pharmacien pour la confiance que lui accordent les patients et pour le maillage territorial assuré par la profession »
Christine Jacob – Schuhmacher, sous-directrice en charge de la santé des populations et de la prévention auprès de la DGS
Le rôle de l’interpro
Préalable à ce dispositif, le recrutement des professionnels se fera via un mail de la DGS qui les invitera à se signaler sur le site sante.fr. Toutefois, le programme pilote mené dans les Hauts-de-France (lire page 5) a fait apparaître le relais joué par les CPTS dans le dispositif. « Sur les cinq départements des Hauts-de-France, nous avions choisi différentes voies de recrutement des professionnels de santé. Dans la Somme, ceux-ci, joints par la messagerie Osmose, n’ont été cependant que 7 sur 2 000 à s’engager. En revanche, dans les quatre autres départements où nous nous sommes adressés aux professionnels de santé via les CPTS, la dynamique a été meilleure », observe Christine Jacob-Schuhmacher. Le ministre de la Santé devrait donc en tirer les conséquences pour le lancement du dispositif. « Nous avons constaté dans les CPTS un volontariat prononcé pour travailler en équipe. Un atout majeur car la disponibilité des professionnels n’est pas la même au cours de la semaine, ni même de l’année. Il faut jouer sur la complémentarité entre professions, y compris dans les amplitudes horaires », note de son côté Gaëlle Jamet, cheffe de projet prévention auprès de la DGS, récusant tout phénomène de substitution ou de captation entre professions.
Des outils pléthoriques
Aucune formation supplémentaire du professionnel de santé n’est requise, les autorités sanitaires estimant que sa formation initiale lui confère les connaissances et les compétences nécessaires. Tout juste devront-ils faire preuve de pédagogie à l’égard de la personne. Des outils déjà développés – et à venir - les soutiendront dans cette démarche spécifique, le ministère de la Santé les incitant à puiser dans les ressources en ligne de Santé publique France. Dès la fin du mois, une plateforme d’e-learning permettra d’approfondir les connaissances dans l’un ou l’autre des domaines pouvant être abordés lors du bilan de prévention. « La prise en main par le professionnel de santé doit être optimisée par différents livrets, fiches, guides notamment pour le repérage des risques. Certains réflexes sont à acquérir en fonction de la tranche d’âge », relève Gaëlle Jamet (scanner QR Code ci-dessous).
Le programme pilote a cependant fait apparaître des lacunes dans le recensement des professionnels intervenant dans le territoire. Résultat, certains pharmaciens ont été en peine d’adresser leur patient à un spécialiste, faute de réseau local. Selon Gaëlle Jamet, des carnets d’adresses régionaux et locaux, comprenant une cartographie thématique, vont permettre aux professionnels de santé de communiquer ces contacts à leurs patients.
L’un des autres objectifs de l’entretien est la rédaction d’un Plan personnalisé de prévention (PPP), par l’assuré social et son professionnel de santé. Ce PPP comprend les objectifs prioritaires et les actions concrètes à mener, tout comme les freins qui devront être identifiés. Il sera versé au dossier patient et envoyé par messagerie sécurisée au médecin traitant, sauf si le patient s’y oppose.
Une première mondiale
Cette approche globale de la santé de l’assuré social « dans son contexte de vie » et le déploiement à un niveau national d’un dispositif qui intègre pas moins de 15 millions de personnes font de « Mon bilan prévention » une première française et même internationale, comme s’en félicite Christine Jacob-Schuhmacher. « L’évaluation du programme pilote est réalisé par l’équipe de recherche clinique. Une évaluation qualitative et quantitative du dispositif général sera menée dans un cadre évaluatif que nous sommes en train de définir », ajoute Gaëlle Jamet. Les effets seront analysés en fonction de la valeur ajoutée qu’apporte le bilan prévention à l’individu lui-même. Cette progression se mesurera dans l’immédiat en termes de vaccination et de dépistage. Mais aussi, à moyen ou long terme, par l’apport des mesures protectrices, comme la pratique d’une activité physique. Les gains sont également attendus en termes de santé publique, notamment dans un contexte de hausse des coûts de soins et dans une perspective d’un vieillissement de la population. Par ailleurs, l’évaluation scientifique de « Mon bilan prévention » prévoit des indicateurs qui veilleront à ce que le dispositif ne creuse pas davantage les inégalités sociales de santé. « Un volet “aller vers “sera prochainement mis en œuvre afin de toucher les populations qui pourraient rester éloignées de cette offre », précise Christine Jacob-Schuhmacher.
Des professionnels de santé à convaincre
De manière générale, des ajustements doivent être effectués dans l’information des professionnels de santé et des patients. Une campagne grand public va être ainsi lancée dans les semaines à venir, suivie d’une seconde en septembre. Parallèlement, des mailings vont être envoyés aux assurés par l’assurance-maladie afin de les inciter à contacter un professionnel de santé. « La tranche d’âge 45-50 ans sera la première invitée à réaliser son bilan de prévention mais toutes les tranches d’âges pourront solliciter un professionnel de santé. Le programme pilote dans les Hauts-de-France avait ciblé cette tranche d’âge particulièrement difficile à toucher pour ajuster au mieux le dispositif aux réalités de terrain », précise-t-on à la DGS.
Dans les Hauts-de-France, le programme pilote n’avait pas retenu cette option. De nombreuses personnes n’ont ainsi pas recouru au bilan proposé par leur pharmacien, faute de connaître son rôle dans la prévention. « Un paradoxe quand on sait que le pharmacien est cité au premier rang par les Français en termes de disponibilité et de confiance parmi les professionnels de santé », ne manque pas de souligner Gaëlle Jamet. Ce manque de visibilité du rôle des pharmaciens n’a cependant pas empêché la profession de signaler son volontariat pour réaliser des bilans de prévention puisque 38 % des professionnels volontaires sont des pharmaciens au niveau national. Preuve s’il en faut que le dispositif doit miser sur le réseau officinal et sur cette relation privilégiée entre la population et ses pharmaciens pour s’implanter durablement. « Nous avons besoin de la pharmacie d’officine », renchérit Christine Jacob-Schuhmacher, affirmant vouloir capitaliser sur cette relation de confiance entre patients et officinaux et sur le maillage territorial assuré par la profession. Il est évident que le succès de « Mon bilan prévention » dépend de l’implication de tous les professionnels de santé concernés sur l’ensemble du territoire.
Reste à motiver ces mêmes professionnels de santé dont les représentants estiment la rémunération – une tarification unique de 30 euros- peu satisfaisante pour un entretien de 30 à 45 minutes, durée projetée par le Haut conseil pour la santé publique (HCSP) dans son rapport rendu au printemps 2023.
Le programme pilote en chiffres
87 participants volontaires recensés (inscrits sur santé.fr) dont 18 pharmaciens
36,1 % des répondants sont adhérents à une CPTS
73,4 % des répondants ne travaillent pas en exercice coordonné formalisé (ESP, MSP, ESS)
76,6 % des participants (86,7 % des pharmaciens) sont prêts à s’impliquer dans les bilans prévention s’il y a une évolution des conditions
11,3 % des participants (13,3 % des pharmaciens) jugent la rémunération de 30 euros satisfaisante
86 % des non-participants invoquent le manque de temps comme raison principale de non-participation
Source : Sondage mené par l’Union des URPS des Hauts-de-France entre fin décembre 2023 et début janvier 2024 auprès de 241 professionnels de santé de la région.
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