Les grandes vagues de déremboursement sont rarement bien vécues, comme l’ont montré les dernières en date : l’homéopathie en 2021, les anti-Alzheimer en 2018, les antiarthrosiques en 2015. Les premières sont intervenues dans les années 2000, lorsque la Commission de la transparence a réévalué le service médical rendu (SMR) de près de 4 500 spécialités remboursables et attribué une note insuffisante à plus de 800 d’entre elles. Ont suivi plusieurs vagues de déremboursement et l’apparition temporaire, en 2006, d’un taux de remboursement à 15 %, la fameuse vignette orange, pour les veinotoniques. Disparu en 2008, le taux de prise en charge à 15 % a finalement reparu pour s’installer définitivement dans le paysage pharmaceutique en 2010, et ce malgré les attaques qu’il a essuyées. Dès 2010, la commission pour la libération de la croissance française, plus connue sous le nom de « commission Attali », préconise le déremboursement intégral des médicaments à vignette orange. Un an plus tard, l’idée est défendue par le rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l’Assemblée nationale, Yves Bur.
Effets de bord
Le 26 octobre dernier, c’était au tour du ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, de suggérer un tel déremboursement lors d’une audition devant la commission des affaires sociales du Sénat. « Je n’ai pas annoncé le déremboursement des médicaments pris en charge à 15 %. Je dis que le travail sur ce sujet mérite d’être lancé », précise-t-il alors. Mais l’idée est lâchée. Et inquiète immédiatement dans les rangs sénatoriaux. Corinne Imbert, rapporteure de la branche maladie du PLFSS pour 2024, prévient qu’il faudra porter attention aux « effets de bord », notamment au report de prescription sur d’autres spécialités remboursées. Un rapport de la Cour des comptes de 2011 relevait ainsi l’inefficacité du déremboursement des expectorants, qui aurait dû faire économiser 45 millions d’euros mais avait provoqué un report de 40 millions d’euros sur les antitussifs et les bronchodilatateurs.
D’après le sondage du « Quotidien du pharmacien », en ligne du 30 octobre au 5 novembre, ces effets de bord sont bien identifiés par les officinaux. Sur les 108 répondants, 81 % ne sont pas favorables au déremboursement des spécialités bénéficiant d’un taux de prise en charge à 15 %. En commentaire de ce sondage, Pascal r_12 fait valoir que tout déremboursement signifie que le prix du produit en question devient libre, les patients font alors face à une « inégalité de coût de traitement… et c’est de santé dont on parle ! ». En réponse, Dr Gnon développe : un déremboursement entraîne une « baisse drastique des ventes » et peut provoquer la disparition de certains médicaments. A la question « peut-on s’en passer ? », il répond « tout dépend du produit ». Il pointe aussi une « baisse de la rémunération sur le remboursé » après un déremboursement, et donc « l’urgence à revaloriser les honoraires pour conserver le réseau officinal en état de fonctionnement correct ».
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