Le Quotidien du pharmacien. - La dernière loi de finances est entrée en vigueur. A-t-elle, selon vous, apporté des avancées intéressantes pour les petites et moyennes entreprises, et en particulier pour les pharmaciens d’officine ?
Philippe Becker. - La loi de finances 2023 n’est pas particulièrement riche en nouveautés, cela étant dit on y trouve des mesures qui vont dans le bon sens comme l’augmentation du plafond d’application du taux réduit à 15 % de l’impôt sur les sociétés (IS) qui passe de 38 120 euros à 42 500 euros de bénéfice pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2022. Ce plafond imposé au taux de 15 % s’applique aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros et qui ont un capital entièrement libéré, composé d’au moins 75 % de personnes physiques. Il n’avait pas été revu depuis son instauration ! Il s’agit certes d’une petite économie d’IS puisqu’elle atteint 657 euros si le résultat de la société est supérieur à 42 500 euros, mais c’est toujours bon à prendre ! En 2022, il y a eu une prise de conscience par le législateur qu’il est juste de revoir les seuils plus régulièrement en particulier lorsque l’inflation est forte. Cela a été fait également pour les tranches du barème d’impôt sur les revenus de 2022 qui sont revalorisées de 5,4 %.
Peut-on considérer que l’impôt sur les sociétés est le bon choix lorsque l’on exerce en tant que titulaire ?
Olga Romulus.- Indiscutablement l’IS est devenu en France un mode d’imposition qui a la cote ! Il faut avoir à l’esprit que son taux était de 33,33 % au-delà du seuil de 38 120 euros en 2016 pour être ramené à 25 % au-delà du nouveau seuil de 42 500 euros à compter de 2022. À titre d’exemple pour un résultat fiscal de 75 000 euros, l’économie globale annuelle entre 2016 et 2022 est de 3 500 euros.
Il semble même que l’IS ne sera plus réservé à ceux qui exercent en société et qui y sont soumis de plein droit ou par option mais étendu aux entrepreneurs individuels. Est-ce exact ?
Olga Romulus.- Cela est tout à fait exact, les entrepreneurs individuels qui sont soumis au régime du « réel » pourront opter pour être imposés à l’impôt sur les sociétés. Cette option sera irrévocable. Le passage de l’impôt sur le revenu vers l’impôt sur les sociétés en dehors de la coquille juridique sociétale suscite beaucoup de points d’interrogation sur lesquelles l’administration fiscale doit encore fournir des précisions. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque tout sera clarifié afin de savoir si cela pourrait être un bon choix pour les pharmaciens qui exercent en nom propre.
Ils sont de toute façon de moins en moins nombreux à exercer en nom propre !
Philippe Becker.- C’est une réalité qui s’explique par l’intérêt de l’IS surtout dans la phase de remboursement de l’emprunt mais aussi, il faut le rappeler, par l’offre très complète de structures juridiques qui sont envisageables lorsque l’on exerce le métier de pharmacien d’officine. Le choix de la SEL par exemple, quelle que soit sa forme, est principalement lié au besoin de faire des montages qui permettent l’entrée de pharmaciens investisseurs ou de rachat par des SPFPL (holding). Si l’on reste en nom propre, même en optant pour l’IS, on ne pourra pas faire ces opérations. Et puis la transmission d’une officine dans un cadre familial est généralement plus facile via une société préexistante.
Ne va-t-on pas finalement déboucher sur un seul régime fiscal pour les entreprises ?
Olga Romulus.- Il encore un peu tôt pour l’affirmer mais le fisc français a indiscutablement constaté une tendance vers le mode d’imposition à l’IS. Il y a déjà de nombreuses années, les chefs d’entreprise avaient pris leur calculette et avaient rapidement conclu sur son intérêt ! L’administration ne fait qu’étendre le choix. On pouvait s’y attendre car la suppression des principaux avantages de l’adhésion à un centre de gestion avait déjà fléché le chemin !
Dans un autre registre, la loi de finances supprime sur deux ans la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Qu’en est-il précisément ?
Olga Romulus.- Cette cotisation est un des deux éléments qui constituent la cotisation économique territoriale (CET). Celle-ci est en quelque sorte l’impôt qui a succédé à la taxe professionnelle en 2010. Pour mémoire, l’autre composante est la cotisation foncière des entreprises (CFE). Cette dernière, qui est calculée par rapport à la valeur locative des biens immobiliers utilisés par l’officine, va rester. La CVAE, elle, sera supprimée en deux temps : une réduction des taux pour moitié en 2023 et totalement à compter du 1er janvier 2024.
Quel pourrait en être l’impact financier annuel selon vous ?
Philippe Becker.- Nous suivons depuis plusieurs années le poids de la CET mais nous ne différencions pas dans nos statistiques l’importance des deux composantes dont la pondération varie suivant plusieurs paramètres (localité – chiffre d’affaires – frais directs). La suppression progressive de la CVAE est néanmoins une bonne nouvelle dans un contexte où les frais généraux s’envolent !
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