Début juillet, l’INSEE alertait d’une hausse des décès, en mars et avril, deux fois plus forte pour les personnes nées à l’étranger (+48 %) que pour celles nées en France (+22 %), par rapport à la même période en 2019. Une hausse sensible pour les personnes nées au Maghreb (+54 %), ou dans le reste de l’Afrique (+114 %) et pour celles nées en Asie (+91 %). Plus que le pays d’origine, l’INSEE estime que ces inégalités face au Covid-19 sont surtout liées au statut socio-économique.
Un constat partagé par plusieurs études à l’étranger. Mais le Royaume-Uni a multiplié les études pour obtenir une analyse plus fine de ces différences. Une étude publiée le 19 juin dernier démontre ainsi qu’à statut économique égal, les populations noires ont un risque de décès dû au Covid-19 multiplié par 3,3 pour les hommes et 2,4 pour les femmes en comparaison avec les populations blanches. Ce risque est multiplié par environ 1,5 % pour les hommes originaires du Bangladesh, du Pakistan et de l’Inde. Un rapport complet de l’agence Public Health England sur l’impact du Covid-19 sur les communautés BAME (Black, Asian and Minority Ethnic), pointe pour sa part que « les populations chinoises, indiennes, pakistanaises, asiatiques en général, caribéennes et noires ont entre 10 et 50 % plus de risques de mourir du Covid-19 que les Britanniques blancs ».
Des communautés traumatisées
À cette « inégalité raciale » pointée par le Dr Anthony Fauci, le M. Vaccin américain, s'ajoute une méfiance ancrée des minorités à l'égard de la vaccination. Au Royaume-Uni, la plus grande communauté africaine noire est originaire du Nigeria, un pays marqué par un essai mené en 1996 par Pfizer sur un vaccin contre la méningite sous couvert d’action humanitaire. Onze enfants sont décédés, des dizaines sont restés handicapés, les procédures judiciaires ont duré des années. Et que dire de la tristement célèbre étude de Tuskegee ? De 1932 à 1972, des médecins américains ont étudié l’évolution naturelle de la syphilis chez 600 hommes afro-américains pauvres dont les deux tiers étaient contaminés. Doit-on préciser que Tuskegee se trouve en Alabama, l’un des 13 États du sud des États-Unis où la ségrégation a été mise en place après l’abolition de l’esclavage et a duré, au moins juridiquement, jusqu’en 1964 ? Ces volontaires n’ont jamais bénéficié de traitement, pas même après la découverte de la pénicilline dans les années 1940. Seule issue positive de cette étude : elle est à l’origine des principes de bioéthique dans l’expérimentation humaine.
Au Royaume-Uni, le Dr Nikita Kanani, l'une des responsables du service public de santé (NHS), évoque « des communautés entières traumatisées par des expériences inappropriées » menées dans le passé. Les données de la vaccination en cours pointe d'ailleurs que les personnes non blanches rencontrent plus de difficultés pour accéder au vaccin, les personnes noires de plus de 80 ans auraient même jusqu’à deux fois moins de chance de le recevoir.
Risque de mutations
C’est dans ce cadre que le gouvernement britannique a décidé de faire passer des messages par le biais des représentants des cultes et de célébrités noires ou asiatiques. Des centres de vaccination ont été mis en place dans des mosquées et les temples hindous, des représentants religieux rassurent les fidèles. Non, les vaccins ne contiennent ni porc, ni cellules souches fœtales. Et non, recevoir une dose de vaccin n’enfreindra pas le jeûne du Ramadan qui commence à la mi-avril. Non, les vaccins ne rendent pas stériles. Et non, « il n'y a pas de puce ou de tracker dans le vaccin pour regarder où vous allez, votre téléphone portable est bien plus efficace pour ça », déclare un humoriste britannique d’origine sri-lankaise dans un spot TV.
Outre-Atlantique, plusieurs États américains, comme le Nouveau-Mexique ou l’Oregon, donnent la priorité à la vaccination aux populations noires, hispaniques et amérindiennes, les considérant comme plus vulnérables face au Covid-19. La Californie s’est engagée à vacciner de manière équitable toutes les communautés. À San Francisco, par exemple, des centres de vaccination ont ouvert dans des quartiers historiquement noirs et hispaniques, ils sont accessibles tard le soir, sans prise de rendez-vous et sont dotés de traducteurs.
Le but des gouvernements est d’éviter à tout prix des poches de résistance dangereuses. Début décembre, le taux d'infection au sein de la communauté juive hassidique dans le quartier de Stamford Hill, à Londres, était de 64 %, l'un des taux les plus élevés enregistrés au monde. Or davantage de contaminations dans des communautés isolées signifie davantage de risques de mutations.
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