COMME les patients sous AVK, les asthmatiques peuvent désormais bénéficier d’un accompagnement personnalisé réalisé par leur pharmacien. La prévalence de cette pathologie chronique a augmenté au cours des dernières années (5,8 en 1998 à 6,7 % en 2006). Malgré une baisse de la mortalité, les hospitalisations liées à cette maladie sont encore fréquentes (43 000 entre 2005 et 2007) et engendrent des dépenses importantes et évitables. Le rôle du pharmacien dans la pathologie asthmatique s’est imposé avec pour objectif l’amélioration de l’observance et de l’efficacité des traitements par une meilleure utilisation des systèmes d’inhalation. Le Professeur Claude Dreux, président du Cespharm et membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie, se réjouit de cette nouvelle mission, mais souligne la nécessité de toujours favoriser la pluridisciplinarité : « Le rôle du pharmacien en Santé publique est admis par tous, même si se posent encore les problèmes de moyens et d’organisation pour certains confrères officinaux. Dans le suivi de l’asthme comme dans les autres pathologies chroniques, la pluridisciplinarité est incontournable et demande une action commune des pharmaciens, des médecins et des paramédicaux ».
Une étude menée il y a 14 ans auprès des officinaux.
Si le rôle du pharmacien d’officine dans le suivi des patients asthmatiques semble aujourd’hui une évidence pour tous les acteurs de santé, cette démarche est l’aboutissement de plusieurs années de travail, d’élaboration d’études et de supports de formation. « Plus de 4 millions de personnes sont accueillies chaque jour dans les officines françaises et bénéficient de prestations gratuites et de conseils avisés sur les médicaments, selon la définition même de la dispensation. Il faut conserver ce cœur de métier en l’étendant à d’autres domaines. Les pharmaciens sont en première ligne dans l’ETP (éducation thérapeutique du patient) en raison de leur proximité et de la relation de confiance qui existe entre eux et les patients », rappelle le président du Cespharm. Cette Commission permanente de l’Ordre des pharmaciens a d’ailleurs toujours œuvré dans ce sens. Dès 1999, le CESSPF (devenu Cespharm) réalisait une étude pour évaluer les bénéfices du suivi des patients asthmatiques à l’officine. « L’asthme fait l’objet de nombreuses hospitalisations pour cause de traitement mal suivi, lié notamment à une observance insuffisante mais aussi à l’utilisation erronée des dispositifs d’inhalation. Une erreur classique est de respirer par le nez et non par la bouche, d’où une efficacité réduite et des complications. Il en résulte des conséquences en terme de santé publique mais aussi des conséquences économiques », explique le Professeur Dreux. L’étude a été menée pendant 6 mois auprès de 51 pharmacies réparties dans toute la France. Les patients inclus étaient adultes, volontaires et asthmatiques. À l’occasion d’entretiens éducatifs, les participants étaient évalués sur leur connaissance de la maladie et sur la technique d’inhalation. « Cette étude a été initiée par mon prédécesseur et Florence Guillier qui était secrétaire générale. Les résultats ont permis de conclure à l’intérêt du suivi pharmaceutique. Au cours des années suivantes, le Cespharm a poursuivi ce travail de formation et de mise à disposition de supports éducatifs et de prévention pour aider le pharmacien à s’impliquer dans la pathologie asthmatique ».
D’autres initiatives sont venues compléter cette étude. En 2004, une enquête réalisée auprès de 120 pharmaciens du Bas-Rhin a fourni des arguments supplémentaires, établissant que la formation des officinaux à la prise en charge de l’asthme devait être un objectif prioritaire.
La pertinence de confier cette mission aux pharmaciens.
En 2012, les entretiens pharmaceutiques ont été officialisés par la Convention pharmaceutique. Un des points importants de la discussion concernait la rémunération. « Il faut distinguer deux aspects dans cette mission : la pertinence de l’action sur le plan de Santé publique, et la rémunération de ceux qui la pratiquent », intervient le Professeur Dreux qui rappelle que le Cespharm n’a pas vocation à se prononcer sur l’aspect économique. « Cependant, ces deux aspects sont très liés, et le fait d’avoir démontré à plusieurs reprises l’efficacité d’un accompagnement par les pharmaciens a été un argument supplémentaire pour défendre la rémunération. Notre travail et celui des syndicats ont été tout à fait complémentaires, dans un esprit collaboratif ».
Pendant 15 ans, bien avant qu’on ne connaisse les entretiens pharmaceutiques sous leurs modalités définies par la Convention pharmaceutique, l’équipe du Cespharm a ainsi travaillé à apporter des arguments en faveur du suivi de l’asthme à l’officine. Pour Claude Dreux, « les décideurs politiques sont aujourd’hui bien convaincus du rôle du pharmacien en Santé publique et en prévention. Marisol Touraine l’a rappelé lors des récentes Journées de l’Ordre ».
Des outils pour renforcer la performance.
L’accompagnement des patients asthmatiques peut s’appuyer sur une formation encadrée et structurée, avec la mise en place du DPC. Là encore, le Cespharm contribue à garantir cet aspect essentiel pour la qualité de l’exercice officinal et de ces nouvelles missions. Le Cespharm a proposé, en partenariat avec l’UTIP, une formation « asthme » de 2008 à 2014. Depuis 6 ans, 191 stages ont été réalisés et plus de 2000 pharmaciens formés. « L’asthme est une pathologie qui comporte une partie technique importante, imposant une démonstration au patient. La formation du pharmacien en amont est d’autant plus incontournable qu’il existe de nombreux types de dispositifs d’inhalation. Il ne faut pas oublier que le principe de l’ETP est d’apprendre au patient à se prendre en charge lui-même. L’intervention du pharmacien doit permettre de remporter l’adhésion du patient à son traitement », insiste le Professeur Dreux. En 2014, il a été décidé d’arrêter cette formation, reprise désormais par des organismes agréés dans le cadre du DPC.
En outre, depuis juin 2012, le Cespharm propose aux pharmaciens des grilles d’évaluation de l’utilisation des systèmes d’inhalation (disponibles sur www.cespharm.fr). « Ces grilles permettent au pharmacien d’évaluer, avec les patients, la technique d’utilisation des dispositifs d’inhalation afin de relever éventuellement une pratique inadaptée, d’en identifier les causes et de corriger les erreurs ».
Le Cespharm poursuit son action pour inciter le pharmacien à s’impliquer en Santé publique : « Il faut maintenant que ces entretiens pharmaceutiques bénéficient à d’autres pathologies chroniques », souhaite le président du Cespharm. Comme pour l’asthme, le Cespharm prépare le terrain : « Nous sommes très sollicités. Nous participons par exemple à un plan cœur avec la Fédération de cardiologie, à la prévention des maladies rhumatismales et de l’ostéoporose avec l’Aflar (Association de lutte anti-rhumatismale) ou à la prévention et au dépistage des cancers avec l’Inca et la Ligue contre le cancer ».
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