Le Quotidien du Pharmacien.- Doit-on communiquer systématiquement à l’Ordre un pacte d'associés en pharmacie dans le cadre d’un montage financier ?
Bertrand Cadillon.- Mine de rien le pacte d’associé est une affaire sérieuse ! Une affaire d’autant plus sérieuse qu’elle est aujourd’hui devenue une obligation inscrite dans le Code de la Santé publique : l’article L4221-19 est très clair à ce sujet : « Les pharmaciens exerçant en société doivent communiquer au Conseil de l’Ordre, outre les statuts de cette société et leurs avenants, les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement, ou aux rapports entre associés. Ces documents doivent être communiqués dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l’avenant. »
Comment expliquez-vous cette obligation de transparence ?
Un pacte d'associés est un document juridique qui définit les droits et les obligations des associés au sein d'une société. En pharmacie, où les enjeux sont multiples et les intérêts parfois divergents, ces accords revêtent une importance particulière. En régulant les relations entre les associés, ils permettent de prévenir les conflits potentiels et de garantir une gestion harmonieuse de l'entreprise. De la répartition du capital à la gouvernance, les clauses d'un pacte d'associés en pharmacie sont essentielles pour assurer la stabilité et la croissance de l'officine sans oublier le respect de l’indépendance du titulaire exploitant. Sur ce plan, les instances ordinales veulent avoir leur mot à dire.
Le pacte d’associé ne fait-il pas double emploi avec le règlement intérieur ?
Bertrand Cadillon.- La philosophie d’un pacte repose sur l’organisation des relations entre les associés – au nombre de deux à quatre dans la plupart des cas en ce qui concerne les officines – qui n’ont pas forcément des intérêts convergents, selon qu’ils soient exploitants ou investisseurs. C’est tout le sens du pacte : définir et décrire les objectifs que chacun poursuit ! Le règlement intérieur s’en différencie car il règle uniquement la vie au quotidien des associés exploitants sur des thématiques autres : les présences, les absences, les responsabilités dans l’exercice technique du métier la gestion des rémunérations et des comptes courants.
Le pacte d’associés est-il obligatoire ?
Bertrand Cadillon.- Dans les sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), la plupart des clauses statutaires sont d’ordre public et on peut très peu y déroger, la place pour le pacte d’associés est possible mais limité. En revanche, dans les sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (SELAS), la loi elle-même octroie aux actionnaires une très grande liberté dans la rédaction des statuts. Le pacte d’associés n’est donc pas obligatoire, mais il est préférable qu’il existe et bien évidemment qu’il soit présenté à l’Ordre ce qui n’est pas toujours le cas.
Pour quelles raisons ?
Bertrand Cadillon.- Dans l’esprit des pharmaciens en association, le pacte d’associés à un caractère confidentiel. C’est son essence même. Il est commun de dire que les statuts, ce sont la messe, le pacte, c’est la crypte ! Le rôle de l’Ordre est de vérifier que les clauses ne dérogent pas à la réglementation professionnelle et tout particulièrement aux principes déontologiques sur la question de l’indépendance du libéral. Dans le passé, des dérives concernant les conventions de vote dans les SELAS ont montré que la question n’est pas anodine.
Justement dans quels cas un pacte d’associé pourrait menacer l’indépendance du pharmacien ?
Bertrand Cadillon.- Dans le monde aujourd’hui complexe des affaires pharmaceutiques, la mise en place de pactes d'associés revêt une importance croissante. Ces accords stratégiques jouent un rôle crucial dans la gouvernance des entreprises pharmaceutiques, notamment en régulant les relations entre les associés et en assurant la pérennité de l'entreprise. Ils sont nécessaires à la bonne gestion du capital au sein des sociétés d’officines En permettant l’entrée et la société des associés en bon ordre, il évite des conflits puisque l’histoire est écrite d’avance. Le problème se pose lorsque la construction du pacte tend à favoriser certains groupes d’associés au détriment d’autres.
Pourriez-vous exposer ce cas de figure en d’autres termes ?
Bertrand Cadillon.- Dans le contexte de l'achat d'officines, les pharmaciens doivent souvent faire face à l'influence de certains acteurs investisseurs qui proposent des montages complexes souvent au détriment de l'indépendance du pharmacien. Ces acteurs, cherchant à maximiser leurs rendements et leur pouvoir, peuvent parfois imposer des conditions financières et opérationnelles contraignantes qui limitent la flexibilité et l'autonomie de gestion des titulaires. Ces montages financiers proposés, supportés par des pactes d’associés très verrouillés, sont souvent très attractifs à première vue, offrant un accès rapide au capital et des opportunités d'expansion un peu magiques Cependant, les pharmaciens doivent évaluer attentivement avec leurs conseils (avocat – expert-comptable et notaire) les implications à long terme de ces accords ainsi que leurs conséquences sur l’ exercice professionnel du ou des titulaires.
Qui rédige en général le pacte d’associé ?
Bertrand Cadillon.- Rédiger un pacte d'associés efficace nécessite une compréhension approfondie des besoins et des objectifs de l'officine, ainsi qu'une connaissance pointue de la législation en vigueur. Il est recommandé de faire appel à un avocat spécialisé dans le droit des sociétés d’officine pour assurer la conformité juridique du document et éviter les litiges futurs. Le pacte d'associés doit être clair, précis et complet, en abordant toutes les éventualités susceptibles d'affecter l'entreprise et en respectant l’équilibre entre associés. Pour assurer une gestion efficace des pactes d'associés en pharmacie, il est recommandé de les réviser régulièrement pour s'assurer qu'ils restent pertinents et adaptés aux besoins de la société. Ils seront communiqués aux instances ordinales en cas de modification.
Quelles sont les conséquences du non-respect d'un pacte d'associés en pharmacie ?
Bertrand Cadillon.- Le non-respect d'un pacte d'associés peut entraîner des litiges entre les associés, mais il n'y a généralement pas de sanctions pénales prévues. Cependant, les associés peuvent être tenus de verser des dommages et intérêts en cas de violation du pacte, conformément aux dispositions du Code civil. Bien évidemment ils encourent potentiellement des sanctions ordinales en cas de non-respect flagrant des règles déontologiques.
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