Nous nous réjouissons d’abord que, depuis le début de la pandémie, notre profession participe au grand mouvement national de solidarité des personnels soignants. Ainsi les officines constituent-elles des lieux stratégiques d’accueil des femmes victimes de violence. Occasion qui permet de vérifier que l’homogénéité du réseau officinal est la garantie de notre volonté de prendre soin de l’ensemble de la population.
La période que nous vivons est hors du commun, et l’ambiance générale relève le plus souvent de l’état d’urgence, peu favorable à des décisions bien raisonnées. Si, en matière d’approvisionnement, il peut y avoir des imprévus et des contretemps, en matière de prescriptions et de délivrance de médicaments, il serait souhaitable que les décisions correspondantes fassent l’objet de consensus préalables entre ministère et professions.
À titre d’exemple, le décret du 28 mars 2020 autorise les médecins à prescrire, à domicile ou en EHPAD, le Rivotril injectable afin d’induire une sédation terminale chez des personnes âgées en cas de détresse respiratoire asphyxique. Émis en toute urgence, il semble étrangement donner aux médecins un droit de vie et de mort sur les malades les plus vulnérables, ce qui a inquiété une grande partie du corps médical. Le Comité consultatif national d’éthique a été aussitôt saisi pour demander de définir les principes éthiques devant encadrer une telle prescription. Même si le contexte actuel est hors du commun, un minimum de loyauté et de transparence s’impose.
L’arrêté du 14 avril 2020 concernant les pharmaciens fixe une nouvelle procédure pour que l’IVG médicamenteuse soit pratiquée en ville jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse (la réglementation fixait jusqu’à présent le délai maximal à 5 semaines). Les patientes pourront même consulter à distance les professionnels de santé habilités à prescrire puis venir chercher leur traitement à l’officine. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Pourtant, même si on ne peut ignorer la complexité de situations vécues actuellement par certaines femmes et jeunes filles, est-il normal de mettre entre parenthèses certains principes déontologiques fondamentaux ? Étant donné la diversité des points de vue de consœurs et confrères pour délivrer ces produits, quelques points retiennent plus particulièrement notre attention.
Jusqu’à présent, les textes intimant les pharmaciens de ville à délivrer des produits visant directement le début de la vie leur donnaient la possibilité d’orienter les personnes vers une officine proche acceptant de dispenser de tels produits. Il semblerait qu’une telle mesure soit ici abandonnée. Pour quelles raisons ? Certains courriers ne mentionnent pas l’obligation de la part du prescripteur de contacter le pharmacien*. Pourquoi cette différence d’interprétation ? Ne serait-il pas envisageable de concevoir ce type de délivrance sur la base du volontariat, comme elle se fait pour les traitements substitutifs aux opiacés, ce qui permettrait d’assurer l’accompagnement spécifique de ces situations ? De plus, alors que les pratiques actuelles insistent sur l’obligation d’accompagnement pour tout type de soins, comment ne pas percevoir dans cet arrêté un véritable abandon de la femme ou de la jeune fille dans les conditions difficiles de confinement, et a fortiori endurant les effets secondaires inévitables en cas d’une grossesse avoisinant les sept semaines ?
Enfin, cet arrêté mentionne que cette disposition restera transitoire, avec possibilité de modification en fonction de la situation. Comment être sûr d’une telle affirmation ? Cette décision n’est-elle pas la porte ouverte vers une extension de l’IVG médicamenteuse à domicile ?
Au regard de toutes ces questions, nous demandons que cet arrêté soit réexaminé pour confier ce type de dispensation à des consœurs et confrères, titulaires comme adjoints, sur la base du volontariat et donner le droit d’orienter les demandeuses vers des officines prêtes à assurer ce service.
* Circulaire 2020-34 du 16 avril 2020 envoyée par la FSPF.
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